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Syrie : les frappes russes épargnent largement Daech
La Russie a lancé sa campagne de frappes aériennes le 30 septembre en soutien au régime syrien. Un mois plus tard, Damas n'a pas réussi à inverser la tendance... et Moscou semble encore épargner Daech.
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Quatre semaines après son entrée en guerre triomphante contre les ennemis du régime syrien, la Russie continue de frapper sur plusieurs fronts dans le pays et a mené ses raids les plus importants mardi et mercredi : sur les seules journées du 27 et du 28 octobre, Moscou a annoncé avoir bombardé 118 cibles "terroristes".
En tout, les avions russes ont déjà lancé plus de 1.000 raids depuis le 30 septembre. Mais pour quel bilan ? Qui est frappé et dans quelle mesure les forces de Bachar al-Assad en profitent-elles
# Quel bilan humain ?
Selon le décompte de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), organisme d'information basé en Angleterre mais qui s'appuie sur un fort maillage local, les frappes menées par la Russie ont pour l'heure fait 595 morts. Deux tiers (410) étaient des membres de groupes armés et un tiers des civils.
Dans le détail, 279 rebelles alliés au Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaida, ont été tués ainsi que 131 djihadistes du groupe Etat Islamique (Daech). 185 civils, dont 46 femmes et 48 enfants ont péri. De son côté, Moscou dément fermement avoir tué des civils.
Proportionnellement, les raids russes ont été deux fois plus meurtriers en un mois que ceux de la coalition conduite par les Etats-Unis, qui ont fait 3.649 morts en 13 mois.
Sur ces 3.649 tués, toujours selon l'OSDH, 3.276 étaient des combattants de Daech. 147 appartenaient au Front al-Nosra et à d'autres groupes islamistes. 226 civils ont été tués - soit 6% des victimes - dont 65 enfants et 40 femmes.
# Où la Russie frappe-t-elle ?
Selon un décompte de l'AFP établi à partir des communiqués du ministère russe de la Défense et des déclarations du chef de l'opération militaire en Syrie, le général Andreï Kartapolov, l'armée russe a déjà bombardé 1.623 cibles "terroristes" en 1.391 raids aériens, soit 46 frappes par jour en moyenne. L'aviation militaire russe couvre une large part du territoire syrien, ayant pour l'instant mené des raids dans 10 des 14 provinces de Syrie.
Néanmoins, la majorité des bombardements ont ciblé les provinces où les forces gouvernementales combattent directement les rebelles, ce qui confirme la stratégie de Moscou d'apporter en priorité une couverture aérienne à l'armée de Bachar al-Assad. Il s'agit des provinces de Hama (centre), Idleb (nord-ouest), Alep (nord), Homs (centre) et Lattaquié (ouest). Mais Moscou élargit peu à peu son champ d'action : pour la première fois cette semaine, les avions russes ont bombardé la province méridionale de Deraa.
L'"Institute for the Study of War" (ISW), un "think tank non-partisan" américain fondé en 2007 par l'historienne Kimberly Kagan, réactualise fréquemment sur son site la carte des frappes russes en Syrie sur la base des déclarations du Kremlin, en les recoupant pour les classer selon leur degré de vraisemblance.
Voici la dernière version, qui prend en compte la série de frappes des 27-28 octobre (légende traduite ci-dessous).
# Qui la Russie cible-t-elle ?
C'est toujours le fond du problème. Depuis quatre semaines, la Russie affirme que ses opérations visent le groupe Etat islamique et les autres "terroristes"... alors que les Occidentaux lui reprochent de frapper essentiellement les rebelles "modérés" et islamistes. Comme le montre la carte de l'ISW, les cibles principales de la Russie, à savoir les provinces de Hama, Lattaquié et Idleb, comptent une présence relativement faible de Daech.
Les organisations "modérées", formées et soutenues par les Etats-Unis, ont ainsi accusé Moscou de les viser directement. La brigade Souqour al-Jabal affirmait début octobre que les avions russes avaient ciblé son dépôt d'armes dans la province d'Alep. "Je peux absolument confirmer que ces frappes visaient l'Armée syrienne libre ou des groupes qui ont été armés et entraînés par la CIA", confirmait ainsi le sénateur et ancien candidat à la présidentielle John McCain à la télévision américaine.
C'est une incroyable illustration de [...] ce qu'est la première priorité de Poutine."
Néanmoins, la Russie a mené de façon certaine des frappes dans les deux provinces considérées comme les fiefs de Daech : Raqqa (la "capitale" du califat autoproclamé) et Deir ez-Zor, à l'est du pays.
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A 19 ans, il est le meilleur cartographe du conflit syrien</aside>
# Quel bénéfice pour Damas ?
Avant l'intervention russe, les forces du régime reculaient régulièrement face aux rebelles. Si elles n'ont guère regagné de terrain depuis un mois, la couverture aérienne russe leur a au moins permis d'endiguer l'avancée du Front Al-Nosra et des rebelles dits modérés.
Les troupes de Damas ont pu lancer leur première offensive terrestre le 7 octobre, dans le nord de la province centrale de Hama. Leur but : reprendre le contrôle de l'autoroute internationale reliant Homs à Alep, la capitale économique du pays.
Mais les résultats de cette opération sont pour l'instant mitigés : après avoir repris plusieurs localités aux rebelles, les loyalistes n'ont réussi à en conserver que trois. Dans le sud d'Alep, les forces gouvernementales ont pris le contrôle de six villages et de collines, selon l'OSDH. L'armée dit, elle, avoir pris 50 villages et hameaux, soit environ 120 km².
Dans le même temps, Daech a continué de progresser, s'emparant de larges portions de l'axe Homs-Alep. A ce jour, les 500.000 habitants des quartiers d'Alep tenus par le régime syrien restent coupés du monde.
Réunis à Vienne ce vendredi avec la présence inédite de l'Iran, Washington et Paris veulent toujours négocier un "calendrier précis" de départ de Bachar al-Assad, principale pierre d'achoppement des débats et prérequis absolu à toute action concertée. D'ici-là, les autorités américaines continuent, tel le patron du renseignement américain James Clapper, d'afficher leur inquiétude sur la stratégie de Vladimir Poutine.
Quel est son plan à long terme ? Je ne suis pas certain qu'il en ait un. J'ai l'impression qu'il improvise au jour le jour."
Timothée Vilars