Des bureaux de vote vides : c’est l’image que l’on retiendra de l’élection présidentielle à Bujumbura, ce mardi. Les opposants au troisième mandat du président Pierre Nkurunziza avaient appelé au boycott du scrutin, comme ils l’avaient déjà fait pour les législatives du 29 juin. Et, dans de nombreux quartiers de la capitale burundaise, le taux de participation a été très faible.

«Je ne vais pas aller voter alors que l’on tue des gens. Le président est un assassin : ces élections sont anticonstitutionnelles», dit un habitant de Nyakabiga, un des quartiers contestataires de la capitale, théâtre de nombreuses manifestations au printemps.

Des informateurs près des isoloirs

Mardi matin, des barricades de pierres y ont à nouveau été érigées, quelques pneus brûlés, et les résidents exprimaient leur colère , après une nuit de violences. Plusieurs explosions ont résonné dans la ville à la veille du scrutin et des tirs sporadiques ont été entendus jusqu’à l’aube. Au moins deux policiers et un civil ont été tués, selon le gouvernement. Lorsque le soleil s’est levé, à Nyakabiga, le corps d’un membre de l’opposition gisait dans un fossé.

A Kamenge, un des rares fiefs du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, l’ambiance était tout autre. Les électeurs étaient présents ; tout comme les informateurs qui rôdaient ostensiblement autour des bureaux de vote, parfois jusqu’à proximité des isoloirs.

«Je suis venue voter parce que je veux exercer mon droit, dit une dame élégante. Nous voulons conserver notre démocratie, et nous voulons la paix.»

Regards nerveux

Mais peu d’électeurs acceptent de s’exprimer, encore moins d’afficher leur préférence politique. A peine sortis du bureau de vote, certains frottent frénétiquement leur doigt avec un mouchoir, ou contre un mur. Ils tentent de se débarrasser par tous les moyens de la tache d’encre violette appliquée sur l’index, afin de s’assurer que personne ne vote deux fois.

«Si je me rends dans d’autres quartiers avec cette marque, ils vont me couper le doigt», dit un électeur d’une cinquantaine d’années. Il confie être venu voter «par obligation», afin de ne pas être associé à l’opposition. «Les Imbonerakure [les milices progouvernementales, ndlr] vont demander des comptes à ceux qui ne se sont pas rendus aux urnes aujourd’hui», lâche-t-il à voix basse, avant de s’éloigner rapidement en jetant des regards nerveux autour de lui.

Un climat de méfiance généralisée règne à Bujumbura. Une grande partie des habitants semble surtout se demander quel est le meilleur moyen d’éviter des représailles. La communauté internationale a estimé que, dans le climat actuel, il était impossible de tenir un scrutin crédible. Des sanctions économiques pourraient suivre si le CNDD-FDD refuse de retourner à la table des négociations.

Dans les bureaux de vote, le décompte des voix a commencé mardi soir. Les résultats seront sans surprise : la victoire de Pierre Nkurunziza ne fait aucun doute. Mais l’avenir risque d’être sombre pour le Burundi.