L’omniprésence des médias en Cisjordanie signifie que presque toute confrontation entre Tsahal et les Palestiniens fera potentiellement l’objet d’une vidéo virale
Nabi Saleh, Cisjordanie – Leurs visages couverts de bandanas, un groupe d’adolescents palestiniens était en tête de la marche depuis le village palestinien de Nabi Saleh en Cisjordanie vers l’implantation juive voisine de Halamish. Derrière eux, il y avait une foule de villageois – certains âgés et certains jeunes – ainsi que des militants et des journalistes. Certains agitaient des drapeaux palestiniens ; certains tenaient des masques à gaz ; beaucoup avaient des caméras.
Sur la route, les soldats israéliens les attendaient, comme ils le font chaque vendredi, pour les empêcher d’atteindre Halamish et la route principale.
Cette manifestation de routine contre la construction d’implantations près de Nabi Saleh a ouvert la voie à un incident qui a été filmé et qui a fait les manchettes dans le monde entier : des femmes et des enfants palestiniens empêchant un soldat de Tsahal d’arrêter Mohammed Tamimi, 12 ans, soupçonné d’avoir lancé des pierres.
L’altercation a laissé le soldat avec des blessures légères, et Israël avec un oeil au beurre noir sur la scène mondiale.
Depuis vendredi, les images et la vidéo de l’incident ont inondé les réseaux sociaux, déclenchant une condamnation du comportement du soldat et insistant sur l’ultime futilité de la présence militaire israélienne en Cisjordanie.
Un soldat de Tsahal tente d’arrêter un garçon de 12 ans, accusé d’avoir jeté des pierres, lors d’une manifestation dans le village de Nabi Saleh en Cisjordanie (Photo: Eric Cortellessa / Times of Israel)
J’y étais avec le groupe de journalistes, pour travailler sur un article pour le Times of Israel consacré au sujet de la dynamique plus large entre les villages palestiniens et les implantations juives voisines. C’était la première fois que je participais à la manifestation hebdomadaire. Pour tout le monde là-bas, c’était une routine. Ils se saluèrent comme des membres d’une équipe de football avant de monter sur le terrain.
Une fois que je suis arrivé au rendez-vous des manifestants, j’ai demandé à quelqu’un à côté de moi ce qu’il fallait attendre de la manifestation imminente.
« Nous allons commencer en marchant sur la route, puis l’armée nous attendra. Une fois arrivés à un certain point, ils vont commencer à lancer des gaz lacrymogènes dans notre direction, alors les enfants vont commencer à jeter des pierres sur eux depuis le haut de la colline », a-t-il répondu. « Et ainsi de suite. »
« Et nous allons prendre beaucoup de photos, » a-t-il ajouté.
Des manifestants dans le village de Nabi Saleh en Cisjordanie face à des tirs de gaz lacrymogène après avoir jeté des pierres sur les soldats de Tsahal (Photo: Eric Cortellessa / Times of Israel)
À 13h06, la manifestation a sérieusement commencé, lorsque les participants se sont avancés à quelques centaines de mètres sur la route en direction des soldats, lesquels avaient construit une barricade. Je n’ai pas pu dire ce qui est arrivé en premier, les jets de pierres ou les grenades lacrymogènes, mais rapidement il y a eu une cacophonie des deux côtés. Alors que je prenais des photos, une partie du gaz lacrymogène lancé sur la foule est rentrée dans mes yeux.
« Ne les touchez pas, » m’a dit quelqu’un. « La brulûre va passer, il faut juste attendre un peu. »
Pendant ce temps, les enfants ont commencé à courir vers une colline brune pour jeter plus de pierres sur les soldats, certains avec des frondes, certains avec leurs mains.
L’échange a continué pendant un certain temps, changeant d’endroit à plusieurs reprises.
Des Palestiniens utilisent des rochers pour bloquer une rue à Nabi Saleh pendant une manifestation le 28 août 2015 (Photo: Eric Cortellessa / Times of Israel)
A un moment donné, les manifestants ont bloqué la route. Les petits enfants, sous la direction des adolescents, ont commencé à prendre de gros rochers et à les aligner au milieu de la rue.
« Ils empêchent aux jeeps de l’armée d’accéder plus tard à la route par derrière, » m’a-t-on expliqué.
La manifestation est ensuite passée à une colline voisine, où les adolescents et les jeunes enfants ont jeté des pierres sur les soldats sous les yeux et les applaudissements des villageois et des activistes adultes.
Un Palestinien du village de Nabi Saleh en Cisjordanie lance une pierre à l’aide d’une fronde sur des soldats de Tsahal le 28 août 2015 (Eric Cortellessa / Times of Israel)
Un Palestinien s’apprête à jeter des pierres sur les soldats de Tsahal qui gardent l’implantation Halamish, le 28 août 2015 (Eric Cortellessa / Times of Israel)
Et puis, tout à coup, les gens ont commencé à crier. Un groupe de soldats s’était précipité sur les manifestants par l’arrière pour commencer à procéder à des arrestations. Dans le même temps, d’autres soldats ont couru à partir du bas de la colline et ont attrapé l’un des adolescents.
Un soldat partiellement masqué avec un fusil à la main a poursuivi un jeune garçon dont le bras était dans le plâtre. J’ai couru vers l’altercation au moment où le soldat a ramassé le garçon, l’a attrapé par le cou et le pressa contre un rocher, provoquant un étranglement alors qu’il se tenait au-dessus de lui. Une jeune fille, A’hd Tamimi, 15 ans, la soeur du garçon, a alors couru sur la scène, a commencé à crier et à pleurer, suppliant le soldat de le laisser partir.
Des Palestiniens se battent avec un soldat pour empêcher l’arrestationd’un garçon de 12 ans avec un bras dans le plâtre soupçonné d’avoir jeté des pierres le 28 août 2015 (Photo: Eric Cortellessa / Times of Israel)
Tous ceux qui avaient un appareil photo ou une caméra video ont aussi couru vers la scène, formant un demi-cercle autour de la mêlée. À ce moment, le soldat a du se rendre compte que quoi qu’il choisisse de faire, cela subsistera au-delà de ce moment.
Une villageoise plus âgée – Nariman Tamimi, la mère de l’enfant – est venue derrière le soldat et a commencé à lui arracher le garçon.
Le soldat a crié à l’aide au fur et à mesure que d’autres gens arrivaient. Il a ensuite tenté simultanément de maintenir le garçon à terre et de lutter contre tout le monde. La jeune fille lui mordit la main quand il a essayé de l’attraper par le cou. Tout le monde autour de lui a ensuite commencé à frapper le soldat sur la tête.
Finalement, son commandant est venu et le tira de l’imbroglio.
Avant de s’éloigner, le soldat a laissé tomber une grenade lacrymogène là où toutes les personnes étaient rassemblées. J’ai couru pour éviter que mes yeux ne brûlent, et au moment où je suis arrivé à un endroit assez éloigné pour regarder en arrière, les gens accpmpagnaient le garçon à son domicile dans le village.
Le soldat et son commandant avaient quitté sans procéder à des arrestations.
Un Palestinien de 12 ans dans sa maison à Nabi Saleh après que d’autres Palestiniens aient empêché un soldat de Tsahal de l’arrêter, le 28 août, 2015 (Photo: Eric Cortellessa / Times of Israel)
Dix minutes plus tard, la quasi-totalité des manifestants étaient devant le domicile de l’enfant. Quelqu’un du Croissant-Rouge palestinien passait des appels à propos de deux autres manifestants qui avaient été appréhendés. Alors que le garçon était couché, les gens ont essayé de le consoler et de voir si tout allait bien.
Le représentant du Croissant-Rouge a ensuite montré les photos du garçon qu’il avait prises pendant l’incident. « Bon travail », a-t-il dit à l’enfant. Il s’est alors levé pour parler avec d’autres militants et journalistes se rendant à Ramallah pour diffuser les photos et les vidéos.