• DAns l'attente de la libération d'AUNG SAN SUU KYI

    BIRMANIE - 

    Article publié le : vendredi 12 novembre 2010 - Dernière modification le : samedi 13 novembre 2010

     
    L'opposante birmane Aung San Suu Kyi.
    L'opposante birmane Aung San Suu Kyi.
    Reuters
    Par Sophie Malibeaux

    Les sympathisants d'Aung San Suu Kyi ont attendu toute la journée ce vendredi 12 novembre devant les locaux de la Ligue Nationale pour la Démocratie. Cela fait désormais sept ans que la Prix Nobel de la paix est privée de liberté, assignée à résidence. Sa dernière peine expire ce 13 novembre et les rumeurs faisaient état d'une libération dès ce vendredi mais elles n'ont pas été confirmées. La junte tiendra-t-elle parole ?Aung San Suu Kyi a fait savoir qu'elle refuserait toute condition. Parmi les cadres du parti rassemblés devant le siège de la LND, il y avait l'ancien prisonnier politique et bras droit d'Aung San Suu Kyi au moment de la création du parti en 1988. Win Tin témoigne aujourd'hui de l'effervescence à l'approche d'une libération à laquelle il veut croire.


    L’assignation à résidence d’Aung San Suu Kyi arrive à échéance ce samedi 13 novembre 2010. La veille, Rangoon bruissait de rumeurs sur une libération imminente de la « Dame de Rangoon », incitant les sympathisants de la Ligue Nationale pour la Démocratie à se réunir en masse au siège de la LND à Rangoon, dans l’attente de leur égérie. Quelque 500 personnes se sont retrouvées au cœur de l’ancienne capitale, tandis que des dizaines d’autres, et notamment des journalistes, faisaient le pied de grue devant la maison d'Aung San Suu Kyi, rue de l’Université à Rangoon. Sans qu’il soit possible de savoir ce qui se passait de l’autre côté des barricades.

     

     

     

    Au siège, les cadres du parti, dont Tin Oo le président et Win Tin - anciens prisonniers politiques et bras droits d'Aung San Su Kyi au moment de la création de la Ligue Nationale pour la Démocratie en 1988 - ont travaillé toute la journée à la préparation de l’événement, dans une atmosphère fébrile.
     
    Plus de 13 ans en détention depuis 1989
     
    Aung San Suu Kyi, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 1991
    , était alors incarcérée depuis deux ans. Elle n’avait pas pu aller voter aux élections de 1990 qui ont vu la victoire de son parti. Après avoir passé six ans en détention, elle a été libérée en 1995, puis de nouveau été arrêtée en 2003. Jouissant d’une énorme popularité dans le pays, elle effectuait alors une tournée dans le nord, lorsqu’une embuscade tendue par des miliciens aux ordres de la junte se solda par un véritable massacre et l’arrestation de plusieurs membres de la LND dont Aung San Suu Kyi. Depuis cette date, la junte la confine dans sa résidence du bord du lac Inya, lui interdisant tout contact avec l’extérieur. En 2008, les limites fixées par la loi pour ce type de détention auraient dû lui permettre d’en sortir, mais la junte a décidé arbitrairement de prolonger de douze mois son assignation à résidence. Au bout de cette période, un épisode rocambolesque conduit la justice à lui octroyer trois ans et demi de détention supplémentaire, une peine réduite à dix-huit mois sur ordre du général Than Shwe, numéro un de la junte. Une nouvelle fois, le 7 novembre 2010, Aung San Suu Kyi se trouvera en détention pendant que le pays est appelé aux urnes. Puisque le délai de son assignation expire une semaine plus tard, ce 13 novembre 2010.
     
    Pour Win Tin, la junte n’a désormais plus aucun élément entre les mains pour prolonger cette détention. L’éminence grise de la LND veut croire en sa libération : 
     
    « Nous allons recevoir Aung San Suu Kyi, demain, si elle est libérée, nous nous réunirons avec les membres du parti et avec elle. Je ne pense pas qu’il y ait de grandes manifestations dans les rues à ce moment-là. Si le gouvernement refuse de la libérer, alors il faut s’attendre à des manifestations de colère.  Si en revanche elle retrouve la liberté comme il se doit, les gens seront vraiment heureux et nous serons prêts à l’accueillir dans notre quartier général. En la libérant au moment voulu, la junte militaire pourrait redorer son blason auprès de la communauté internationale. Car le monde entier, les Nations unies, l’Union européenne, les pays d’Asie, de nombreux pays et nombreux leaders appellent à sa libération. Si la junte la relâchait, ils se feraient une bonne réputation, sinon il faut s’attendre à de mauvaises réactions. »
     
    Aung San Suu Kyi ne renoncera pas
     
    Win Tin ne dispose cependant pas d’éléments lui permettant d’être sûr de la libération imminente d'Aung San Suu Kyi. Seule certitude, selon lui, elle n’acceptera aucun compromis lui permettant de retrouver la liberté. Lui-même, durant sa détention, a vécu l’annonce de sa libération, avant de se voir contraint de signer un engagement à renoncer à la politique, ce qu’il a catégoriquement refusé. De fait, libéré en septembre 2008, il se remet immédiatement au travail, au siège de la LND, et en visite de soutien aux familles des prisonniers. Il se dit certain de voir Aung San Suu Kyi adopter la même attitude :
     
    « Le gouvernement militaire a l'habitude de demander aux prisonniers politiques de signer une sorte d'engagement à renoncer à la politique, mais la plupart des prisonniers qui ont fait de la prison sous ce régime depuis maintenant une vingtaine d'années, en général, ils ne signent pas ce genre de papier. Ils sont très rares ceux qui ont signé. Jamais ils ne se résignent. Aung San Suu Kyi, elle, ne le fera pas, j'en suis absolument certain. »
     
    Une fois libérée, quelle serait néanmoins la marge de manœuvre de la « Dame de Rangoon », ainsi que l’appellent les Birmans ? Impossible de le savoir. Les partis politiques créés récemment par la junte viennent de remporter des élections organisées sur mesure. Ils maintiennent ainsi une emprise totale sur le pouvoir à tous les échelons du pays. L’expérience vécue par le dissident Win Tin augure mal de la liberté de mouvement future d'Aung San Suu Kyi. Depuis sa sortie de prison, Win Tin continue de voir sa liberté de circulation restreinte, tandis que la surveillance ne se relâche pas. Toute « libération » dans ce pays, sous contrôle des généraux depuis 1962, est à considérer comme une notion toute relative.

     


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