Engagée à la fois sur les théâtres d’opérations extérieures et sur le territoire national, la défense va bénéficier d’un sérieux coup de pouce budgétaire. «C’est la première fois qu’une loi de programmation militaire est revue à la hausse en cours de législature», se félicite l’entourage du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian qui a présenté, mercredi matin son «projet de loi d’actualisation de la loi de programmation militaire» pour la période 2015-2019. Le texte devrait passer devant le Parlement en procédure d’urgence la première semaine de juin. «Pas touche» au budget 2015 s’était déjà engagé François Hollande le 29 avril à l’issue de conseil de défense. Les 31,4 milliards d’euros pour l’année étaient donc «sanctuarisés» par la grâce de la parole présidentielle.

Pour la période 2016-2019, le ministère de la Défense bénéficiera d’une rallonge de 3,8 milliards d’euros. Au total, sur la période 2016-2019, la France consacrera 162,41 milliards de francs à son effort de défense. Sur ces 3,8 milliards de francs pris directement sur le budget de l’Etat, la plus grosse part sera affectée au «renforcement de la capacité professionnelle», en clair aux frais de personnel et aux coûts de structures et de soutien. La masse salariale de l’armée de terre va, en effet, considérablement augmenter puisque les effectifs de la «force opérationnelle terrestre» devraient s’établir à 77 000 hommes au lieu des 66 000 initialement prévus dans la loi de programmation militaire. Un renforcement dicté par la nouvelle mission assignée aux «biffins» depuis les attentats de janvier 2015, à savoir la protection des sites sensibles sur le territoire national dans le cadre de l’opération Sentinelle. Un déploiement destiné à durer jusqu’à fin juin avait annoncé le président de la République lors de sa conférence de presse de février mais qui s’inscrit désormais dans la durée. L’armée doit être capable de maintenir 7 000 hommes sur le territoire. Un effectif qui doit pouvoir atteindre 10 000 hommes en cas de risque aggravé.

Le droit de l’ouvrir

Le milliard d’euros restant servira pour moitié à la «régénération du matériel» et pour l’autre au financement d’achats d’équipements déjà programmés mais en plus grand nombre. Fruit du retour des enseignements des opérations extérieures où l’aérocombat mené par les hélicoptères est devenu une composante essentielle, le ministère compte acquérir 7 hélicoptères Tigre et 6 hélicoptères NH90 destinés aux transports de troupes. Dans la liste de courses de Jean-Yves Le Drian figure également l’acquisition, sous forme d’achat ou de location, de deux Hercule C 130. Histoire de pallier les aléas de la mise en service du futur avion de transport A400 M surtout après le crash d’un de ces appareils en Espagne le 9 mai.

Autre gros volet de ce projet de loi, la possibilité qui sera désormais donnée aux hommes de la «grande muette» d’ouvrir leur gueule par le droit de se regrouper au sein d’«associations professionnelles nationales de militaires». Un droit qui jusqu’à présent leur était interdit par la loi française. Mais la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé que les «restrictions légitimes» invoqués par les autorités françaises n’allaient pas jusqu’à justifier l’interdiction absolue de cette liberté d’association. Le ministère de la Défense a donc dû obtempérer. Mais, attention, prend soin de préciser l’entourage du ministre, «pas question de parler de syndicats. On ne va pas mener une négociation collective pour savoir si l’on doit partir en Opex ou pas». Le droit d’ouvrir sa gueule, certes mais tout en gardant le petit doigt sur la couture du pantalon.