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Charles Pasqua, roi des affaires, charmeur des prétoires
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Charles Pasqua, roi des affaires,
charmeur des prétoires
<time>Publié le 30-06-2015 à 15h22</time>L'ancien ministre de l'Intérieur avait comparu au procès de l'Angolagate et devant la cour de justice de la République. Deux fois condamné, il avait répliqué par sa faconde en affichant sa figure de patriarche.
</header>Charles Pasqua en avril 1994. (HALEY / SIPA)<aside class="top-outils"></aside><aside class="inside-art" id="js-article-inside-art"><section class="obs-article-brelated">
</section></aside>"Je sors entre mes avocats ! Les gendarmes, s'il vous plait, vous restez un peu plus loin derrière". Ce jour de mars 2010, Charles Pasqua fait mine de plaisanter mais il a la figure des mauvais jours. La Cour de justice de la République vient de le condamner à un an de prison avec sursis dans l'affaire de la Sofremi, une société de matériel de police liée au ministère de l'Intérieur.
Dehors, la presse l'attend. Sur le montant d'un banc de la grande salle de la première chambre du tribunal de grande instance de Paris, on le voit griffonner quelques lignes sur un communiqué préparé à l'avance. Reste donc la mise en scène. Les gendarmes obtempèrent presque naturellement à l'injonction du vieil homme alors âgé de 83 ans. L'ancien ministre de l'Intérieur a gardé une autorité dont il use avec le sourire enjôleur. Ses avocats, Pierre Haïk, Jacqueline Laffont et Léon-Lef Forster font bloc derrière lui.
On le dit enfin atteint par la justice, enfin rattrapé par les affaires. Serait-il fini ? Abattu ? En retour, il cite Victor Hugo :
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent, ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front".
Petit sourire. "Ce sont deux vers qui me caractérisent", rappelle-t-il en homme d'Etat, soucieux déjà de faire disparaître la figure du condamné qu'il est désormais :
Ce jugement n'est en fait qu'un épisode d'une bataille engagée depuis plus de dix ans pour la France et au service de la France".
Suivent quelques piques pour des ennemis choisis : "le magistrat instructeur" qui était alors Philippe Courroye, "l'instruction à charge" mais aussi, comme s'il n'avait jamais versé dans ce travers, "les outrances" et "les manières partiales".
Deux peines de prison, toujours avec sursis
Ce jour-là, devant la cour de justice de la République, siègeant si rarement face aux ministres ayant commis des délits dans l'exercice de leurs fonctions, Charles Pasqua est condamné pour complicité d'abus de biens sociaux et de recel dans l'affaire de la Sofremi. Un an de prison avec sursis pour cette première manche.
Charles Pasqua "grand ministre" n'a pas su "résister à l'opportunité de favoriser ceux qui lui étaient chers", avait souligné l'avocat général Yves Charpenel.
Pourtant, rendant la défaite judiciaire moins amère, il est relaxé ce jour-là des accusations dans le dossier Gec-Alsthom et relaxé de corruption dans l'affaire du casino d'Annemasse. Quand cette dernière affaire viendra ensuite devant le tribunal correctionnel, pour le volet "non-ministeriel", Charles Pasqua écopera cette fois de dix-huit mois avec sursis pour faux, financement illégal de campagne et abus de confiance. L'affaire du casino d'Annemasse avait comme toile de fonds le financement de sa campagne électorale en 1999.
L'addition judiciaire de cette figure de la Ve République est celle-ci : dans deux affaires (Sofrémi et Annemasse), Charles Pasqua a été condamné définitivement. Dans bien d'autres, il a été blanchi. Relaxe dans l'affaire pétrole contre nourriture. Relaxe devant la cour d'appel dans l'affaire de l'Angolagate. Dans l'affaire de la fondation Hamon, il venait de faire appel de sa condamnation à deux ans de prison avec sursis. Il est décédé avant que la décision ne soit rendue.
Zones d'ombres
A chacune des audiences où il était annoncé, Charles Pasqua avait au fil des temps institué un petit rituel : ne piper mot quand ses zones d'ombres venaient soudain éclairer un dossier puis prendre la parole pour expliquer avec une conviction chevillée au corps qu'aucune charge n'était véritablement sérieuse.
Ses démonstrations étaient souvent efficaces. Lorsqu'il était sûr d'avoir suffissement convaincu ou d'avoir assez troublé l'accusation, il se fendait d'un bon mot ou d'une petite phrase savoureuse sur le monde politique pour tenter d'emporter tout à fait son auditoire. "Comment peut-on imaginer que je me sois laissé corrompre ?", avait-il glissé à la fin d'un interrogatoire à la CJR, comme en aparté.
Les piques plus saillantes étaient aussi les plus lourdes de sens. Plusieurs fois, devant la Cour de justice de la République, Charles Pasqua avait ainsi fait allusion au fait que ses "ennuis judiciaires" avaient débuté en 2000 à un moment où il représentait un danger pour Jacques Chirac pour la présidentielle de 2002.
Mathieu Delahousse
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