Pour piquer votre chien, accusez-le d’avoir la rage. A l’extrême droite, la méthode est courante sur Internet, mais elle se fraye aussi un chemin dans la vraie vie. Mercredi, Adrien Desport, cadre déchu du FN départemental, et trois autres militants du parti d’extrême droite, comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Meaux, soupçonnés d’avoir incendié douze voitures à Mitry-Mory, dans la nuit du 8 au 9 avril 2015.
Au total, six personnes ont été déférées, «toutes âgées entre 20 et 25 ans mais pas forcément toutes membres du FN, domiciliées dans le Val-d’Oise et en Seine-et-Marne», indique le parquet. «Les faits dépassent l’entendement», selon le procureur adjoint Emmanuel Dupic, qui évoque un nombre de victimes «impressionnant». «Il s’agissait de créer un climat d’insécurité», explique-t-il, même si certains faits s’apparentent selon lui «à des actes de vengeance vis-à-vis d’autres militants du FN».
Desport, ex-numéro 2 du parti dans la Seine-et-Marne malgré son jeune âge, avait poussé l’audace jusqu’à s’émouvoir sur son blog des dégradations : «la délinquance se fait de plus en plus présente et leurs délits de plus en plus violente (sic)», écrivait-il peu après les faits. Sur Twitter, il se photographiait en pleine séance de tractage «suite aux 20 véhicules brûlés».
Trois mois plus tard, le parquet ouvrait «une enquête pour destruction volontaire par incendie en bande organisée, dégradation volontaire de bien privé et dénonciation de délit imaginaire». C’est le FN lui-même, via Nathalie Pigeot, en charge des fédérations locales, qui a alerté la justice il y a une quinzaine de jours, sans pour autant porter plainte. «On s’est rendu compte que ce garçon avait un comportement psychologique étrange», lâche Nicolas Bay, secrétaire général du parti.
«Il cherchait en permanence à se mettre en valeur»
Il semblerait que Desport ne faisait plus l’unanimité dans le marigot frontiste local depuis un moment. Ce dernier avait été démis de ses fonctions de secrétaire départemental adjoint peu avant les faits, assure Renaud Persson, secrétaire départemental FN de Seine-et-Marne. «C’était un adhérent de longue date à qui j’avais confié pas mal de responsabilités, avant de m’apercevoir qu’il contestait tout ce que je faisais et qu’il me dénigrait dans la presse. Il cherchait en permanence à se mettre en valeur», ajoute-t-il. Suspendu par le FN depuis le signalement de l’affaire, Adrien Desport doit «passer en commission de discipline» prochainement, indique le FN.
Mercredi soir, les six suspects, arrêtés la veille dès potron-minet, attendaient toujours de passer devant le juge, après une nuit en garde à vue. Dans la salle d’audience, on comptait au moins une dizaine de victimes. Des habitants malchanceux ciblés au hasard, comme Michel*, résident de Soisy-sous-Montmorency (Val d’Oise), dont la voiture a flambé en pleine nuit, mais aussi des adhérents du FN. A l’instar de cette militante de Mitry-Mory, «extrêmement choquée», qui a retrouvé son portail orné d’un tag «pute» et d’une croix gammée. Le Parisien, qui a le premier relayé l’affaire, évoque des «expéditions menées dans le cadre de soirées, où l’alcool et la cocaïne circulaient».
* Le prénom a été changé.