• A Tacloban, dans un décor d'apocalypse, le calvaire des survivants

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    A Tacloban, dans un décor d'apocalypse,

    le calvaire des survivants

    LE MONDE | <time datetime="2013-11-14T11:36:31+01:00" itemprop="datePublished">14.11.2013 à 11h36</time> • Mis à jour le <time datetime="2013-11-14T18:47:09+01:00" itemprop="dateModified">14.11.2013 à 18h47</time> | Par

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    A Tacloban, le 8 novembre.

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    Six jours après le passage du typhon Haiyan, la population de Tacloban, sur l'île de Leyte dévastée par des vents de plus de 320 km/h, manque encore de tout. A l'exception de la route principale, déblayée depuis lundi 11 novembre, le sol reste jonché d'un mélange indescriptible de tôles ondulées, de branches d'arbres et de camions renversés, qui donnent à l'ensemble des lieux, autrefois bucoliques, l'allure d'une immense décharge. Par endroits, l'odeur des cadavres putréfiés brise la respiration.

    Comment les rescapés ont-ils réussi à survivre dans cette apocalypse ? Même si la population fait preuve d'un stoïcisme étonnant – beaucoup s'en remettent à Dieu –, la lenteur inexplicable des secours conduit petit à petit au sentiment profond d'être abandonnés de tous.

    Manolo, un futur père de 30 ans, et sa femme enceinte Quincy attendent depuis des heures près de la piste de l'aéroport de Tacloban. Leur nom est enfin sur une liste, annoncent-ils fièrement. Ils n'attendent qu'à être appelés. « On a tout perdu, pourquoi rester ? Il n'y a plus rien ici, ni nourriture, ni eau potable, ni abri, ni vêtements… »

    « PASSÉ 10 HEURES DU MATIN, C'EST DÉJÀ N'IMPORTE QUOI »

    Avec le même espoir d'être embarqués vers Manille, la capitale du pays, ou Cebu, une île proche dont l'essentiel des terres a été épargnée, plusieurs centaines de personnes font la queue devant la grille d'entrée de l'aéroport. Une « entrée » symbolique puisque l'aéroport n'a plus ni murs ni enceinte. Même la tour de contrôle a été partiellement détruite. Elle a été investie par quelques survivants qui veulent suivre de près l'activité aérienne. C'est ici que se joue leur survie : qu'il s'agisse de voir l'aide tant attendue arriver, ou de voir embarquer leurs proches malades ou fragiles.

    Malgré les ornières de boue et les flaques d'eau, Marc Lugo, un étudiant de 29 ans, a passé la nuit sur place avec sa sœur, son beau-frère et leurs trois jeunes enfants. Le bébé de six mois porte la même couche depuis des jours. « Au lever du soleil, il y a un semblant d'ordre et d'organisation, mais, passé 10 heures du matin, c'est déjà n'importe quoi, raconte Marc. Personne ne connaît les règles et seuls quelques malades ont eu droit à un peu d'eau .»

    Trois familles ont décidé de partir ensemble. Leontia Ogatia gère les 19 enfants. Elle a déjà fait la liste des trente partants sur un morceau de carton d'emballage. Sorte de carte d'identité qui leur permettra peut-être de passer les contrôles, là-bas, au bout de ce long serpent humain, assoiffé et affamé.

    Sur la piste, les vrombissements des réacteurs et des hélices sonnent la promesse d'une vie meilleure. Angeline, 22 ans, seconde sa tante Leontia et porte, outre un bébé sur la hanche, un sac rempli de provisions diverses. « Oui oui, on a détruit le supermarché », dit-elle en rigolant. « Qu'est-ce que vous voulez que l'on fasse ? On n'a rien reçu depuis le début. Il n'y a pas eu le moindre approvisionnement. »

    ECHANGES DE COUPS DE FEU

    Pas une boutique n'a rouvert à Tacloban où tous les rideaux de fer semblent avoir été forcés. Les distributeurs de billets qui n'ont pas pu être pillés sur place, ont été emportés. La façade du grand centre commercial Robinson est entièrement éventrée. Télévisions et machines à laver ont été volées. Angeline confirme qu'un couvre-feu a été instauré. Mais, d'après elle, ce n'est pas ça qui explique la fin des pillages : en réalité les magasins sont vides.

    Depuis quelques jours, la peur, surtout la nuit, est là. Les 700 prisonniers des deux maisons d'arrêt de la zone se seraient échappés. Escortées par les hommes de la famille, Maria Miller, 56 ans, et sa nièce Eunice, sont, elles aussi venues, à l'aéroport. Elles sont encore sous le choc de la nuit terrifiante qu'elles viennent de passer alors qu'un groupe d'inconnus rôdait dans leur village.

    D'autres rescapés parlent de la milice des rebelles de l'armée nationale populaire (NPA). « Ce sont des bandits mais comme ils sont armés, ils profitent du chaos pour descendre des montagnes et commettre pillages et attaques », déclare le soldat Luis, de l'armée philippine.

    <figure class="illustration_haut"> L'urgence est de ramasser les cadavres dont la décomposition est un vrai danger sanitaire. </figure>

    Mardi, un garçon de 13 ans a été poignardé à la nuit tombante. Mercredi midi, la police dont la présence a été considérablement renforcée depuis vingt-quatre heures, a fermé un quartier entier de Tacloban. Des échanges de coups de feu ont été entendus et c'est, selon le maire de la ville, à cause de ces troubles qu'une cérémonie funéraire de masse n'a pas pu avoir lieu.

    Au « Dôme », la salle polyvalente multisports qui a abrité 5 000 personnes pendant le typhon, il reste quelques dizaines de personnes. Les escaliers qui mènent aux gradins ont servi de poubelles et de latrines. Dehors, une ambulance a déployé un mini-hôpital de campagne. On y panse les plaies, on y distribue des antibiotiques et on pique contre le tetanos. Les médecins commencent à recevoir des bébés déshydratés, avec fièvre et diarrhée, un signe inquiétant.

    CORPS MALADROITEMENT CACHÉS

    Dans la bourgade « Paradiio » (« le paradis »), trois petits conduits d'eau ont été identifiés sous terre. Installé sur son tabouret, Nelson Albuyan, un vieil homme souriant, s'est autoproclamé gardien de l'eau. Pour éviter qu'elle ne coule quand il n'y a pas de « clients », il plie les tuyaux en deux et les serre d'un morceau de ferraille. « Technologie japonaise, conceptualisée par les Philippines », lance-t-il à l'égard de volontaires Japonais qui admirent l'astuce. Le vol rase-mottes de deux hélicoptères de l'armée philippine interrompt la conversation. « A part admirer le paysage, je ne sais pas très bien ce qu'ils font… » commente-t-il, sans la moindre trace de colère.

    Le vieillard dit que l'urgence serait de ramasser les cadavres dont la décomposition est un vrai danger sanitaire : « Il y en a un qui a explosé pas loin. On ne peut pas toucher à cela. C'est vraiment au gouvernement ou à l'armée de s'en occuper. »

    Sur la route de 11 km qui relie l'aéroport à la ville, des corps gonflés, au point d'avoir triplé de volume, deviennent si noirs qu'on dirait qu'ils ont été calcinés. Ils sont maladroitement cachés, ici sous un morceau de tôle arraché, là sous un panneau publicitaire. Des alignements de sacs noirs bordent aussi l'artère. Nelson a entendu dire que toute la zone devrait être évacuée pour être désinfectée. Mais quand ? Comment ? Dieu seul le sait…

    Mercredi en fin d'après-midi, les opérations de secours ont visiblement accéléré, en partie grâce aux aux forces américaines présentes et à leurs hélicoptères qui font des navettes incessantes avec l'île de Cebu, notamment. A la base militaire de Manille, un nouveau contingent de marines tout juste arrivé d'Okinawa s'apprête à monter un camp sur place. C'est désormais à l'aide américaine que s'accrochent les derniers espoirs des Philippins de Tacloban.

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