• Bruel et la "fournée" : Jean-Marie Le Pen seul contre tous au FN

    MIS À JOUR : 08-06-2014 20:26
    -CRÉÉ : 08-06-2014 14:11

    POLITIQUE – La remarque de Jean-Marie Le Pen invitant à faire "une fournée" avec Patrick Bruel suscite bien des remous au sein du parti d'extrême droite. Au point d'obliger Marine Le Pen à condamner le manque de prudence de son père.

     
     
    Marine Le Pen se serait bien passée des propos polémiques de son père sur Patrick Bruel.
    Marine Le Pen se serait bien passée des propos polémiques de son père sur Patrick Bruel.Photo : AFP

    Le prochain repas de famille s'annonce animé chez les Le Pen. Ce dimanche après-midi, la présidente du FN s'est démarquée de son père après la sortie plus que limite de ce dernier sur le chanteur Patrick Bruel. Dans le cadre d'un nouveau "Journal de bord", rendez-vous vidéo publié vendredi sur le site du parti, le président d'honneur du mouvement avait déclaré au sujet de l'interprète de "Place des grands hommes", et d'autres artistes opposés au Front national : "On fera une fournée la prochaine fois." Débusquée par Le Lab d'Europe 1, la vidéo a, depuis, été supprimée du site du parti d'extrême droite.

    "Stupide politiquement et consternant"

     

     

    Mais la polémique, elle, a enflé, obligeant, donc, Marine Le Pen à réagir. "Avec la très longue expérience qu'est celle de Jean-Marie Le Pen, ne pas avoir anticipé l'interprétation qui serait faite de cette formulation est une faute politique dont le Front national subit les conséquences", a-t-elle déclaré au Figaro. Toutefois, la présidente du FN s'est bien gardée de condamner en tant que tels les propos de son père, insistant davantage sur son manque de prudence. "Je suis convaincue que le sens donné à ses propos relève d'une interprétation malveillante", préfère-t-elle évacuer, à destination des médias notamment.

    Plus tôt néanmoins, Louis Aliot, compagnon de Marine Le Pen et n°2 du parti, avait plus ouvertement condamné les propos du sulfureux patriarche. Ainsi il avait affirmé dans Le Parisien ce dimanche : "Si M. Le Pen a bien utilisé le terme de fournée, c'est une mauvaise phrase de plus. C'est stupide politiquement et consternant". Une réflexion qui n'a pas du tout plus au patriarche. Celui-ci n'a pas manqué de réagir sur France Info : "Je vois une réaction de M. Aliot : s'il y a des gens de mon camp qui l'interprètent de cette manière, c'est que ce sont des imbéciles !" 

    Jean-Marie Le Pen mis à la retraite ?

    C'est en tout cas, ce que préconise implicitement ce dimanche Gilbert Collard sur BFMTV en réaction aux propos de l'ancien leader frontiste. A la question de savoir si Jean-Marie Le Pen devait quitter définitivement le FN, l'avocat a déclaré : "Guy Bedos a pris sa retraite [...], le roi d'Espagne a pris sa retraite et Jean-Marie ferait peut-être bien de se poser la question." Une hypothèse balayée par l'octogénaire, qui contre-attaque en rappelant que Gilbert Collard n'a obtenu son siège de député qu'avec le concours du FN. Avant de conclure bravache : "Je vous mets au défi de trouver dans mes soixante ans de vie politique une réflexion antisémite." Ses dérapages verbaux lui ont pourtant valu plusieurs condamnations en justice. 


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    Pour Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen a commis

    une «faute politique»

    AFP<time datetime="2014-06-08T10:49:14" itemprop="datePublished"> 8 JUIN 2014 À 10:49 </time>(MIS À JOUR : <time datetime="2014-06-08T19:12:20" itemprop="dateModified">8 JUIN 2014 À 19:12</time>)
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    Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen, lors d'un meeting à Marseille le 20 mai.lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll!

    <figcaption itemprop="description">Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen, lors d'un meeting à Marseille le 20 mai. (Photo Franck Pennant. AFP)</figcaption></figure>
    RÉACTIONS

    Plusieurs associations antiracistes ont dénoncé ce dimanche une nouvelle sortie antisémite du président d'honneur du Front national.

     
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    La sortie de trop ? Alors que SOS Racisme a annoncé une plainte contre Jean-Marie Le Pen pour des propos relevant  «du plus crasse logiciel antisémite», des cadres du mouvement se sont relayé dans la journée pour critiquer les déclarations du président d'honneur du Front national. Jusqu'à la présidente du Front nationale, sa fille Marine Le Pen qui a évoqué une «faute politique».


    «Je suis convaincue que le sens donné à ses propos relève d’une interprétation malveillante», a explique Marine Le Pen  aufigaro.fr.«Il n’en demeure pas moins que, avec la très longue expérience qu’est celle de Jean-Marie Le Pen, ne pas avoir 

    L'objet de cette «faute» ? Une vidéo diffusée sur le site internet du FN, mais qui n’était plus accessible dimanche (l’extrait isolé est visible sur Le Lab), dans laquelle Jean-Marie Le Pen s’en prend à plusieurs artistes qui ont pris position contre le FN: Guy Bedos, Madonna et Yannick Noah. Puis son interlocutrice évoque le chanteur Patrick Bruel, qui est juif. «On fera une fournée la prochaine fois», lui répond alors Jean-Marie Le Pen, dans un rire satisfait. 

    PLAINTE D'ASSOCIATIONS ANTIRACISTES

    Dimanche matin, SOS Racisme a dénoncé ces propos relevant selon l’association«du plus crasse logiciel antisémite et non du simple dérapage». Dans uncommuniqué, SOS Racisme annonce le dépôt d’une «plainte dans les jours qui viennent contre cette immonde et énième sortie» de Jean-Marie Le Pen «qui renoue là avec ses sorties sur le ministre Durafour et sur la Shoah».

    «La stratégie de défense du parti d’extrême droite qui se résume à balayer d’un revers de manche les passages à l’acte antisémites et racistes du leader historique de ce parti, en qualifiant ce dernier de non légitime et non représentatif du mouvement, ne tient plus», estime SOS Racisme, pour qui «les responsables du Front national doivent assumer leurs responsabilités et leur idéologie de haine».

     

    De son côté, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) qualifie Jean-Marie Le Pen d'«authentique antisémite» et annonce également des poursuites, pour «provocation à la haine et à la violence antisémite».

    Pour le Mrap, les responsabilités de Jean-Marie Le Pen au sein du FN témoignent de «l’adhésion idéologique» de la direction du parti «aux thèses racistes distillées à longueur d’idées et/ou de "jeux de mots" par Jean-Marie Le Pen».

    «Les délires et les provocations de cet individu ne m’atteignent plus depuis longtemps», a réagi Patrick Bruel sur sa page Facebook,«je ne suis même pas triste pour moi», mais «triste pour la mémoire de plus de six millions de gens», «triste que tant de français ne veuillent pas se souvenir que le Front National est né d’Ordre Nouveau parti nationaliste d’extrême droite xénophobe , antisémite habituellement classé dans le courant néo fasciste».

    Jean-Marie Le Pen a plusieurs fois été condamné pour incitation à la haine raciale ou contestation de crimes contre l’humanité, notamment pour ses propos qualifiant les chambres à gaz des camps de la mort nazis de «détail de l’histoire» ou pour un jeu de mot injurieux sur «Durafour crématoire» en 1988, visant le ministre Michel Durafour.

    COLLARD : «L'HEURE DE PRENDRE SA RETRAITE»

    Les cadres du mouvement d'extrême droite se sont pour la plupart désolidarisé ce dimanche des propos du président d'honneur du FN. 

    Le député Rassemblement bleu marine du Gard, Gilbert Collard, a suggéré dimanche à Jean-Marie Le Pen de se retirer : «(Guy) Bedos a pris sa retraite [...], le roi d’Espagne a pris sa retraite et Jean-Marie ferait peut-être bien de se poser la question», a-t-il déclarer sur BFM TV. «Tout ça est exploité contre nous, pas pour nous. [...] Il y a peut-être un moment où l’heure sonne de prendre sa retraite.» L’avocat a par ailleurs dit  ne pas «comprendre» que le FN continue de mettre en ligne ces vidéos de l’eurodéputé réélu fin mai.

     

    Gilbert Collard n'a pas été le seul de son camp à se désolidariser du président d'honneur du FN. Interrogé par le Parisien, Louis Aliot, vice-président du FN et compagnon de Marine Le Pen, qui a succédé à son père à la tête du parti, a estimé que si Jean-Marie Le Pen «a bien utilisé le terme de fournée, c’est une mauvaise phrase de plus. C’est stupide politiquement et consternant».

    Une réaction qualifiée de «mascarade» par SOS Racisme: «Soit les responsables actuels du FN sont incapables de gérer leur parti alors qu’ils prétendent pouvoir gérer la France, soit, et de façon bien plus convaincante, il s’agit d’une hypocrite prise de distance face à la montée d’une polémique mettant à mal leur stratégie de dédiabolisation».

    Jean-Marie Le Pen, lui ne semble pas s'émouvoir des propos à son égard. «Je vois une réaction de M. Aliot: s’il y a des gens de mon camp qui l’interprètent de cette manière, c’est que ce sont des imbéciles!», a répondu dimanche midi Jean-Marie Le Pen.

    «Je n’ai pas à m’expliquer avec lui, il ne m’a pas demandé mon avis, par conséquent je n’ai pas de raison de lui donner une explication, je n’ai pas à d’explication à lui donner d’ailleurs», a-t-il fait valoir.

    Quant aux déclaration de Gilbert Collard, Jean-Marie Le Pen a été encore plus direct : «Je lui réponds qu’il devrait changer les consonnes de son nom», a-t-il répliqué sur LCI. 

    LA «NAUSÉE» DE NAJAT VALLAUD-BALKACEM

    En fin de matinée, la ministre Najat Vallaud-Belkacem avait, elle, réagi sur son compte Twitter, déclarant que «l’exclusion et la condamnation sont les seules réponses républicaines à de tels propos».

    Le Pen président du déshonneur du FN : l'exclusion et la condamnation sont les seules réponses républicaines à de tels propos.

     

    Le Pen président du déshonneur du FN : l'exclusion et la condamnation sont les seules réponses républicaines à de tels propos.



    S'il n'exclut pas un de ses membres tenant de tels propos, le FN restera toujours le parti de la nausée républicaine.

     

     

    AFP

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  • Vote FN, miroir d'une jeunesse fracturée

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    FIGAROVOX/ANALYSE - Le défilé des organisations de jeunesse contre le FN n'a pas connu le succès des mobilisations qui ont suivi le 21 avril 2002. Le parti de Marine Le Pen rencontre même un succès croissant chez les jeunes. Le politologue Vincent Tournier décrypte le phénomène.

     

    Vincent Tournier est enseignat-chercheur en science politique à l'Institut d'études politiques de Grenoble. Il est spécialiste des questions liées à la jeunesse et à la politique.


    FIGAROVOX: Jeudi des organisations de jeunesse ont défilé contre le FN. Il n'en reste pas moins que 30 % des électeurs de moins de 35 ans ont voté pour le parti de Marine Le Pen aux européennes. Comment expliquez-vous ce phénomène? Peut-on aller jusqu'à parler d'engouement d'une partie de la jeunesse pour le FN?

    Vincent Tournier: Il faut rester prudent sur les analyses par tranches d'âge car les marges d'erreur sont plus importantes. Cela dit, il est vrai que les indices sont convergents. Le sondage IPSOS auquel vous faites référence indique que 30% des moins de 35 ans ont voté FN, soit cinq points de plus que la moyenne nationale. Un sondage de l'IFOP indique également que 29% des 18-24 ans ont voté FN. Cela n'autorise pas à parler d'un engouement, mais il y a bien une certaine attirance des jeunes pour le FN, ce qui est plutôt nouveau puisque, aux élections présidentielles de 2007 et de 2012, les jeunes se situaient exactement dans la moyenne nationale.

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    En 2002, après le choc du 21 avril, on se souvient qu'il y a eu des mobilisations massives. Aujourd'hui, il est clair que la situation se présente très différemment.

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    S'agit-il d'une tendance de fond? Il est trop tôt pour le dire, d'autant que l'élection européenne est un scrutin particulier, qui suscite une forte abstention, notamment chez les jeunes (les trois quarts des 18-24 ans ne sont pas allés voter). En même temps, le fait que les jeunes ne se soient pas allés voter alors que tout indiquait que le FN allait faire un très bon score est déjà un signe. En 2002, après le choc du 21 avril, on se souvient qu'il y a eu des mobilisations massives. Aujourd'hui, il est clair que la situation se présente très différemment. Cette quasi-absence de réaction est peut-être un signe en soi. Cela incite à penser que le statut du FN a effectivement changé. Il n'est plus le parti-repoussoir qu'il a pu être dans le passé. La dimension sulfureuse est toujours présente mais elle semble s'effriter. Les sondages le montrent bien: si le FN reste perçu comme un parti potentiellement dangereux, il suscite moins de crainte qu'avant. Il n'est certes pas encore un parti comme les autres, mais sa nature démoniaque est moins prégnante.

    On peut se demander si cette évolution ne provient pas du décalage entre le discours médiatique sur le Front national et l'image que celui-ci renvoie aujourd'hui. Je prendrai un exemple: la façon dont les médias ont réagi lorsque Robert Ménard, le nouveau maire de Béziers soutenu par le FN, a décidé d'interdire d'étendre le linge sur les fenêtres. Sortir l'artillerie lourde pour condamner une telle mesure a pu paraître excessif, surtout en sachant qu'une telle interdiction est courante en France, y compris dans les villes dirigées par la gauche. Ce type de sur-réactivité risque d'avoir un effet négatif en donnant le sentiment que, finalement, l'idéologie est moins du côté du FN que du côté de ses détracteurs.

    On a longtemps considéré que la jeunesse était à gauche. Celle-ci tendrait-elle à se «droitiser» comme pourrait le montrer la présence de nombreux jeunes dans les rangs de la Manif pour tous?

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    Il faut se garder de réduire la jeunesse à une identité politique unique.

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    Il est vrai que, sous la Vème République, les jeunes ont tendance à voter plus à gauche que le reste de la population. Cela s'explique par plusieurs facteurs, à commencer par le déclin de la religion catholique, qui a laissé le champ libre à la gauche pour capter une partie des nouvelles générations gagnées au libéralisme des mœurs.

    Mais encore faut-il préciser que, quand on parle d'orientation à gauche, il ne s'agit que d'un écart à la moyenne, et non d'une généralité. Par exemple, en 1965, 51% des 21-34 ans ont voté François Mitterrand au second tour de l'élection présidentielle, alors que Mitterrand ne faisait que 45% en moyenne. Les jeunes étaient donc plus à gauche, mais ils ne votaient pas tous à gauche. D'ailleurs, quand on détaille le scrutin de 1965, on voit que les jeunes étaient également assez nombreux à voter pour Tixier-Vignancour, le représentant de l'extrême-droite de l'époque (9% contre 7%). Bref, il faut se garder de réduire la jeunesse à une identité politique unique.

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    Pour la première fois depuis 1984, la droite a occupé la rue. Plus encore : elle a repris la rhétorique de la gauche en faisant valoir que le pouvoir devait être à l'écoute des manifestants, lesquels incarnent la voix du peuple.

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    Ce qui a pu conforter l'image d'une jeunesse structurellement orientée à gauche, c'est le fait que, jusqu'à présent, la mobilisation politique a été plus forte et plus visible à gauche qu'à droite. On songe bien sûr à Mai 68, mais aussi à tous les grands mouvements de jeunes sur les projets de réforme de l'enseignement, sans parler des nombreuses mobilisations pour la défense des groupes marginaux ou défavorisés comme les SDF ou les sans-papier. Sur le terrain des mobilisations collectives, il est donc évident que c'est la gauche qui domine. Cela tient au fait que l'engagement politique est plus valorisé à gauche à droite, mais aussi que les organisations de gauche ont su être plus actives ou plus efficaces.

    La Manif pour tous change un peu la donne. Pour la première fois depuis 1984, la droite a occupé la rue. Plus

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    Ne risque-t-on pas d'aller vers une sorte de clash des civilisations au sein même de la jeunesse ?

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    encore: elle a repris la rhétorique de la gauche en faisant valoir que le pouvoir devait être à l'écoute des manifestants, lesquels incarnent la voix du peuple. De son côté, la gauche de gouvernement a repris la rhétorique de la droite en clamant que le pouvoir n'appartient pas à la rue, qu'il faut savoir respecter le Parlement, que les manifestants sont manipulés par une minorité, etc.

    Cette inversion de la rhétorique invite à se demander si, désormais, on ne va pas assister à l'émergence d'un activisme de droite. Les jeunes de droite vont se dire: après tout, il n'y a aucune raison pour que ne répondions pas à la gauche avec ses propres armes.

    Alors que les sociologues évoquent de plus en plus les «fractures françaises», celles-ci sont-elles particulièrement marquées dans la jeunesse? Peut-on parler de deux jeunesses, l'une plutôt privilégiée qui défile aujourd'hui contre le FN, et l'autre, celle des «petits Blancs» qui serait déclassée?

    Les fractures au sein de la jeunesse ne sont pas nouvelles. La jeunesse n'a jamais été une réalité homogène. Même du temps de Jules Ferry, le système scolaire organisait une hiérarchie et un cloisonnement très rigides entre les différentes jeunesses. Si la massification du secondaire et du supérieur a permis d'atténuer certaines disparités, elle ne les a pas fait disparaître, surtout en France où elles sont plutôt élevées. Entre les jeunes de milieux populaires qui sortent précocement de l'école, souvent sans diplôme, et ceux qui se dirigent vers les grandes écoles, c'est tout un monde qui les sépare. On peut même penser que, dans la société actuelle, ces disparités prennent une nouvelle vigueur. Je ne parle pas des inégalités de richesse, qui sont relativement contenues dans un pays comme la France où il existe une importante politique sociale. Je parle plutôt des inégalités culturelles. Car si les progrès techniques ouvrent de nouvelles opportunités, tous les jeunes savent-ils s'en saisir? Ne risque-t-on pas d'aller vers une sorte de clash des civilisations au sein même de la jeunesse?

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    A l'autre extrémité, on va avoir une jeunesse qui peine à exploiter les ressources mises à sa disposition, à voir le rôle positif de la culture, qui s'enferme dans ses territoires et s'isole dans des logiques identitaires, y compris religieuses.

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    A une extrémité de la chaîne, on va trouver une jeunesse qui a accès à toutes les promesses de la modernité, qui baigne dans un univers cosmopolite et intellectualisé, où la culture se vit au quotidien, qui a le monde pour horizon, et dont les valeurs directrices sont la tolérance et l'humanisme, même si cela n'exclut pas la soif de la réussite matérielle et sociale, voire un certain égoïsme. A l'autre extrémité, on va avoir une jeunesse qui peine à exploiter les ressources mises à sa disposition, à voir le rôle positif de la culture, qui s'enferme dans ses territoires et s'isole dans des logiques identitaires, y compris religieuses. Déjà, certains marqueurs révèlent ces lignes de fracture. Je pense à l'obésité, qui témoigne des inégalités dans les ressources financières mais aussi des lacunes dans la maîtrise de l'information nutritionnelle. Un autre indice est la mobilisation qui a entouré la Journée de retrait de l'école, où l'on a bien vu que la question de l'égalité hommes-femmes ne provoquait pas les mêmes réactions dans tous les milieux. Une difficulté supplémentaire est que la diversité ethnique et religieuse vient amplifier ces lignes de fracture. Les effets de cette diversité n'ont pas été suffisamment anticipés. On peut certes s'en remettre à une approche optimiste, qui consiste à souligner que l'intégration se fera à terme puisqu'elle a plutôt bien marché dans le passé. Mais c'est oublier que la société française a radicalement changé, à la fois sur le plan économique et sur le plan culturel. L'économie de services a des exigences que n'avait pas l'économie industrielle, et la société n'est plus aussi autoritaire qu'autrefois, notamment à l'école. Donc, les mécanismes d'acculturation ne peuvent plus avoir la même efficacité.

    Au-delà du sentiment de déclassement, le vote FN chez les jeunes est-il également motivé par des ressorts identitaires? Lesquels?

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    On peut pourtant penser que, parmi les motivations du vote FN, il y a aussi une forme de blessure.

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    Cela fait déjà un moment que plusieurs auteurs alertent sur le fait que les questions identitaires vont revenir en force dans notre monde contemporain, en raison de la fin des grands affrontements idéologiques liés à la guerre froide et de l'internationalisation des échanges. Le monde académique n'a pris que partiellement en compte cette nouvelle donne. Jusqu'à présent, l'identité a surtout été envisagée sous l'angle des minorités, perçues comme des victimes. Cette perspective n'est pas fausse, mais au nom de quoi faut-il sortir la population majoritaire de ce raisonnement? La littérature sur le multiculturalisme montre bien cette hémiplégie. Les théoriciens soulignent volontiers que l'identité est une composante majeure de la personnalité, qu'elle doit donc être respectée sous peine d'infliger de grandes souffrances aux individus. C'est toute la question de la reconnaissance, défendue notamment par le philosophe canadien Charles Taylor. Mais Taylor ne pense qu'aux minorités, il n'intègre jamais dans son raisonnement la nécessité de respecter l'identité de la population majoritaire. L'hypothèse que cette identité puisse être à son tour blessée ne lui vient pas à l'esprit. D'ailleurs, il ne donne aucune indication sur la manière de concilier les différentes identités.

    On peut pourtant penser que, parmi les motivations du vote FN, il y a aussi une forme de blessure. Prenons les électeurs qui sont issus de familles catholiques. Ils savent très bien que la laïcité a été imposée à leurs ancêtres par l'Etat républicain. Ils savent aussi que, à l'époque, les critiques adressées au christianisme ont été très virulentes, beaucoup plus violentes que tout ce que l'on peut entendre aujourd'hui. Ils ont donc du mal à comprendre pourquoi les musulmans font tant d'histoire pour quelques caricatures. En gros, qu'est-ce qui justifie un traitement de faveur? Voire: qu'est-ce qui justifie de remettre en cause des équilibres difficilement établis au cours de l'histoire?

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    On peut donc se demander si on n'assiste pas à une recomposition de l'identité nationale, avec l'émergence d'une critique de l'immigration non pas au nom des valeurs traditionnelles, mais au nom des valeurs mêmes de la post-modernité, brouillant ainsi les schémas classiques.

    </aside>

    J'ajouterai également que, sur ces questions d'identité, le point nouveau est probablement qu'on voit apparaître ce qu'on pourrait appeler une xénophobie libertaire. Je veux dire par là que, jusqu'à présent, la xénophobie s'appuyait essentiellement sur des valeurs traditionnalistes, axées sur l'ordre et l'autorité. Aujourd'hui, la situation est un peu différente. L'hostilité envers les immigrés est aussi revendiquée au nom de la préservation d'un certain art de vivre: il s'agit de s'opposer à des cultures qui sont jugées menaçantes pour la liberté des mœurs, pour les grands acquis libéraux relatifs au divorce, à l'homosexualité, à l'avortement, etc. Prenons le cas des Roms. Dans une note publiée en mars dernier, le sociologue Julien Damon a soulevé un problème très intéressant à propos de la mendicité des enfants. Comment peut-on accepter une telle situation? Est-ce du racisme que de s'insurger face à cette exploitation, à l'heure où l'on revendique la nécessité de protéger les enfants?

    On voit que le débat se complique. C'était déjà le cas avec le voile islamique ou la burqa, où les clivages ont pu être complexes. Sur ce terrain de la xénophobie libertaire, le parti de Wilders a été précurseur mais le Front national est en train de le rejoindre: songeons à la façon dont il met désormais en avant la laïcité et la République, autant de thèmes qui étaient inconcevables pour l'extrême droite traditionnelle. On peut donc se demander si on n'assiste pas à une recomposition de l'identité nationale, avec l'émergence d'une critique de l'immigration non pas au nom des valeurs traditionnelles, mais au nom des valeurs mêmes de la post-modernité, brouillant ainsi les schémas classiques.


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    Marine Le Pen juge le gouvernement "incapable

    de protéger les Français"

    Le Point.fr - Publié le <time datetime="2014-06-02T09:34" itemprop="datePublished" pubdate="">02/06/2014 à 09:34</time>

    La présidente du FN se dit "scandalisée par la naïveté stupéfiante de notre gouvernement", et s'interroge sur les 1 000 Français qui sont en Syrie.

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    <figure itemprop="associatedMedia" itemscope="" itemtype="http://schema.org/ImageObject">La présidente du FN, Marine Le Pen.<figcaption>

    La présidente du FN, Marine Le Pen. © AFP PHOTO MARTIN BUREAU

    </figcaption></figure>
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    Marine Le Pen, présidente du FN, a accusé lundi le gouvernement de "naïveté stupéfiante", le jugeant "incapable de protéger les Français", après l'arrestation d'un Français passé par la Syrie et soupçonné d'être l'auteur de la tuerie au Musée juif de Bruxelles.

    "Est-ce que, sérieusement, ce gouvernement a pris la mesure du danger auquel nous sommes confrontés, étant entendu qu'il y a, nous dit-on, près de 1 000 Français qui sont en Syrie ? Combien sont revenus, combien sont prêts à passer à l'acte ? Je crois qu'aujourd'hui, le gouvernement est incapable de protéger les Français des dangers qui pèsent sur lui. Parce qu'ils ne veulent pas prendre la mesure pour des raisons idéologiques de ce danger, de ce fascisme vert que je dénonce déjà depuis de très nombreuses années", a déclaré l'eurodéputée sur France Info. "Je suis scandalisée par la naïveté stupéfiante de notre gouvernement, la déclaration de Bernard Cazeneuve le 26 mai disant : Aux jeunes qui partent en Syrie, je veux dire qu'il y a mille combats à mener pour la France. C'est pitoyable", a poursuivi la présidente du Front national.

    Montée de l'islamisme radical

    Un Français au "profil djihadiste", radicalisé en prison et passé par la Syrie, a été arrêté vendredi à Marseille, soupçonné d'être l'auteur de la tuerie au Musée juif de Bruxelles le 24 mai. Par ailleurs, quatre personnes ont été arrêtées lundi en France en lien avec des filières djihadistes, a annoncé le ministre de l'Intérieur. Selon Marine Le Pen, il faut "renforcer à tout prix le renseignement, affaibli par Nicolas Sarkozy et par François Hollande", "revenir à des frontières", créer "des prisons spéciales pour ce type de profil" et prononcer la "déchéance de la nationalité". La présidente du FN a de nouveau prôné de "mettre fin à l'immigration massive, car le développement du fondamentalisme islamiste dans notre pays a suivi exactement la courbe de l'immigration de masse".

    Interrogée sur la montée de l'islamisme radical et de l'antisémitisme en France, Marine Le Pen a répondu : "Évidemment. Les deux sont liés d'ailleurs, ça fait des années que nous le disons. Nos compatriotes juifs le savent, quand ils ne sont pas manipulés par les institutions du type Crif ou autres, ils ont bien compris que le danger principal était bien évidemment la montée du fondamentalisme islamiste."

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  • Bruxelles : le FN peine à trouver des alliés

    • HOME ACTUALITE POLITIQUE
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      • Par Jean-Jacques Mevel
      • Mis à jour <time data-ago="il y a 5 minutes" data-original="le 28/05/2014 à 20:38" datetime="2014-05-28T20:38:20+02:00" itemprop="dateModified">le 28/05/2014 à 20:38</time>
      •  
      • Publié <time data-ago="il y a 34 minutes" data-original=" le 28/05/2014 à 20:08" datetime="2014-05-28T20:08:52+02:00" itemprop="datePublished">le 28/05/2014 à 20:08</time>
      • lien
    <figure>Marine Le Pen en compagnie des autres chefs de file des partis d'extrême droite européens, mercredi à Bruxelles: le Néerlandais Geert Wilders à droite, l'Autrichien Harald Vilimsky, deuxième à gauche, et l'Italien Matteo Salvini.<figcaption itemprop="description">

     

    </figcaption></figure>

    Marine Le Pen n'a pas encore rassemblé les députés de sept pays, nécessaires à la constitution d'un groupe.

    Pour Marine la victorieuse, il y avait bien plus de journalistes que d'ordinaire. Mais l'énigmatique invitation lancée par le Front national les a laissés sur leur faim: la présidente du FN peine à trouver des alliés au Parlement européen et, contretemps ou malentendu, son groupe des partis «patriotes» se conjugue toujours au conditionnel.

    On en attendait au moins six, mais quatre patrons de l'extrême droite européenne seulement ont pris place mardi après-midi à côté de Marine Le Pen. Des recrues bien connues de la presse: l'impeccable Geert Wilders pour le PVV néerlandais, le raide Harald Vilimsky pour le FPÖ autrichien, Matteo Salvini, plus détendu, pour la Ligue du Nord italienne et, pour finir, l'ultime élu d'un Vlaams Belang par ailleurs étrillé en Belgique.

    Au total, les cinq pèsent 38 eurodéputés (sur 751), effectif suffisant pour former un groupe politique à Strasbourg - il faut 25 eurodéputés. Le déficit est sur les drapeaux: il faut sept nationalités différentes et il en manque encore deux. Marine Le Pen dit n'avoir «aucune inquiétude» quant à son «groupe futur», qui doit voir le jour d'ici fin juin. Ses partenaires évoquent des pistes que l'on ne peut pas nommer, «par discrétion». Mais le compte n'y est pas.

    Le problème du FN s'appelle Nigel Farage, patron de l'Ukip britannique et terreur de David Cameron. Il chasse sur les mêmes terres europhobes au Parlement européen. Pendant que Marine Le Pen présentait sa liste incomplète, le Britannique parlait alliance - et pas si discrètement - avec le chef d'un poids lourd de la contestation en Europe: Beppe Grillo, chef du Mouvement italien 5 étoiles, fort de 17 élus. Les Allemands du parti anti-euro Allianz für Deutschland, tentés par Ukip, étaient également repérés dans les parages. Nigel Farage n'a pas le compte non plus. Mais il a l'avantage d'avoir fondé un groupe dès 2009.

    Une arrivée attendue comme le débarquement des Martiens

    Avec ou sans groupe, l'arrivée dans l'Hémicycle de deux douzaines d'élus FN est attendue comme le débarquement des Martiens. «Ils n'étaient que trois jusqu'ici, plutôt absents au travail, et personne n'a la moindre idée de ce que peut donner un détachement de vingt-quatre, note un bon observateur de la scène européenne. Vont-ils se servir de l'Hémicycle comme de la tribune qui leur manque à l'Assemblée nationale, voire d'un tremplin pour 2017? Ou plutôt s'impliquer dans la machine et signifier que l'Europe pourrait fonctionner différemment?»

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    «Vont-ils se servir de l'Hémicycle comme de la tribune qui leur manque à l'Assemblée nationale, voire d'un tremplin pour 2017? Ou plutôt s'impliquer dans la machine et signifier que l'Europe pourrait fonctionner différemment?»

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    La constitution d'un groupe avec d'autres europhobes serait sûrement un plus. Ils auraient le droit de s'exprimer sur tout sujet abordé en séance plénière. Ils pourraient peser sur l'agenda. Ils bénéficieraient d'un secrétariat, de bureaux et d'assistants payés par le Parlement. La dotation financière est fonction des effectifs et dépasserait sûrement le million d'euros.

    Mais peuvent-ils peser sur la législation européenne? À Strasbourg, le vrai travail se fait en commission, et là, la tâche du dernier venu des groupes politiques s'annonce beaucoup plus ardue, à supposer qu'il s'y attelle. Par sa taille, le groupe voulu par le FN n'arriverait qu'en septième ou huitième rang de la distribution des prix, qui se fait au prorata des forces politiques. Les quatre grands groupes traditionnels - conservateurs, socialistes, libéraux et Verts - occupent encore 70% des sièges et bloqueront à chaque coup.

    La présidence d'une des 20 commissions semble hors d'atteinte, tout comme les fauteuils convoités de rapporteur, cheville ouvrière des projets de loi. Marine Le Pen a semblé s'y résigner mercredi, en s'interrogeant sur l'utilité de travailler «à des textes qui de toute façon ne vont pas dans l'intérêt des peuples». L'eurodéputé français Alain Lamassoure, stratège de l'UMP, confirme à sa manière: «Marine Le Pen ne va sûrement pas bouleverser le travail au quotidien. En revanche, elle amènera davantage de vociférations pour les caméras, en séance plénière.
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