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Sommet UE-Turquie : ce qu’espèrent les Européens,
ce qu’exigent les Turcs
Le Monde.fr | <time datetime="2015-11-29T12:20:02+01:00" itemprop="datePublished">29.11.2015 à 12h20</time> • Mis à jour le <time datetime="2015-11-29T17:30:02+01:00" itemprop="dateModified">29.11.2015 à 17h30</time> | Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
<figure class="illustration_haut " style="width: 534px"> </figure>
Les 28 chefs d’Etat et de gouvernement de l’ Union européenne se réunissent pour trois heures de discussion avec le premier ministre turc Ahmet Davutoglu, dimanche 29 novembre à Bruxelles. Quel est le but de cette inédite rencontre au sommet, réclamée depuis des semaines par la chancelière allemande Angela Merkel ?
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Ce que veulent les Européens, tout particulièrement les Allemands
Ils espèrent obtenir d’Ankara un engagement ferme afin de juguler l’afflux des réfugiés en Europe, qui transitent par la Turquie . Depuis le début de l’année, plus d’un million de Syriens, Irakiens, Afghans, Pakistanais, sont déjà arrivés en Europe, il s’agit de la plus grande crise migratoire sur le continent depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
L’Union demande à la Turquie d’aider davantage les 2,2 millions de Syriens, qui fuient la guerre civile et qui, depuis quatre ans, sont venus se réfugier chez elle. Mais qui manquent d’écoles pour leurs enfants, de soins, etc. Elle veut aussi qu’Ankara garde mieux sa frontière avec la Grèce, premier pays d’entrée des migrants en Europe, qu’elle fasse mieux la chasse aux passeurs, aux faux passeports, et accepte de prendre en charge les migrants économiques venus des côtes turques mais refoulés en Grèce car non éligibles au droit d’asile.
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Ce qu’exigent les Turcs en échange
Ankara veut une aide financière pour prendre en charge ces réfugiés ; au moins 3 milliards d’euros, par an. Elle demande aussi de l’argent pour mieux équiper ses douaniers, notamment pour acheter des bateaux gardes-côtes. Mais le gouvernement de Ahmet Davutoglu exige surtout que ce sommet soit l’occasion d’un accord beaucoup plus large.
Il veut la relance du processus d’adhésion de la Turquie à l’UE, complètement gelé depuis des années. Ce processus avait été lancé officiellement en 2004. Mais Chypre bloque l’ouverture de chapitres de négociations, qu’elle conditionne à un accord sur l’occupation du nord de l’île par la Turquie. D’autres pays, à commencer par la France pendant la présidence de Nicolas Sarkozy, ont aussi beaucoup freiné le processus. Ankara exige aussi une libéralisation accélérée de la délivrance de visas (courts séjours, touristiques) aux Turcs en Europe : elle espère qu’elle interviendra en 2016 plutôt qu’en 2017.
Lire : Face à l’UE, Erdogan savoure sa revanche
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A quoi devrait ressembler l’accord signé dimanche ?
Les diplomates ont négocié jusqu’à samedi soir pour trouver un terrain d’entente. Les Européens ne devraient pas « lâcher » sur les 3 milliards d’euros : ils acceptent cette somme, qui doit aller en priorité à des actions en faveur des Syriens (non pas directement au budget turc), mais ne s’engagent pas sur sa périodicité (tous les ans, tous les deux ans ?). Par ailleurs, ils ne précisent pas d’où viendra cet argent.
Pour l’instant, 500 millions d’euros ont été dégagés du budget de l’UE, et la commission européenne a demandé aux Etats membres d’avancer le reste. Mais la plupart refusent d’apporter des contributions directes, pour des raisons d’affichage politique (impossible pour le gouvernement Chypriote, par exemple, de dire qu’il va aider directement la Turquie) et exigent que le solde soit lui aussi trouvé dans le budget de l’UE.
Concernant le processus d’adhésion, les Européens ne devraient s’engager concrètement que sur l’ouverture du chapitre 17 des négociations (politiques économiques et monétaires), qui, sommet ou pas, aurait de toute façon pu être ouvert dans les mois qui viennent. L’accord ne mentionnera pas les chapitres 23 et 24 (justice, droits fondamentaux, libertés, sécurité), malgré l’insistance des Turcs.
Ankara, de son côté, ne s’engagera sur aucun calendrier précis de déploiement des mesures de « contingentement » des réfugiés demandées par les Européens.
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La question des droits de l’homme, grande absente
Les atteintes flagrantes aux libertés d’informer, les dérives autoritaires du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, la répression brutale contre les Kurdes, l’ambiguïté d’Ankara vis-à-vis de l’organisation Etat islamique ne devraient pas être évoqués dans les conclusions du sommet de dimanche. « Il en sera peut-être question, mais dans le huis clos des discussions » selon des diplomates européens. S’ils répètent qu’ils ne transigeront pas sur leurs principes, les dirigeants européens, aux abois à cause de la crise migratoire, ont fait le choix de la « realpolitik ».
Ces derniers jours, pourtant, deux journalistes (Can Dündar et Erdem Gül, du quotidien Cumhuriyet) ont encore été emprisonnés, suite à des articles dénonçant l’existence de livraisons d’armes des services secrets turcs à l’organisation Etat islamique. « Nous espérons que votre volonté de trouver une solution n’entamera pas votre attachement aux droits de l’Homme, de la presse et d’expression, qui sont les valeurs fondamentales du monde occidental » ont déclaré ces deux journalistes, dans une lettre adressée dimanche aux 28 leaders européens.
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