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    Le blog de Martine Gozlan

    Tunisie : les islamistes aux pieds des femmes, info ou intox ?

    Le parti religieux, qui a remporté 41,5% des suffrages et 90 sièges sur une Assemblée qui en compte 217, fait les yeux doux aux Tunisiennes. Info ou intox ?


     

    Le bureau politique d’Ennahda le sait : tout le monde a les yeux fixés sur la façon dont il entend traiter les Tunisiennes, ces princesses du monde arabe qui, depuis Bourguiba et l’abolition de la polygamie, n’ont plus à se coltiner les caprices sexuels de leurs hommes.

    Partout, dans la rue, au bureau, à la maison, voilées ou non, elles font valoir leur droit au travail et à l’indépendance financière. Prises dans la vague du vote islamiste, beaucoup de femmes ont néanmoins voté Ennahda sans souci. 


    A ceux, et à celles qui, cependant, s’affolent de l’arrivée des Frères musulmans tunisiens au pouvoir, le parti a répondu ce matin, lors de sa première conférence de presse d’après la victoire : « Nous nous engageons envers les femmes pour renforcer leur rôle dans la prise de décision politique, en évitant toute marche arrière sur leurs acquis », a roucoulé Rached Ghannouchi, leader du parti de la colombe (emblême d’Ennahda) en rappelant que la majorité des députées du beau sexe au Parlement portaient les couleurs de son parti.

    La future présidente de l’Assemblée pourrait bien en outre être une femme, Souad Abdul-Rahim. Une rousse pétulante et non voilée, ce qui constituerait un coup de maitre pour le parti. « Ce serait complètement impensable au Caire ! », applaudit, bluffée, Fawzia, une journaliste égyptienne.

    Hier, Moncef Marzouki, le leader du Congrès pour la république (gauche arabe nationaliste) second parti du pays avec 13,8% des voix et 30 sièges, martelait : « Voyons ! Les islamistes tunisiens ne sont pas des Talibans ! Les lignes rouges, ce sont les libertés publiques, les droits de l’homme, de la femme et de l’enfant, et sur ça on ne pactisera jamais… »  

    Moncef Marzouki, grand ami de Rached Ghannouchi, dirige la formation politique avec laquelle gouvernera tout naturellement le parti religieux. Pour le moment, donc, « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » dans le nouveau monde islamiste tunisien. Majid, sympathisant d’Ennahda de 40 ans, comptable, fait valoir que pour un bon croyant « le paradis est sous les pieds des mères ! Alors pourquoi voulez-vous qu’on touche aux droits de nos mères, de nos sœurs, de nos femmes, de nos filles ? Au contraire, nous voulons être à leurs pieds pour protéger et restaurer leur dignité… »

    Ah, cette subite douceur destinée à enrober le consommateur dans son miel, alors que s’attardent les derniers soleils sur Tunis, étrange objet du désir révolutionnaire ! Ennahda, dans l’attente de ses alliances nationales, scruté sous toutes les coutures par des instances internationales qui promettent de veiller aux droits des Tunisiennes, ne peut pas se permettre une seule faute.

    « Il n’y aura pas d’atteinte au code du statut personnel, pas de proposition de polygamie, et il n’est pas question de faire revenir la femme au foyer », affirme le futur premier ministre tunisien, Hamadi Jebali, secrétaire général d’Ennahada, 17 ans de prison sous Ben Ali au compteur, dont dix ans à l’isolement.

    Mais, par ailleurs, Hamadi Jebali évoque, dans des propos moins cités, « la possibilité de choisir » sur l’affaire de la polygamie. D’autre part, pendant la campagne électorale, une femme candidate d’Ennahda a pris soin de souligner : « le code du statut personnel n’est pas sacré ». Ce qui laisse le champ libre à toutes les interprétations.

    Jusqu’où pourront aller les islamistes au pouvoir ? Pendant un an, durée probable qui séparera la première réunion du Parlement, le 9 novembre, des futures élections présidentielles ou législatives, ils peuvent temporiser pour neutraliser leurs adversaires du camp modernistes dont beaucoup souhaitent la constitution d’un vrai front de l’opposition.

    En ce moment tout le monde cogite sur ce thème à Tunis. Une année de « modération » pour ne pas effrayer l’autre peuple, si étonné et si inquiet, qui n’a pas voté Ennahda. Une année pendant laquelle tout ce que le pays compte d’hommes et de femmes éclairés se propose d’être vigilants chaque jour, chaque heure sur les faits et gestes du gouvernement islamiste.


    Pour vérifier si leur adoration des femmes, c’est de l’info ou de l’intox.

    Vendredi 28 Octobre 2011
    Martine Gozlan

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