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    Droits des malades, une révolution inachevée

    LEMONDE | 02.03.12 | 15h20   •  Mis à jour le 02.03.12 | 16h52

     

    Dix ans après la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades et la qualité du système de santé, le bilan est nuancé.

    Dix ans après la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades et la qualité du système de santé, le bilan est nuancé.AFP

    Que se passe-t-il dans le secret des consultations ? Les relations entre les patients et les médecins sont-elles toujours inégales, marquées par l'autorité du praticien, ou se sont-elles rééquilibrées avec des malades plus acteurs de leur propre santé ? Dix ans après la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades et la qualité du système de santé, le bilan est nuancé : "La loi a marqué la fin du médecin paternaliste, la fin de l'infantilisation du malade, qui participe désormais aux décisions qui le concernent", résume Alain-Michel Ceretti, conseiller santé auprès du Défenseur des droits. Mais le malade, qui ignore encore beaucoup ses droits, est loin d'avoir pris le pouvoir.

    Portée par le ministre délégué à la santé du gouvernement Jospin, Bernard Kouchner, la nouvelle loi instaurait le droit des patients à avoir accès à leur dossier médical et le devoir des médecins de rechercher leur consentement aux soins. Elle accordait une plus grande place aux associations d'usagers et élargissait les possibilités d'indemnisation. Sa philosophie a ensuite irrigué les lois de santé qui lui ont succédé, dont celle sur la fin de vie.

    MIEUX INFORMÉS

    Globalement, les relations entre médecins et malades sont bonnes : dans le baromètre annuel réalisé par l'institut L2H et publié vendredi 2 mars, du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), 88 % des sondés se disent satisfaits de l'information délivrée par leur médecin sur leur état de santé, les soins et les traitements. Un chiffre en hausse de 4 points par rapport à 2011. Même taux de satisfaction pour la prise en compte de leurs attentes dans la délivrance des soins.

    Les relations sont bonnes... jusqu'à un certain point. L'affaire du Mediator l'a montré récemment. Certaines victimes, qui devaient prouver qu'elles avaient pris ce médicament mais n'avaient pas conservé leurs ordonnances, se sont heurtées au refus de leur médecin de leur communiquer leur dossier médical. Le président du conseil de l'ordre avait dû les rappeler à leur devoir. Certains malades n'ont même pas osé réclamer ledit dossier, de peur que leur relation avec leur médecin n'en pâtisse.

    Selon un sondage BVA, réalisé à l'occasion d'un colloque PRES Sorbonne Paris Cité et publié vendredi, seuls 38 % des sondés se disent satisfaits de l'accès des malades à leur dossier médical. La preuve que "les Français restent toujours en demande de plus de transparence en matière médicale", selon l'institut.

    Dans les faits, "moins de 1 % des patients demandent leur dossier dans les hôpitaux de l'AP-HP", explique Grégoire Moutel, professeur à l'université Paris-Descartes, membre du laboratoire d'éthique médicale. Le plus souvent pour avoir un deuxième avis médical ou organiser son parcours de soins lorsqu'un patient a deux lieux de vie. Les délais élevés pour obtenir son dossier sont souvent dus au manque de temps et non pas à une volonté d'obstruction des soignants.

    "DOCTEUR GOOGLE"

    Le médecin est cependant loin d'être la source unique de renseignement d'un patient surinformé. Plus que la loi, Internet a modifié en profondeur la relation médecin-malade : les praticiens ont de plus en plus affaire à des "patients-experts". Le site Doctissimo comptabilise ainsi près de 8 millions de visiteurs uniques chaque mois. "Le médecin le plus contacté au monde, c'est docteur Google", s'amuse M. Ceretti, qui ajoute : "Le savoir médical n'est pas remis en cause, mais le patient a un regard critique désormais." Et les médecins ont dû se faire une raison.

    Néanmoins, si le patient est de plus en plus informé sur les pathologies ou les dangers des médicaments, c'est loin d'être le cas sur ses droits. "La majorité des patients sont conscients qu'ils ont des droits, mais ils ne les connaissent pas clairement", constate Jean-Luc Plavis, coordinateur au CISS Ile-de-France. Il ressort de leur baromètre annuel que peu de sondés connaissent les outils mis en place par la loi Kouchner pour régler les conflits entre médecins et malades. Ainsi, seuls 24 % ont entendu parler des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, et 12 % des commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge, présentes dans les établissements de soins.

    Les associations de patients estiment qu'il reste encore beaucoup à faire. Par exemple en créant un "guichet unique" qui gérerait tous les conflits. Car pour l'instant il n'est pas évident de savoir vers qui se retourner en cas de refus de soins ou pour contester un dépassement d'honoraire abusif.

    Autre limite, depuis 2002, le rôle des usagers a été reconnu, et leurs représentants siègent dans bon nombre d'instances de santé. Mais "la place qui nous est réservée est infime, nous ne sommes pas bienvenus", constate Bernard Piastra, président de l'association Wegener Infos et Vascularites.

    Ces derniers mois, le ministre de la santé, Xavier Bertrand, a affirmé qu'il faudrait légiférer de nouveau pour améliorer la loi. Le CISS, qui considère que, depuis 2002, rien n'a été fait pour faire avancer les droits des malades, juge la promesse bien tardive. François Hollande, qui a insisté, dans son discours du 2 février sur la santé, sur les inégalités d'accès aux soins, a affirmé également qu'une nouvelle loi était nécessaire.

    >>> Lire l'entretien avec Didier Tabuteau, ancien membre du cabinet du ministre délégué à la santé, Bernard Kouchner, "Il faut maintenant garantir un égal accès aux soins" et notre témoignage "Florence, atteinte d'hépatite C, et son combat pour 'redevenir une personne dans la maladie'".

    Laetitia Clavreul et Pascale Santi


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