• AFRIQUE : Pour moi, l'indépendance c'est...

    Pour moi, l'indépendance c'est...

    En attendant la parade à Dakar, le 4 avril 2005. Postée sur Flickr par Staffan.

    1960-2010 : cette année, 17 pays africains célèbrent le cinquantième anniversaire de leur indépendance. La génération qui a connu les années de revendication - et parfois de lutte armée - ayant conduit à la chute des empires coloniaux vieillit. Les Africains aujourd'hui âgés de moins de 50 ans n'ont jamais vécu sous le joug européen. À la veille des nombreuses cérémonies de commémoration qui vont se dérouler en 2010 sur le continent, nous avons demandé à nos Observateurs issus de différents pays d'Afrique francophone quel bilan ils tiraient de ces 50 années de liberté et comment l'événement allait être fêté dans leurs pays.

    GABON - "Le protectorat de la France est toujours là"

    Marcel Maffe est ingénieur informatique à Libreville, au Gabon.

     

    Entre ce que nous racontent nos parents de l'époque coloniale et ce que nous vivons aujourd'hui, rien n'a vraiment changé. Le protectorat de la France est toujours là : notre économie n'est pas à nous, notre pétrole n'est pas à nous. La vraie indépendance interviendra lorsque nous aurons acquis une souveraineté économique et énergétique. Or, ce n'est pas le cas. Notre monnaie, le franc CFA, est arrimée à l'euro, et avec la pauvreté qui sévit dans notre pays, il est difficile d'imaginer que nous sommes un pays pétrolier.
    Nous sommes quotidiennement confrontés aux vestiges du colonialisme. Un Français a, par exemple, moins de problèmes pour obtenir un crédit qu'un Gabonais. D'un point de vue judiciaire, un Français pourrait commettre une infraction en toute impunité, alors qu'un Gabonais serait condamné pour une faute similaire. Nos institutions, malheureusement, ont encore le complexe du colonisé."

    MADAGASCAR - "Tout le monde sort dans la rue avec des lampions"

    Andriankoto Ratozamanana est auto-entrepreneur et journaliste citoyen à Antananarivo, la capitale malgache.

     

    Je suis né en 1978, bien après l'accession du pays à l'indépendance. Mes parents étaient très jeunes en 1960 : ils se souviennent beaucoup mieux, et parlent beaucoup plus, du soulèvement étudiant de 1972. Ma mère était étudiante, à l'époque. Le 13 mai de cette année-là, avec des centaines d'autres étudiants, elle s'était rendue sur une grande place d'Antananarivo pour protester contre le pouvoir en place, accusé de trop servir les intérêts de l'ancienne puissance coloniale, la France.

    Depuis, cette grande place a été surnommée place du 13-Mai. Elle a été le théâtre de toutes les manifestations qui ont marqué l'histoire du pays, tant en 2009 que lors du soulèvement populaire de 2001.

    Madagascar est un pays jeune, qui se cherche. Il reste des traces de l'ancienne puissance coloniale dans l'administration et les infrastructures, qui n'ont pas changé depuis le départ des Français (chemins de fer, et bâtiments publics n'ont pas - ou peu - été rénovés).

    L'indépendance est fêtée dans le pays un peu comme le 14-Juillet en France, avec un défilé militaire et un discours du président, le 26 juin. La veille au soir, tout le monde sort dans la rue avec des bougies et des lampions, symboles de l'indépendance. Il y a de la musique dans la rue, beaucoup de concerts, l'ambiance est très festive."

    Lampions ("arendrina") lors de la fête de l'indépendance du 25 juin 2009, à Madagascar. Photo postée par Chronowizard.

    SÉNÉGAL - "Aujourd’hui, la fête passe relativement inaperçue"

    Samba Gname est enseignant à Loumatyr, au Sénégal.

     

    Quand j'étais enfant, l'indépendance était fêtée comme une libération. La colonisation était quand même un système dans lequel une partie minoritaire de la population dominait l'autre, majoritaire. Avec l'indépendance, nous en sommes sortis.

    Aujourd'hui, la célébration de ce jour historique passe relativement inaperçue. Il y a un défilé militaire sur la place de l'Indépendance et un discours du président, rien de plus. Quand j'étais plus jeune, il y avait des évènements culturels, des débats... Je pense que cela montre que les préoccupations actuelles ne sont plus les mêmes que celles d'il y a 50 ans - ou même 20 ans : il n'y a plus de débat sur l'avenir du pays. De nos jours, nous avons des préoccupations purement économiques, plus individualistes. Je trouve cela très dommage, tout comme je trouve triste que l'on ne chante plus l'hymne national sénégalais face au drapeau dans les écoles, comme on le faisait autrefois.

    Des gens parlent de l'époque coloniale avec nostalgie, disent que "c'était mieux avant". Je me souviens en particulier avoir écouté un groupe d'anciens combattants sénégalais quand j'étais au lycée : selon eux, la vie sous la colonisation française était meilleure. Je trouve surtout qu'on ne peut pas parler d'État véritablement indépendant tant que nos dirigeants cherchent à aller de l'avant en s'appuyant sur les anciennes puissances coloniales. Il n'est pas normal que nos officiers militaires soient tous formés en France et que les dignitaires du régime aillent se faire soigner dans des hôpitaux étrangers parce qu'ils ne font pas confiance aux médecins de leur propre pays..."

    Fête de l'indépendance le 4 avril 2009. Photo postée sur Flickr par Lemzocollection.

    CÔTE D'IVOIRE - "J’ai bien peur que, pour bon nombre de pays, la désillusion soit grande"

    Oulai Joel Aristide est publicitaire à Abidjian, en Côte d'Ivoire.

     

    L'indépendance, c'est une importante page de l'Histoire qui s'est tournée, avec l'avènement d'une autonomie nationale dans notre pays.

    Même si les vestiges de la période coloniale (introduction du christianisme, architecture des écoles et des palais gouvernementaux par exemple) restent nombreux, pour nos parents, l'indépendance a permis de concrétiser les années de lutte pour l'autonomie et de prendre le destin du pays en main.

    Il est important de célébrer le cinquantenaire. Mais 50 ans est censé être l'âge de l'accomplissement, et j'ai bien peur que, pour bon nombre de pays, la désillusion soit grande. À mon humble avis, depuis 50 ans, le développement de plusieurs pays d'Afrique subsaharienne a stagné. Beaucoup retombent toujours dans les mêmes conflits. Loin des passions et du patriotisme exacerbé, je crois que la vraie indépendance pour nos pays interviendra lorsque nous aurons acquis une autonomie économique et mis en place des politiques de développement prenant en compte les préoccupations des populations. Je souhaite une bonne célébration à tous ces pays, mais demain n'est pas loin... Que ferons-nous des 50 prochaines années ?"

    Fête de l'indépendance à Dimbokrou, en Côte d'Ivoire, le 7 août 2008. Postée sur Flickr par AMRO Abnoun.

    RD CONGO - "J'admirais les prises de positions fortes de Patrice Lumumba"

    Stéphane Tsimanga est retraité, il habite à Lubumbashi, en République démocratique du Congo.

     

    Je suis né en 1937, j'avais 20 ans au moment de l'indépendance. J'étais étudiant à l'université de Lubumbashi, au Katanga. En 1959, des émeutes interethniques ont éclaté à Leopoldville [aujourd'hui Kinshasa], la capitale. Les autorités universitaires ont alors jugé opportun de renvoyer les jeunes dans leurs villages pour quelques temps.

    À l'époque, j'admirais énormément le candidat du parti MNC-Lumumba (Mouvement nationaliste du Congo), Patrice Lumumba. C'était un Tetela du Kasaï, un nationaliste confirmé qui rêvait d'un grand Congo uni. J'admirais ses prises de positions fortes et son intelligence. À la suite des négociations organisées entre les Belges, les différentes ethnies et les différents courants politiques congolais qui ont débouché sur les premières élections législatives du pays, en mai 1960, Lumumba est devenu Premier ministre, l'indépendantiste Joseph Kasa-Vubu président.

    Je suis parti étudier en Belgique à peine quelques mois après les cérémonies consacrant l'indépendance. J'y suis resté des années... Aujourd'hui, je me sens un peu étranger dans mon propre pays. 50 ans plus tard, la RD Congo n'a pas encore acquis son indépendance dans plusieurs secteurs : nos ressources servent surtout à ravitailler des pays étrangers, alors que le Congolais moyen manque de tout."

    Le 30 juin 1960, la République démocratique du Congo se libérait du joug de la Belgique. Postée sur Flickr par Kaysha.

    BURKINA - "Il nous faut du temps, la véritable indépendance est à venir"

    Idrissa Martial Bourgou est ingénieur en informatique au Burkina Faso. Il vit à Ouagadougou.
    C'est une très belle fête pour toute la nation. Un demi-siècle d'indépendance, ça se fête. En 2000, on avait arrêté de célébrer l'indépendance en grande pompe pour des questions de moyens. Mais je m'attends à une belle cérémonie cette année.
    En 1960, les gens ne savaient pas forcément ce que représentait l'indépendance. Mais c'était très important, les Burkinabè reprenaient en main leur destin. Bien sûr, il faut le reconnaître, nous ne sommes qu'au milieu du chemin. Aujourd'hui, toutes les grandes décisions sont prises en concertation avec la France, notamment en ce qui concerne la politique étrangère. L'Afrique manque de pouvoir. Le  changement ne s'est pas fait comme nous l'avons voulu. Mais on s'est engagé dans la bonne voie, il nous faut du temps, la véritable indépendance reste à venir."  

     

    Commentaires

    indépendance du Congo

    Le 30.06.1960 la république du Congo accède a son indépendance sous la direction de Mr J. KASAVUBU et de P. LUMUMBA. Le Congo a signé ce jour la un pacte de souffrance avec le diable.

    A l’époque le pays considérait vraiment Patrice Lubumba comme son petit libérateur. L’indépendance a été réclamée et acquise précipitamment sous impulsion de Lumumba. Ce dernier avec tout son manque de gestion des émotions et des sentiments avait influencé tout le peuple à recevoir cela comme un cadeau de sa part « fruit de sa bataille » L’homme belge qui était animé dune mauvaise foi avait trouve un trou pour arriver a tout rompre et a rendre ce cadeau empoisonné.

    Observons tout les pays colonises par les occidentaux en Afrique nous réalisons que ces pays sont en mesure de parler d’abord la langue des colonisateurs même a un niveau le moindre possible mais au moins ils parlent.

    Ou est parti le flamant ou le wallon que j’entend chez eux et jamais chez nos ancêtres ? L’homme belge n était pas préparé a former la succession et le contrôle du pays par ses propres citoyens. Alors donc les américains et les autres super puissance placeront Mobutu en 1965 sous un coup d’ Etat .

    Je suis surpris qu’à ce jour Lumumba ait reçu le totem de héros national car pour moi Lumumba n était pas sage et avait précipite les choses.

    L histoire se répète toujours après 37 ans : Kabila vient avec le même manque de sagesse au pouvoir sans connaitre que le pays a un problème sérieux de gestion de la politique internationale , il précipité des choses chassant les rwandais que lui-même a ramené ne respectant pas les clauses du contrat signe de commun accord avec ces gens et alors donc subissant une guerre qui devrait demande sa mort d abord et la mort de millions des populations par la suite.

    Je suis encore surpris qu’un tel homme ait été aussi couronné héros national.

    Nous ne sommes pas encore independants car la prise de conscience chez nos politiciens est encore un rêve, voila pourquoi nous sommes en exile trop jeune et nous nous préparons pour arriver a sauver cette nation qui est l élément déterminant du développement de l Afrique en générale.

     

    L'indépendance du Cameroun passée aux oubliettes

    La fête nationale au Cameroun est la plus grande fête politique dans le pays, avec un grand défilé (militaire et civil) à Yaoundé présidé par le Président de la République, et des petits défilés dans les autres villes, présidés par les préfets ou les gouverneurs de région.
    Mais il faut noter que l'indépendance du Cameroun n'est pas commémorée. En effet, et c'est dommage, la fête nationale (célébrée le 20 mai de chaque année) commémore la réunification des deux parties du Cameroun (anglophone et francophone) le 20 mai 1972. C'est ce jour que le pays passait de République Fédérale à République Unie du Cameroun.
    Ici, l'indépendance est donc aux oubliettes. Pour preuve, le 1er janvier 2010 (50 ans d'indépendance) est passé inaperçu. Pourtant le 6 novembre (anniversaire de l'accession du Président Biya à la magistrature suprême en 1982) est un jour de fête dans le pays. De quoi penser que les dirigeants Camerounais accordent plus d'intérêt à eux-mêmes qu'au pays. Se rappellent-ils au moins qu'un jour le Cameroun a été un territoire colonisé ?

    Les métropoles étaient considérés comme des bourreaux

    ‘‘Selon mon père, l’accession de la Côte d’Ivoire à l’indépendance a suscité des rêves car pour eux, c’était l’occasion pour les ivoiriens de s’occuper de leurs propres affaires et de conduire leur pays vers la prospérité et le développement. En effet les métropoles étaient considéré comme des bourreaux car ceux-ci leur avaient causé trop de préjudices (corvées, travails forcés, esclavages, exploitation abusive et illégale des ressources…), et les ivoiriens voyaient en Houphouët et ses compagnons de lutte des sauveurs et des héros. Malgré la déception que ceux-ci et leurs paires d’Afrique ont causé chez eux, ils les louent de les avoir délivré des abus du colonisateur’’. Pour les pays africains, il n’y a pas lieu de jubiler parce que les 50 ans d’indépendance ont été du gâchis. Après les pères des indépendances, l’Afrique d’aujourd’hui incarne toutes les tares de l’humanité : Faible niveau de vie, difficile accès à la nourriture, à l’eau potable, aux soins de santé, à l’éducation (C’est maintenant que les étudiants inscrits en Lettres Modernes à l’Université de Cocody Abidjan finissent leur année universitaire 2007-2008, aussi, les bourses d’étude ne sont plus d’actualité), misère sociale indicible etc.
    Le problème de l’Afrique est qu’elle reste dominée, dépendante et n’a pas de dirigeants visionnaires, toutes leurs politiques économiques, diplomatiques, militaire, sociales... leur sont dictées par leurs anciens maîtres. Le continent africain est celui qui dispose de toutes les matières premières pour son développement sur tous les plans mais chaque jour, le nombre de misérables et de pauvres y augmente.
    L’Afrique est vraiment le continent malade de l’humanité.

     

    Le jour de l’indépendance du Sénégal, je suis restée en rade

    Mon père est né au Sénégal et il a intégré l’armée française quand j'avais 6 ans.
    J’ai vécu, de par le métier de mon père, au cœur des conflits des décolonisations et de leurs traumatismes. J’écoutais les informations et je suivais l’actualité de nos voisins qui vivaient dans les autres cités militaires. Quand un homme est porté disparu ou décédé, la douleur était partagée par tout le monde. Et j’ai connu très tôt le deuil des épouses de militaires, j’ai très vite compris ce que c’était de perdre son mari, de voir des enfants orphelins et des mères seules pour faire face à la vie, à l’éducation des enfants traumatisés et sans l’assistance psychologique, qui existe aujourd’hui. C’est une leçon que je retiendrai toute ma vie.

    Le Sénégal Indépendant, c’était un espoir de retrouver les rivages hospitaliers que j’avais gardé des mes souvenirs d’enfance. Et, puis, la désillusion, mon père était d’origine française et il n’était donc pas considéré comme d’origine sénégalaise et nous avons du rester en France. Donc, le jour de l’indépendance du Sénégal, je suis restée en rade ! Et il m’a fallu des années pour me construire une identité.


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