• La Russie coupe à nouveau le gaz à l?Ukraine

    La Russie coupe à nouveau le gaz à l’Ukraine

    Le Monde.fr | <time datetime="2015-11-24T15:50:42+01:00" itemprop="datePublished">24.11.2015 à 15h50</time> • Mis à jour le <time datetime="2015-11-25T09:42:21+01:00" itemprop="dateModified">25.11.2015 à 09h42</time> | Par

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    Un pylone électrique endommagé près d'un village de Tchonhar, dans la région de Kherson, en Ukraine, lundi.

    La Russie a mis ses menaces à exécution : Gazprom a annoncé, mercredi 25 novembre, l’interruption de ses livraisons de gaz à l’Ukraine, ajoutant que de « graves risques » pesaient sur son transit vers l’Europe par le territoire ukrainien au cours de l’hiver. Le géant gazier a justifié sa décision par le retard de paiement de la compagnie publique ukrainienne Naftogaz. Elle doit désormais payer par avance le gaz acheté à Gazprom, conformément à l’accord passé fin septembre sous l’égide de l’Union européenne (UE). Gazprom avait repris le 12 octobre des livraisons suspendues en juillet.

    Prise avec l’accord du Kremlin, cette décision s’inscrit dans un contexte politique plus large. Elle intervient trois jours après le sabotage des lignes électriques à haute tension ukrainiennes approvisionnant la Crimée, annexée par les Russes en mars 2014. Mardi, Moscou avait annoncé l’arrêt imminent de ses livraisons en accusant les Tatars de Crimée et les militants nationalistes ukrainiens, deux groupes hostiles à une Crimée russe, d’empêcher la réparation du réseau avec la complicité tacite de Kiev. Le ministre ukrainien de l’énergie, Volodymyr Demtchichine, avait justifié ce retard en expliquant que des installations « pourraient être minées ». Dans la péninsule annexée, 938 000 personnes étaient toujours privées de courant mardi, la seule production étant fournie par des groupes électrogènes, dont 300 générateurs envoyés de Russie.

    Arrêt des livraisons de charbon

    Le ministre russe de l’énergie, Alexandre Novak, a aussi envisagé, mardi, une autre mesure de rétorsion : un arrêt des livraisons de charbon, qui alimentent les centrales électriques et les chaufferies urbaines, indispensables à l’approche de l’hiver. « Nous pouvons, et peut-être le devons-nous dans cette situation, prendre la décision d’arrêter les livraisons de charbon de nos organisations commerciales », a-t-il prévenu. Ce n’est pas seulement l’activité en Crimée, mais celle des régions ukrainiennes limitrophes qui est touchée, a-t-il fait valoir.

    Ce regain de tension a été accentué par la suspension des échanges avec la Crimée, annoncée lundi par le président ukrainien. Petro Porochenko a demandé au gouvernement la création d’un groupe de travail afin de stopper « les livraisons de marchandises et tous les échanges commerciaux » avec la péninsule. Le premier ministre, Arseni Iatseniouk, a laissé entendre que cette décision était une réplique à la menace de la Russie d’imposer un embargo sur les marchandises ukrainiennes à partir du 1er janvier 2016. C’est à cette date qu’entrera en vigueur l’accord de libre-échange entre l’Ukraine et l’Union européenne (UE), principal volet d’un accord d’association plus large.

    L’accord de libre-échange, scellé fin avril entre Kiev et Bruxelles, se traduira par la levée de nombreuses barrières douanières. Les Européens voulaient néanmoins y associer Moscou, farouchement hostile à un rapprochement vécu comme une menace pour son économie et une intrusion inacceptable dans sa zone d’influence. Ils avaient donc poussé l’Ukraine à négocier avec son puissant voisin pour parvenir à un accord commercial trilatéral. Ces discussions n’ont pas abouti.

    Lire aussi : La Russie et Bruxelles trouvent un accord sur la reprise des livraisons de gaz à l’Ukraine

    Sur la question gazière, on est revenu à la situation qui prévalait avant le 12 octobre. Avec l’accord de Moscou et de Kiev, les compagnies publiques Gazprom et Naftogaz avaient signé en septembre à Bruxelles un compromis permettant aux Ukrainiens de passer l’hiver sans être privés de gaz. L’UE s’était engagée à faciliter le financement des achats ukrainiens, notamment auprès de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). Pour sa part, la Russie avait fait un geste de bonne volonté en réduisant le prix du gaz vendu à son voisin.

    L’Ukraine n’est pas dépourvue de ressources énergétiques, notamment de gaz et de charbon. Mais le premier est en quantité insuffisante et le second manque depuis la perte du riche bassin houiller du Donbass (Est), où de nombreuses mines ont été bombardées ou ont dû fermer. Le pays n’a jamais été aussi dépendant de la Russie pour son approvisionnement énergétique (gaz, charbon, pétrole). En octobre 2014, les Russes avait temporairement interrompus la fourniture de charbon sans donner d’explication convaincante à ses clients.

    Moscou pourrait aussi utiliser l’arme de l’énergie nucléaire. Les quinze réacteurs ukrainiens en service couvrent près de 50 % des besoins en électricité du pays, ce qui en fait le plus « électronucléaire » du monde derrière la France (75 %). Construites par les Russes, en particulier sous l’ère soviétique, ces centrales dépendent du groupe russe Rosatom pour leur entretien, la fourniture du combustible et le recyclage des déchets. Les Ukrainiens se tournent de plus en plus vers Toshiba-Westinghouse, dont le PDG a récemment rencontré M. Porochenko, pour exploiter son parc.

    Instruit par la catastrophe de Tchernobyl (1986), jamais Moscou n’a brandi la menace d’une rupture de sa coopération nucléaire, même au plus fort des conflits de 2006, 2009 et 2013-2014. « Le sujet de la sûreté est vraiment très sensible, on ne touche pas à l’atome, on poursuit notre coopération », confie un dirigeant de l’agence russe de l’énergie atomique. Ce qui n’interdit pas aux dirigeants russes de souligner les risques d’exploitation de ces réacteurs dans un pays instable, à commencer par le vice-premier ministre, Dmitri Rogozine. Une autre manière de mettre la pression sur Kiev.


     

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