• BNP : tout comprendre à la menace américaine d\'une amende record

    BNP : tout comprendre à la menace

    américaine d'une amende record

    Le Monde.fr | <time datetime="2014-05-30T12:54:36+02:00" itemprop="datePublished">30.05.2014 à 12h54</time> • Mis à jour le <time datetime="2014-05-30T14:32:50+02:00" itemprop="dateModified">30.05.2014 à 14h32</time> |

    Par Diane Jean, Jonathan Parienté et Maxime Vaudano

     

    <figure>La banque BNP Paribas pourrait être contrainte de payer une amende de plus de 7 milliards d'euros.</figure>

     

    Pour avoir utilisé le dollar dans ses transactions avec des « ennemis des Etats-Unis » sous embargo, comme l’Iran ou Cubala banque française est menacée par une amende record de 10 milliards de dollars, soit plus de 7 milliards d’euros.

    1. Qu’est ce qui est reproché à la BNP ?

    BNP Paribas est soupçonnée par la justice américaine d’avoir contourné entre 2000 et 2010 les embargos imposés par les Etats-Unis contre Cuba, l’Iran, leSoudan ou la Libye – comme plusieurs autres banques européennes.

    Elle discute depuis 2009 avec les autorités américaines sur la légalité de ses opérations, cherchant à négocier à la baisse le montant de l’amende qui pourrait lui être infligée.

    Depuis plusieurs semaines, les informations de la presse font pourtant état d’un montant à la hausse, passant à 3 milliards de dollars, puis à 5, pour atteindreaujourd'hui 10 milliards (environ 7 milliards d'euros), selon le Wall Street Journal. La banque serait prête à signer pour 8 milliards de dollars (6 milliards d’euros).

    2. Pourquoi les Etats-Unis peuvent-ils infliger une amende à une banque française ?

    Washington a mis en place pendant les années de guerre froide un arsenal législatif de sanctions économiques à l’encontre de pays et de personnes spécifiquement désignés comme « ennemis des Etats-Unis », ou « soutenant le terrorisme ». L’arsenal de sanctions a été ensuite renforcé par deux lois (Helms-Burton et D'Amato-Kennedy) visant Cuba, l’Iran et la Libye.

    Un organisme placé sous la responsabilité du sous-secrétaire d’Etat américain au terrorisme, l’OFAC (Office of Foreign Assets Control, « Bureau de contrôle des avoirs étrangers »), est chargé de vérifier la bonne application de ces sanctions, qu’elles soient imposées par l’ONU ou les Etats-Unis seuls.

    Depuis le milieu des années 2000, et particulièrement depuis la crise des subprimes, l’administration américaine a haussé le ton en lançant une chasse internationale aux banques contrevenant à ces embargos. Elle estime que toute opération faite en dollars doit être conforme à la réglementation américaine, même si elle est menée par une structure qui n'est pas américaine.

    Lire l’analyse : Amende record contre BNP Paribas : l’impérialisme du dollar

    En droit international, les pays ne sont en général pas autorisés à exercer des compétences extraterritoriales comme les Etats-Unis le font en sanctionnant les banques étrangères. Mais un principe juridique supplante tous les autres : celui de la protection de la souveraineté étatique. Un principe résumé avec emphase par le procureur général des Etats-Unis, Eric Holder, dans la vidéo ci-dessous : « Aucun individu, aucune entité qui fait du mal à notre économie n'est au-dessus de la loi ».

     

     
     
     
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    Or, Washington dispose d’un levier important pour le faire appliquer : toute transaction effectuée en dollars doit être compensée sur le sol américain – c’est-à-dire passer par une chambre de compensation qui valide la régularité de la transaction. C’est précisément le fait que les transactions de la BNP aient été faites en dollars qui les rend délictueuses aux yeux des Etats-Unis.

    En 2012, la nouvelle doctrine américaine a déjà forcé la banque néerlandaise ING à s'acquitter de 619 millions de dollars d’amende (pour des transactions illégales avec l’Iran), ou la britannique Standard Chartered à régler 667 millions de dollarspour des échanges avec l’Iran, la Birmanie, la Libye et le Soudan.

    Washington a également forcé début mai Credit Suisse à plaider coupable d’activité criminelle et payer une amende d’un peu moins de 2 milliards d’euros au département américain de la justice.

     

     

    3. Que disent les autorités françaises ?

    Les autorités financières françaises se sont montrées fort discrètes sur cet épineux dossier. Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a faitsavoir, vendredi par l’entremise d’une porte-parole, qu’il « suivait le dossier avec la plus extrême attention ».

    Une semaine auparavant, lors d’une conférence de presse, il avait pris la défense de BNP, en assurant que « toutes les transactions incriminées étaient conformes aux règles, lois, réglementations, aux niveaux européen et français ». Il n'y a, selon lui, « aucune contravention à ces règles, ni d'ailleurs aux règles édictées par les Nations unies ».

    Du côté du gouvernement, le silence est total, pour le moment. Selon l’AFP toutefois, le ministre des finances, Michel Sapin, se serait entretenu mi-mai avec Benjamin Lawsky, le chef du département des services financiers (DFS) de l'Etat de New York.

    Le ministre des finances aurait alors plaidé la clémence envers la banque française. Ce qui, semble-t-il, n’a pas été d’une grande efficacité.

    4. La BNP a-t-elle les moyens de payer cette amende ?

    Le 14 mai, le directeur général de BNP, Jean-Laurent Bonnafé, a tenu à semontrer rassurant sur les conséquences d’une éventuelle amende sur la santé du groupe. Il s’était dit « très confiant dans la capacité de la banque à gérer cette situation difficile ».

    Toutefois, la provision de 1,1 milliard de dollars (800 millions d’euros) mise de côté par la banque pour couvrir le litige ne devrait pas suffire.

    Une amende de 8 ou 10 milliards d’euros grèverait les bénéfices 2014 de la banque, aujourd'hui l'une des plus solides et performantes d'Europe. Huit milliards d'euros représentent plus d’un an de profits pour BNP Paribas, qui a réalisé 1,7 milliard d'euros de bénéfices au premier trimestre.

    Une bonne nouvelle pourrait toutefois venir adoucir la facture de la BNP : aux Etats-Unis, les pénalités financières sont déductibles d’impôts. L’an dernier, JPMorgan avait ainsi pu économiser 2,2 milliards de dollars (1,6 milliard d’euros), sur une amende totale de 5,1 milliards.

    5. Outre cette amende, que risque-t-elle ?

    Outre l’amende, la banque française pourrait voir sa licence bancaire suspendue temporairement. Une mesure de rétorsion qui pourrait mettre à mal les ambitions de BNP en Amérique du Nord, une région appelée à contribuer au produit net bancaire du groupe à hauteur de 12 % en 2016, contre 10 % en 2013, selon son plan stratégique. En outre, une perte de licence lui interdirait de réaliser des transactions en dollars vers ou depuis les Etats-Unis.

    Pour éviter un tel scénario, la BNP pourrait accepter de plaider coupable dans le cadre d’un arrangement à l’amiable avec les autorités américaines.

    6. Les fonds de ses clients sont-ils en danger ?

     

    <figure>BNP Paribas est soupçonnée par la justice américaine d’avoir contourné entre 2000 et 2010 les embargos imposés par les Etats-Unis contre Cuba, l’Iran, le Soudan ou la Libye. </figure>

     

    Quelles que soient les conséquences de cette amende sur la BNP, elles ne mettront pas en danger les dépôts de ses clients. Il existe en effet un fonds de garantie des dépôts bancaires.

    Si une banque venait à défaillir, le Fonds de garantie des dépôts et résolutions (FGDR) indemnise les clients à hauteur de 100 000 euros par client. Le FGDR devient alors le créancier de la banque en lieu et place du client.

    La BNP et plusieurs de ses filiales sont adhérentes du FGDR. C’est d’ailleurs une des conditions exigées pour qu’une banque (ou un établissement de crédit) soit autorisée à opérer en France, comme c’est expliqué dans la très riche base documentaire du FGDR.

     

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