• BIRMANIE : ANALYSE DU PROCESSUS ÉLECTORAL

    Source: Actions Birmanie

    BIRMANIE : Analyse du processus électoral 

    Bien que la campagne électorale n'ait pas officiellement commencé, le parti de l’USDP (Union Solidarity and Development Party) joue déjà un rôle important. Dirigé par des membres du gouvernement actuel, y compris le Premier Ministre Thein Sein, le parti bénéficie de l'appui du mouvement pro-junte USDA (Union Solidarity and Development Association) et de la protection des plus hautes autorités de l'État. L’USDP a démarré très vite une campagne non officielle, recrutant régulièrement des partisans et des observateurs électoraux dans tout le pays et organisant des formations. 

    Jusqu'à présent, 42 partis ont déposé des demandes d’enregistrement pour participer aux élections et 33 se sont vus accorder une autorisation par la Commission électorale. Tous ces partis sont dans l’attente de l'annonce de la date des élections et ne peuvent démarrer leur campagne, car ils doivent d'abord recruter, dans les 90 jours, au moins 500 membres, pour des scrutins locaux, ou 1.000 membres, s’ils escomptent participer aux élections à l'échelle nationale. Dans le même temps, ils sont aux prises avec des problèmes financiers liés à la taxe d’enregistrement élevée que la loi électorale prévoit, à savoir 500.000 kyats (environ 500$) par candidat. Cette disposition a suscité beaucoup de questions sur la façon dont les partis politiques birmans seraient capables de faire face à cette requête, alors qu’1/3 de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

    De tous les partis enregistrés, l’USDP est probablement l'un des rares à pouvoir se permettre ces frais.

     
    La Commission électorale a publié un premier ensemble de lois concernant la campagne, qui restreint la liberté d'association et de réunion. Il est notamment stipulé que les partis politiques enregistrés doivent obligatoirement demander la permission à la Commission électorale pour tout discours ou rassemblement organisés hors de leur propre bureau. Dans un même temps, le gouvernement a mis en place un nouvel organe de censure, la Division de l’enregistrement et de la vérification de la presse (PSRD), créée afin de renforcer encore un peu plus cette censure. 

    Than Nyein, porte-parole du parti National Democratic Force (NDF), groupe dissident de la LND, a déclaré que la NDF ne place pas de grands espoirs dans le processus électoral, mais a réaffirmé que la NDF a été créée afin de donner un statut juridique légal au parti. 
    Les membres dirigeants de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) ont commencé, de façon imprévue, à voyager à travers le pays afin de rendre visite aux familles des prisonniers politiques et aux militants membres du Parti. L’objectif de ce voyage est de discuter des élections à venir et de justifier la décision de la LND de ne pas y participer. Il est également prévu de communiquer sur les concepts de droits individuels, de démocratie, et d’élections libres et équitables. En plus de tous ces échanges, ces voyages seront l’opportunité d'évaluer si les membres de la LND rencontrent des difficultés. En effet, la LND demeure une source d'aide sociale et économique importante pour de nombreuses familles en Birmanie, et ses dirigeants conservent une influence certaine sur le scénario électoral. À l'heure actuelle, la junte a fait le choix de ne pas intimider ou punir les dirigeants de la LND en liberté qui poursuivent leurs activités sociales et politiques, bien que leur parti soit devenu officiellement illégal. 

    Aung San Suu Kyi a encouragé le parti à travailler activement sur les questions de réconciliation nationale, de droits de l’homme et de démocratie. Elle a récemment demandé à son avocat, Nyan Win, de relayer l’idée que les citoyens ont le droit inaliénable de ne pas voter. Les avocats d’Aung San Suu Kyi ont été par la suite mis en garde par les autorités de ne pas transmettre aux médias les opinions de Suu Kyi sur les prochaines élections. 
    Des prisonniers politiques ont été questionnés par la « police spéciale » pour donner leur avis sur les élections et leur intention d’être ou non actif politiquement s’ils sont libérés. Ces enquêtes auprès de prisonniers politiques peuvent être liées à la peur du régime de ce que la LND, et les organisations de la société civile et de défense des droits de l’homme pourraient faire ; mais une autre possibilité est que ces interrogatoires soient utilisés pour déterminer quels prisonniers sont toujours de potentiels « dangereux » activistes, et lesquels pourront être relâchés. En effet, une nouvelle vague de libération de prisonniers est attendue avant la tenue des élections, une tactique classique du régime militaire pour alléger la pression internationale. Ces libérations pourraient se produire en septembre, au moment du débat annuel des Nations unies, et qui pourrait donner lieu à une nouvelle réunion ministérielle du groupe des amis de la Birmanie. 

    Après la visite du premier ministre chinois à Nay Pyi Daw, la junte a décidé de reporter après les élections la mise en œuvre du plan de gardes frontaliers (BGF), lorsque le nouveau gouvernement sera formé. La junte avait été plus que résolue à transformer l’ensemble des groupes de cessez-le-feu en forces frontalières, et ainsi prendre possession des territoires ‘manquants’, c’est-à-dire les portions du pays sous contrôle de milices et non de l’armée et des autorités nationales. Néanmoins, les groupes de cessez-le-feu continuent de garder non seulement le contrôle tant politique que militaire de leurs zones respectives, mais sont également vitaux dans les relations économiques transfrontalières, en particulier avec la Chine.

    Le premier ministre chinois Wen Jabao, lors de sa visite en Birmanie, n’a pas manqué de souligner que son pays n’accepterait pas un nouveau conflit le long de la frontière chinoise (un conflit avait éclaté en août 2009 dans la région Kokang, provoquant l’afflux de plus de 30.000 réfugiés en Chine). La junte a alors annoncé lors d’une réunion avec le groupe Wa (UWSA) que la question BGF sera gelée jusqu’aux élections. Si la perspective d’une reprise du conflit semble s’éloigner, la question ethnique n’en demeure pas moins éludée, ce qui pourrait avoir deux graves conséquences.

    La première est que le pays continuera d’être fragmenté, politiquement et économiquement. La junte et la commission électorale vont très certainement décider de suspendre la tenue du scrutin électoral dans les zones de cessez-le-feu en invoquant les lois électorales (qui permettent notamment d’arguer le manque de sécurité comme raison pour annuler les élections à l’échelle locale). Cette décision exclurait une partie du pays et de ses citoyens du processus politique et perpétuerait une situation d’instabilité et de fragmentation.

    L’autre conséquence sera l’intensification des activités d’espionnage et de pression sur les leaders ethniques, avec des impacts très négatifs sur les violations des droits de l’homme, déjà massives et généralisées dans les régions peuplées de minorités ethniques. 


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