• Avec le procès « Mafia capitale », Rome joue sa réputation

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    Avec le procès « Mafia capitale », Rome joue sa réputation

    LE MONDE | <time datetime="2015-11-05T06:44:11+01:00" itemprop="datePublished">05.11.2015 à 06h44</time> • Mis à jour le <time datetime="2015-11-05T15:58:59+01:00" itemprop="dateModified">05.11.2015 à 15h58</time> | Par

    <figure class="illustration_haut " style="width: 534px"> Lors d'une perquisition dans le cadre d'une opération antimafia, en février à Rome. </figure>

    « Le monde du milieu », cette zone grise où se mêlaient les intérêts de responsables politiques, de fonctionnaires municipaux, d’entrepreneurs et de criminels, remonte à la lumière. Jeudi 5 novembre, s’ouvre devant le tribunal de Rome le procès de 46 personnes impliquées dans l’affaire « Mafia capitale », soupçonnées d’avoir truqué les marchés publics de la ville dans le domaine du ramassage des ordures, de l’entretien des espaces verts ou encore de l’accueil des migrants, et d’avoir infiltré l’administration de la mairie pour parvenir à leurs fins.

    Puis, magistrats et prévenus rejoindront la prison de Rebibbia où les attend déjà une salle d’audience sécurisée à la mesure de ce procès exceptionnel, qui se déroulera jusqu’au mois de juillet. Toutefois, les cerveaux de l’affaire, Massimo Carminati, dit « le noir » en raison de son passé militant dans un groupuscule fasciste au cours des années 1970 et 1980, et Salvatore Buzzi, dit « le rouge », à cause de son activité dans les coopératives sociales de réinsertion au service de Rome, seront physiquement absents. Le premier est placé en isolement à Parme ; le second à Nuoro, en Sardaigne. Ils témoigneront par vidéo.

    Lire aussi : Mafia Capitale, saison II, dans la Ville éternelle

    Poing américain et gant de velours

    « Carminati-Buzzi » : presque une raison sociale. Carminati – également affilié au grand banditisme au sein de « la bande de la Magliana » (un quartier de Rome) – se chargeait de convaincre les récalcitrants qu’il convoquait à son QG, une station-service dans un quartier tranquille de la Ville éternelle, pour les faire tabasser par ses sbires. Buzzi, qui, après un séjour en prison pour meurtre, était devenu une icône de la réinsertion réussie, entreprenait les politiques de tous bords et les fonctionnaires qu’il avait su persuader de la sincérité de sa rédemption. L’alliance du poing américain et du gant de velours connaîtra son apogée lors du mandat de Gianni Alemanno, maire de la ville de 2008 à 2013, venu lui aussi de l’extrême droite.

    La première tâche des juges sera de déterminer si le système mis en place par le duo relève d’une organisation de type mafieux, alliant infiltration, contrôle du territoire et violence, ou s’il s’apparente à une entreprise criminelle classique. Les magistrats instructeurs ont considéré qu’il s’agit bel et bien « d’une mafia originale et autochtone ». Les juges devront ensuite tenter d’établir l’étendue des dégâts. Une seconde vague d’arrestations, en juin, a conduit 44 autres suspects sous les verrous ou en résidence surveillée. Ils disposent aussi d’une liste de 101 personnes, actuellement libres, ayant eu des contacts avec Carminati et Buzzi.

    Mais derrière ce procès, c’est la réputation de la capitale de la quatrième puissance économique européenne qui est en jeu. L’impact du scandale a été tel qu’il semble avoir emporté avec lui une part de l’identité de la ville jusqu’alors liée à la « dolce vita ». En témoigne le succès du film Suburra, de Stefano Sollima, sorti sur les écrans italiens il y a quelques jours. Il met en scène la collusion entre des petits malfrats, des Roms enrichis et un ancien activiste d’extrême droite, pour faire main basse sur le Lido d’Ostie afin de le transformer en Las Vegas méditerranéen, le tout sur fond de démission de Benoît XVI. Les Romains semblent acquiescer à cette vision glauque et outrée de leur ville présentée comme la Palerme ou la Naples des films de Francesco Rosi, il y a quarante ans.

    Un préfet de Milan à Rome

    « Mafia capitale » a également ébranlé tous les pouvoirs, y compris celui d’Ignazio Marino, le successeur de M. Alemanno, qui n’y était pour rien. Réputé honnête mais sans autorité sur son administration, ce chirurgien de gauche a finalement été lâché par le premier ministre Matteo Renzi. Le Vatican, quand il pouvait encore passer pour un exemple de vertu, a aussi pris part à la curée. De l’autre côté du Tibre, on daubait l’élu « incapable » et on s’inquiétait des retards dans la préparation du jubilé de l’Année sainte qui, dès le 8 décembre, devrait attirer des millions de pèlerins supplémentaires. Un véritable « crash test » pour une ville au bord de l’asphyxie.

    M. Marino a fini par donner sa démission et a été remplacé, dimanche, par un préfet venu de Milan, Francesco Tronca. Il gérera les affaires courantes jusqu’à de nouvelles élections, au printemps 2016. Milan ? La cité rivale, promue au rang de modèle civique depuis le succès de l’Expo 2015, après avoir été le symbole de la corruption il y a vingt ans ? Les Romains s’étranglent de rage. C’est aussi l’un des enjeux de ce procès : leur rendre leur fierté et restaurer l’image ruinée de Rome.

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