• Andricgrad, nouvelle folie aux relents nationalistes signée Emir Kusturica

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    Andricgrad, nouvelle folie aux relents nationalistes signée Emir Kusturica

    Le Monde.fr | <time datetime="2012-07-11T20:56:20+02:00" itemprop="datePublished">11.07.2012 à 20h56</time> • Mis à jour le <time datetime="2012-07-11T20:56:21+02:00" itemprop="dateModified">11.07.2012 à 20h56</time>

     
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    Le musicien et cinéaste serbe Emir Kusturica à Paris, en 2007.

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    La date n'était pas choisie au hasard : le 28 juin dernier, date anniversaire de la bataille du Champ des merles, mythe fondateur de l'identité serbe, Emir Kusturica inaugurait le dernier-né de ses projets. Le réalisateur d'Underground, Chat noir chat blanc ou La Vie est un miracle, célèbre pour ne reculer devant aucune folie, dévoilait les premiers bâtiments d'Andricgrad, une ville entière sortie de terre en moins d'un an. La "ville d'Andric" se veut un hommage à Ivo Andric (1892-1975), écrivain de langue serbe et seul Prix Nobel de littérature yougoslave (en 1961).

    Première raison d'être de ce projet pharaonique : offrir un décor plus vrai que nature à l'adaptation cinématographique du Pont sur la Drina, le roman le plus célèbre de l'écrivain, qui narre l'histoire d'une petite ville multiethnique de Bosnie du XVIe siècle jusqu'à la Première Guerre mondiale.

    UN "DISNEYLAND" BALKANIQUE

    Depuis un an, "Kamengrad" (la "cité de pierres", autre nom de la ville en construction) se construit aux abords de Visegrad, ville de Republika Srpska, l'entité serbe de Bosnie... et à l'ombre du fameux pont sur la rivière Drina. Celui-ci, personnage principal du récit d'Ivo Andric, qui en fait le lieu de règlement des conflits entre musulmans, Serbes et juifs, est aussi devenu un symbole des heures sombres de la Bosnie : pendant la guerre (1992-1995), de nombreux civils y furent égorgés et jetés dans la Drina.

    Satisfait des premières constructions, Emir Kusturica a finalement décidé de conserver la ville nouvelle en l'état après le tournage du film, dont le calendrier demeure mystérieux. A terme, les bâtiments accueilleront boutiques et animations, faisant d'Andricgrad un "Disneyland" balkanique, à l'image du village de Kustendorf, projet précédent du cinéaste.

     

     

    "Je suis certain qu'Andric, s'il était vivant, aimerait voir une ville qui crée une image de continuité, qui relie les différentes étapes de l'histoire de Visegrad : l'époque du paganisme, l'époque chrétienne, ottomane et austro-hongroise", s'est félicité le réalisateur lors du premier anniversaire du chantier, devant plusieurs centaines d'habitants de Visegrad.

    "FAIRE RAYONNER L'ESPRIT DE LA REPUBLIKA SRPSKA"

    L'ambition affichée par Kusturica de retracer fidèlement l'histoire de la région est en partie biaisée. Parmi les constructions déjà érigées ou annoncées, on trouve une cinquantaine de maisons, une mairie, des hôtels, un théâtre, un cinéma, des magasins, des cafés, un marché, une église orthodoxe... et pas la moindre mosquée, alors même que les relations entre communautés musulmane et chrétienne de Visegrad sont au cœur du récit d'Ivo Andric.

    Un oubli d'autant plus dérangeant que les déclarations de Kusturica au moment d'ouvrir le chantier, insistant sur le caractère uniquement serbe du projet, ont suscité la méfiance : "Andricgrad fera rayonner l'esprit de la Republika Srpska, que l'œuvre littéraire d'Andric avait anticipée", a déclaré le réalisateur en référence à l'entité serbe de Bosnie.

    Des propos repris en substance par Cedomir Antic, historien participant au chantier, lundi 9 juillet sur le site officiel : "Andricgrad témoignera des progrès culturels, artistiques et éducatifs en Serbie et en Republika Srpska."

    Amra, une habitante bosniaque de Visegrad, voit dans les travaux du cinéaste "un délire mégalomane pour gommer une partie de l'histoire". Même crainte chez Alija, qui dénonce "la continuation de la politique nationaliste serbe qui veut désormais refaire l'histoire et s'approprier un pont d'identité ottomane au passé multiculturel".

    "UNE RENTE PERSONNELLE"

    Le coût du chantier est estimé à 15 millions d'euros, partagé entre la Republika Srpska, la municipalité de Visegrad et Kusturica lui-même, actionnaire majoritaire. Pour certains opposants au projet, il ne s'agit ni plus ni moins que d'un "investissement public pour obtenir une rente personnelle".

    Svetlana Cenic, économiste de Banja Luka, critique la gestion du projet, pour lequel la Republika Srpska n'a pas lancé d'appel d'offres et qui met à disposition de Kusturica des fonds publics "alors que le pays est en grave récession". "Lorsque Kusturica en aura fini avec sa dernière lubie, Andricgrad demeurera, mais le contribuable sera amer en voyant son argent bel et bien envolé", affirme l'économiste au journal de Bosnie Dnevni Avaz.

    "Pour Andricgrad, Kusturica détruit tout", titrait récemment le site serbe B92. Principale critique : la destruction de la forteresse Petrinja, un ouvrage centenaire, dont Kusturica, malgré l'opposition d'une partie des habitants, a récupéré les roches.

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