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"À quoi servent les gitans ?" le titre qui choque la communauté perpignanaise
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"À quoi servent les gitans ?" le titre qui choque la communauté perpignanaise
Le 20 août à 6h00 par Barbara Gorrand | Mis à jour il y a 5 heures lien
</header> <figure class="articleImage"> <figcaption class="caption">Les représentants de la communauté s'offusquent de cette Une. PHOTO/M. C.</figcaption> </figure>Remontés, les représentants d'associations gitanes et de la société civile envisagent de porter plainte contre l'hebdomadaire Le Petit Journal catalan.
"A quoi servent les gitans de Perpignan ?" C'est avec ce titre de Une que Le Petit journal catalan, dans son édition du 14 au 20 août, consacre un article de fond à la communauté gitane de Perpignan. Trois pages dans lesquelles sont évoqués le rôle des regrettés patriarches, la place de la femme et, plus largement, celui des gitans tout court dans la société perpignanaise.
Le dossier aborde les problématiques qui touchent la communauté - pauvreté, ghettoïsation de Saint-Jacques, drague électorale, trafics, et surtout, difficile maintien d'une culture considérée par beaucoup comme archaïque - mais n'évite pas les raccourcis. "À lire l'article, nous frappons nos femmes, nous maltraitons nos enfants, nous refusons de nous conformer aux lois françaises, et notre seul point d'accord avec la communauté arabe, ce sont les rodéos sur les routes et les vols à l'arraché commis par nos gosses, qui sont tous des camés !" Claude Reyes, président de l'association Cambiem, Valls Ramounet, avocat, Jean-David Rey, président de Gitans de France, Joseph Soler, son vice-président par ailleurs aumônier de prison, et Marc Baptiste, au nom de la communauté, sont évidemment remontés.
- "La délinquance n'est pas l'apanage des gitans"
"Dans cet article, il y a une atteinte évidente, flagrante, non seulement à l'honneur et à la dignité de la communauté gitane, mais également à notre citoyenneté française et au-delà, à la dignité humaine", dénonce Valls Ramounet. "Demander à quoi nous servons, c'est nous rabaisser à des êtres inférieurs, des objets. Nous ne sommes pas des abeilles, dont on expliquerait le rôle dans un écosystème ! Les gitans n'ont pas à justifier de leur droit à la vie." "Nos femmes ne seraient que des génitrices contraintes au mariage ? Moi, ma fille a fait des études jusqu'à 18 ans, elle s'est mariée à 20 ans avec le mari qu'elle s'est choisie. La plupart des gitans sont intégrés", renchérit Claude Reyes.
Ce mercredi, ces représentants de la communauté ont fait le tour des médias locaux pour faire entendre leur colère contre "ce ramassis de rumeurs, de calomnies non vérifiées." "Bien sûr, qu'il y a des problèmes au sein de la communauté : on ne vient pas combattre un article diffamant par de l'angélisme. Mais la délinquance n'est pas l'apanage de la communauté gitane !"
Et la finalité de l'article, qui répond à la question posée en expliquant qu'"en vérité, les Gitans sont très utiles à l'âme de la ville" ne les satisfait pas plus. "Ça, c'est du folklore", balaye Jean-David Rey, qui depuis ce week-end a été dépassé par le nombre d'appels de gitans d'Agde, de Montpellier et au-delà, lui demandant de réagir. "D'autant qu'après avoir expliqué que nous étions le fléau de la ville, le journaliste, qui n'a pas le courage de signer, explique que notre "seule présence donne au moins généreusement du travail aux fonctionnaires de police, aux services sociaux et aux employés municipaux"... Si cela, ce n'est pas stigmatiser ! En plus d'être discriminatoire, tout l'article est une incitation à la haine."
Plusieurs poursuites sont envisagées contre la publication. La Ligue des droits de l'Homme a déjà apporté son soutien à la communauté, dont certains membres souhaitent porter plainte. Jean-David Rey, au nom de l'association Gitans de France, l'envisage comme un dernier recours. "Mais avant cela, je veux rencontrer l'auteur de l'article, que j'ai eu au téléphone et qui viendra vendredi. Je veux l'entendre, lui montrer que les gitans ne sont pas belliqueux. En attendant, nous appelons tous ceux que cet article a choqués à nous rejoindre dans le combat contre la stigmatisation."
Entre mythes et stéréotypes, la majorité silencieuse des gitans de Perpignan commence tout juste à faire entendre sa voix.
Cambiem : mediateur. nouveaulogis@orange.fr,
Gitans de France : reymagali@voila.fr
"Nous posons une question que tout le monde se pose"
Joint par téléphone, l'auteur anonyme mais déterminé confirmait s'être "appuyé sur des émissions diffusées sur France Culture en 2012 et sur un reportage de 2014 diffusé sur TV3", pour construire son article, "qui répond à une question que tout le monde se pose et que nous dénonçons. Et le seul reproche que l'on pourrait nous faire, c'est que les gens ne lisent plus les articles et se contentent des titres", a-t-il précisé non sans agressivité avant de raccrocher.
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Les ex-employés du Petit Journal : "Nous dénonçons sans appel cette Une"
En conflit ouvert avec leur direction depuis trois mois, les 38 grévistes de l'édition catalane du Petit Journal se sont offusqués, dès le week-end dernier, de ce titre 'racoleur'.
"C'est une Une scandaleuse, aux relents racistes et xénophobes. Imaginez qu'il ait écrit : 'À quoi servent les Juifs ?'», s'interroge François-Xavier Pujol de Salas, rédacteur en chef gréviste de l'édition. "J'ai reçu énormément de messages d'insultes sur mon portable et les réseaux sociaux, avant que les gens ne comprennent que cet article n'est pas de notre fait. Car depuis trois mois et le refus du directeur du titre Alain Paga de mettre nos contrats en conformité, l'édition est faite avec un seul non-gréviste, lequel gère tout le journal en relation avec Montauban."
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Non-paiement des salaires
Pour autant, François-Xavier Pujol de Salas ne pense pas que l'article, non signé, soit le fait de ce seul salarié : "On sent une certaine orientation politique derrière cet article. Après, la question est de savoir si Alain Paga souhaite remonter ses ventes par des titres racoleurs ou tuer le journal afin de n'avoir pas à nous verser d'indemnités ?"
Effectivement, les 38 salariés défendus par Me Jean Codognès ont assigné Alain Paga devant les Prud'hommes et réclament le paiement de leurs salaires. En juin 2015, le directeur de la publication a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire par le parquet de Toulouse pour 'complicité de détournement de fonds', dans une affaire mettant en cause la maire de Montauban, Brigitte Barèges.
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