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    Le Point.fr - Publié le 31/03/2012 à 00:00 - Modifié le 31/03/2012 à 00:08

    Après une fuite épique de 14 jours dans l'Himalaya, le chef spirituel du Tibet arrive en Inde, hors d'atteinte des Chinois.

    31 mars 1959 : le dalaï-lama fuit le Tibet sous la protection de la CIA

     

    Le 31 mars 1959, une colonne d'une trentaine d'individus épuisés se présente au col de Khenzimana, marquant la frontière entre le Tibet et l'Inde. Certains sont à cheval, d'autres sur un yak ou encore à pied. C'est un mélange de soldats, de moines et de paysans. Ils portent tous des armes. Mais surtout, ils arborent un grand sourire car ils ont réussi à s'échapper des griffes chinoises. Quatorze jours depuis Lhassa à crapahuter sur les cimes himalayennes couvertes de neige. Quatorze jours d'une marche épuisante, de faim et de fatigue extrême. Mais ils ont réussi. Les membres de la troupe dépenaillée entourent un maigre gaillard portant des lunettes rondes et arborant la banane. Il s'agit de Jetsun Jamphel Ngawang Lobsang Yeshe Tenzin Gyatso, autrement dit le 14e dalaï-lama. Celui-là même qui, avec 53 ans supplémentaires, continue de courir les plateaux de télévision pour distiller ses sempiternelles leçons de sagesse et pour expliquer qu'il aimerait bien rentrer à la maison.

    Lorsqu'il fuit Lhassa, le Dieu vivant a 24 ans et règne sur le Tibet spirituel depuis neuf ans. Il doit cohabiter avec les Chinois, qui monopolisent le pouvoir temporel. Depuis quelques jours, la révolution gronde au pays des lamas. Par dizaines de milliers, les Tibétains manifestent dans les rues de la capitale contre l'occupation chinoise. Pékin a décidé de répondre par la force en ordonnant à la troupe de bombarder la ville. Le 16 mars, deux obus explosent à 200 mètres du palais d'été, le Norbulingka, où réside le dalaï-lama. Les explosions déclenchent la transe d'un moine qui l'interpelle d'une voix sourde : "Partez vite, partez vite, partez cette nuit !"

    Le 31 mars, la petite troupe pénètre en Inde

    Tenzin Gyatso décide de suivre le conseil, pour sauver sa peau peut-être, mais surtout pour ne pas être fait prisonnier par les Chinois. Peu avant minuit, il quitte le palais avec 37 partisans dont plusieurs membres de sa famille, quelques conseillers et des guerriers khampas entraînés par la CIA. Pour éviter d'être repéré, le dalaï-lama enfile des vêtements de domestique. La marche, de nuit, est un calvaire, elle emprunte les sentiers de haute altitude pour éviter les patrouilles ennemies. Il faut vaincre la neige, le froid, la raréfaction de l'oxygène. Mais ne dit-on pas que les moines tibétains disposent de pouvoirs surnaturels ? N'est-il pas dit que certains sont capables de séjourner des jours entiers sans boire, sans manger, nus dans la neige ? Normalement, cette fuite devrait être une balade de santé, mais ce n'est pas le cas.

    Le chef spirituel des Tibétains est à la peine comme les autres. Quand le terrain le permet, il enfourche un cheval. Pour traverser le Brahmapoutre, il embarque dans un bateau en peau de yak. Heureusement la colonne peut compter sur l'assistance américaine. La CIA fait parachuter des provisions sur le trajet et mitrailler par des avions les positions militaires chinoises pour empêcher qu'elles n'interceptent le dalaï-lama lors des passages des cols. Deux Tibétains, formés par l'agence américaine, envoient un rapport quotidien en morse pour renseigner Washington sur la progression des fugitifs. Ceux-ci sont remis directement au directeur de la CIA, John Dulles. En fait, les Chinois ne cherchent pas vraiment à intercepter les fuyards par crainte de tuer le dalaï-lama durant le combat, ce qu'ils porteraient comme une honte éternelle.

    Le 26 mars, après neuf jours de marche, la troupe rallie le dzong (forteresse) de Lhuntsé. La première intention du dalaï-lama est de s'y arrêter le temps d'y dénoncer l'accord en 17 points liant son pays à la Chine et de réaffirmer son gouvernement comme le seul légitime du Tibet. Mais les actions militaires en cours des Chinois dans certaines villes lui font comprendre que toute négociation serait utopique. Il se contente donc d'annoncer la composition de son gouvernement lors d'une grande cérémonie puis repart dare-dare. Le 31 mars, enfin, la petite troupe pénètre en Inde, à l'abri. Dans les mois qui suivent, plus de 80 000 Tibétains suivent leur chef sur le chemin de l'exil.


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