Les partisans du président islamiste destitué Mohamed Morsi ont appelé, dimanche 11 août, à de nouvelles manifestations en Egypte alors qu'expire un ultimatum du pouvoir et que les autorités s'apprêtent à disperser de force leurs sit-in sur deux places du Caire.
Barricadés avec femmes et enfants, ils réclament depuis plus d'un mois le retour au pouvoir du premier président égyptien élu démocratiquement, déposé et arrêté par l'armée le 3 juillet après des manifestations monstres réclamant son départ.
Le nouveau gouvernement intérimaire mis en place par les militaires a promis des élections pour début 2014, mais menace de déloger de force les pro-Morsi des places Rabaa Al-Adawiya et Nahda après les fêtes de fin du mois de ramadan, qui s'achèvent dimanche soir.
"Nous approchons du moment que nous préférerions éviter", avait averti jeudi le premier ministre, Hazem El-Beblaou, en annonçant l'intervention imminente de la police. La police a répété ces derniers jours avoir finalisé un plan d'intervention à Rabaa et Nahda.
DIX MARCHES PRÉVUES AU CAIRE
La communauté internationale, Union européenne et Etats-Unis en tête, a multiplié les tentatives de médiation ces dix derniers jours, en vain pour l'heure. Elle redoute un bain de sang : en un mois, plus de 250 personnes, pour l'essentiel des manifestants pro-Morsi, ont été tuées dans des affrontements avec les forces de l'ordre et des partisans du nouveau pouvoir.
Lire l'analyse (en édition abonnés) : Le malaise et l'impuissance des Occidentaux face à la crise égyptienne
L'Alliance contre le coup d'Etat et pour la démocratie a appelé dimanche ses partisans à "dix marches" dans toute la capitale pour "défendre la légitimité des élections". Ce groupe, qui organise les sit-in de Rabaa et Nahda, est dirigé principalement par les Frères musulmans, l'influente confrérie islamiste de M. Morsi qui avait remporté les législatives de 2011, après la chute d'Hosni Moubarak.
Les Frères musulmans, qui répètent à l'envi que leurs manifestations sont pacifiques, réclament la libération de M. Morsi et des principaux dirigeants de la confrérie arrêtés depuis le 3 juillet – certains seront jugés le 25 août notamment pour incitation au meurtre – et la restauration du président et de la Constitution suspendue par les militaires.
De son côté, le gouvernement intérimaire mis en place par le chef de l'armée et véritable homme fort du pays, le général Abdel Fattah Al-Sissi, propose seulement aux Frères musulmans de participer au processus électoral.
Lire l'analyse (en édition abonnés) : En Egypte, l'armée et les Frères musulmans jouent chacun leur va-tout
"FAUSSE ALERTE"
Signe que la tension monte et que l'intervention de la police est imminente : une coupure d'électricité dans le quartier de Rabaa dans la nuit de samedi à dimanche a provoqué un début de panique sur les réseaux sociaux et dans les salles de rédaction, certains annonçant le début de l'assaut.
Place Rabaa, les organisateurs ont dit à l'AFP qu'ils avaient immédiatement dépêché sur les barricades de briques et de sacs de sable le personnel de sécurité improvisé des manifestants – des hommes en gilet orange fluo, portant la journée des casques de chantier ou de moto et armés de bâtons – pour "voir ce qui se passait". "Fausse alerte", ont-ils immédiatement indiqué.
Le pouvoir intérimaire, relayé par la presse égyptienne quasi unanime, accuse les Frères musulmans d'être des "terroristes", d'avoir stocké des armes automatiques sur les deux places et de se servir des innombrables femmes et enfants qui s'y trouvent comme de "boucliers humains".
Les opposants à M. Morsi, dont des millions ont manifesté dans tout le pays le 30 juin, poussant l'armée à son coup de force, lui reprochent d'avoir accaparé tous les pouvoirs au seul profit des Frères musulmans et d'avoir achevé de ruiner une économie déjà exsangue.
Lire aussi le reportage (en édition abonnés) : Querelles de famille, au Caire, sur l'avenir politique de l'Egypte