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Adrien Mexis, ex-UMP et nouveau trophée ultradiplômé du FN
Adrien Mexis, ex-UMP et nouveau trophée ultradiplômé du FN
Enseignant à Sciences-Po et fonctionnaire européen bien propre sur lui, Mexis va devoir assumer ses idées : il est candidat frontiste aux municipales à Istres.
Capture d’écran de l’article de La Provence annonçant la candidature d’Adrien Mexis à Istres, datant du 19 juin 2013
L’information est tombée en juin dans La Provence : le candidat RBM (Rassemblement bleu Marine) aux municipales de 2014 à Istres (Bouches-du-Rhône) est maître de conférence à Science-Po.
Un nouveau Florian Philippot ? Adrien Mexis a, comme lui, un parcours académique impressionnant. Mais à part ça, rien à voir : lui est « aixois d’adoption » et vient de la droite de Jean-François Copé, tandis que Philippot, dans sa vie d’avant, habitait dans le Nord et admirait Jean-Pierre Chevènement.
Cette information est passée relativement inaperçue. Seul Le Lab a réagi. L’article insiste sur l’incohérence qu’il y a à jouer le jeu antisystème du FN alors qu’on en fait intégralement partie. Pas un bout d’Adrien Mexis n’y échappe. On apprend que le candidat :
- enseigne le droit communautaire aux étudiants du master affaires publiques de Sciences-Po dans le cadre du cours « Questions européennes » ;
- est administrateur à la Commission européenne à Bruxelles ;
- a milité à l’UMP puisqu’il était sur la liste des élections régionales de 2004 emmenée par Jean-François Copé. Il a aussi passé près d’un an en 2007 au cabinet de Xavier Bertrand quand ce dernier était ministre du Travail.
Mexis a fait HEC (promotion 2004) et Sciences-Po Paris. Il a aussi une maîtrise de droit, une licence d’histoire et une autre de lettres classiques. Il a été, au début des années 2000, l’un des responsables « grandes écoles » des Jeunes Populaires à Paris.
Quand je le sollicite, Adrien Mexis répond qu’il fait une campagne municipale ; il estime qu’il n’est pas intéressant de parler à la presse nationale. Il a par ailleurs des journées « très chargées ». Il acceptera pourtant de répondre partiellement à nos questions par e-mail.
Adrien Mexis est prudent. Comme Florian Philippot à ses débuts. Pas certain encore du rôle qu’il veut jouer au FN et conscient de ce qu’il a à perdre professionnellement.
« L’histoire d’un destin personnel »
Concernant son réel soutien au programme du FN, il y avait un doute. Des personnes de son entourage nous ont expliqué qu’il était passé au Front par pur opportunisme. Parce que l’UMP ne lui proposait rien.
Mais Vincent Chauvet, jeune cadre du MoDem et membre des associations d’anciens HEC et Sciences-Po de Bruxelles, qui l’a côtoyé, dit :
« Il y a de l’opportunisme peut-être, mais aussi de la cohérence. Par exemple, dans les dîners d’expatriés à Bruxelles où tout le monde est généralement très pro-européen, lui arrivait à contre-courant, souverainiste et antilibéral avec un art certain de la contradiction. C’est quelqu’un qui paraît assez sûr de lui et qui semble avoir voulu faire de la politique depuis longtemps. »
Benjamin Haddad, jeune copéiste qui connaît bien Mexis, ne valide pas non plus la thèse du jeune UMP à qui l’on n’a rien donné. Il assure que Mexis n’a jamais sollicité l’UMP pour obtenir une investiture :
« Il a été aux Jeunes Pop’ il y a très longtemps, mais il ne m’a jamais fait passer de notes. Son parcours professionnel l’a emmené ailleurs, il a été peu impliqué après. Son passage au FN, c’est l’histoire d’un destin personnel. »
Un de ses très anciens amis dit même :
« S’il doit y avoir de l’opportunisme dans sa démarche, il serait plutôt à chercher du côté de son engagement à l’UMP qui ne paraissait pas en adéquation avec sa vision de la politique et de la société. »
Cet ami, qui ne partage pas ses idées politiques, le décrit comme « un garçon d’une culture et d’une érudition assez peu communes » et « plein d’humour ».
On nous a également dit qu’il avait choisi Istres avec calcul, parce que la ville est l’une des plus « prenables » pour le Front. Par e-mail, Mexis rétablit avec émotion :
« Mes parents habitent le département et je viens depuis longtemps à Istres car on y trouve les plus belles rives de l’étang, avec notamment des plages pas trop bondées, même en août. J’ai donc réalisé une vieille envie en m’y installant. »
Le racisme antifrançais, ce fléau...
Adrien Mexis assure que son rapprochement avec le FN est sincère et l’explique par la déception qui a suivi l’élection de Sarkozy :
« J’ai été séduit, je lui ai donné sa chance, il s’est vite “chiraquisé”. »
Il adhère totalement à la formule « UMPS » qui sous-entend affaires, copinage et logiques d’appareil.
En parcourant son blog, l’idée d’une démarche opportuniste disparaît complètement. Le candidat adhère aux valeurs du FN. Ses écrits sont sans ambiguïté même si le ton est encore timide par rapport à celui des commentaires qui accompagnent leur publication sur Facebook.
Sur son blog, Mexis décrit par exemple une saynète de vie dans une gare pour illustrer la progression du racisme antifrançais, ce fléau... Plus loin, il s’indigne du coût supposé d’une œuvre contemporaine qui représente des femmes noires avec des colliers (en légende : « A Istres, on se serre volontiers le cou, pas la ceinture »).
A propos d’un meurtre commis par un gitan, il décrit une violence inhérente à la culture des gens du voyage dans un article baptisé « Noces de sang à Fos-sur-Mer : un combat culturel toujours à mener ».
Sur son compte Twitter, il décrypte ainsi les événements à Trappes :
Enfin, à propos de l’intégration d’Istres dans Aix-Marseille Métropole, cette réflexion :
« La “marseillisation” de nos quartiers sera insupportable aux Istréens [...]. Ceux qu’on veut nous envoyer sont autre chose à intégrer que des Lorrains, Espagnols ou Italiens… »
Un fonctionnaire européen pur jus
A la Commission européenne, il travaille à la Direction générale marché Intérieur qui s’occupe des banques et conglomérats financiers. Là-bas, il y a une semaine, il n’avait encore prévenu personne de sa candidature (il n’est pas dans l’obligation de le faire tant que la campagne n’a pas officiellement commencé). Par e-mail, il écrit :
« Je respecte bien sûr l’ensemble des règles qui s’appliquent à moi, que ce soit les droits (liberté d’opinion et d’expression des fonctionnaires et enseignants) ou les devoirs (de réserve, notamment). »
Ses collègues à la Commission se demandent s’il va aller jusqu’au bout. La situation est gênante d’autant plus que Mexis a été « speechwriter » de Michel Barnier, commissaire européen et ancien ministre de l’Agriculture de Nicolas Sarkozy. Ce dernier nous renvoie vers un porte-parole de la Commission, qui se fend de cet e-mail :
« Monsieur Adrien Mexis est fonctionnaire de la Commission européenne depuis le 16 mai 2008. Il est exact qu’il a passé quelques mois dans l’unité de communication de la Direction générale marché intérieur, avant d’être muté dans une autre unité de la DG [...].
Il n’a jamais été en charge de la ligne politique des dossiers, mais de la coordination, pour les besoins de la politique de communication, de notes et lignes décidées par le cabinet et les services de la Direction générale du marché intérieur. [...] Il n’a jamais été l’un de ses collaborateurs directs et n’assistait pas aux réunions entre le commissaire et son cabinet. »
Un « choc interne » à la Commission
Par téléphone, le porte-parole explique que c’est une première : la Commission n’a jamais été confrontée à une telle situation.
« Il faudra étudier si sa candidature est compatible avec ses fonctions : en termes de conflit d’intérêt et de temps investi à l’extérieur pour sa campagne. Dans le cas contraire, il sera probablement muté. »
A la Commission, la candidature d’Adrien Mexis a provoqué un choc :
« Plusieurs collègues ont été surpris quand on a découvert l’article de la presse locale. Le FN n’est pas connu pour être un parti pro-européen. Les collaborateurs qui travaillent ici ont souvent quitté leur pays, parfois leur famille. C’est une fonction publique engagée, qui prône des valeurs d’ouverture et de rapprochement des cultures. Ce n’est pas neutre pour nous. »
Même réaction de surprise de ses étudiants de Science-Po lorsqu’ils ont appris sa candidature à la mairie d’Istres, et sous quelle étiquette :
Au téléphone, l’un d’eux s’étonne :
« C’est bizarre cette décision pour un type qui passe son temps à traverser les frontières. En tout cas, rien ne transparaissait dans ses cours. »
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