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Décès de Claude Chabrol : un appétit pour la malice
Chabrol. Un appétit pour la malice
13 septembre 2010 -
Claude Chabrol est mort, hier, à l'âge de 80 ans, après avoir donné au cinéma français certains de ses plus grands films des 50 dernières années. Ce grand amateur de cigares aura croqué les travers de la bourgeoisie avec la même gourmandise qu'il mettait à en savourer la cuisine.
Quinze jours après Alain Corneau, c'est un autre monstre sacré du cinéma français qui s'en est allé. Claude Chabrol est décédé, hier matin, à l'âge de 80 ans. Le visage rond caché par de larges lunettes, qu'il abandonnera en 1995après une opération de la cataracte,
de la cataracte, cet amateur de bonne chère était l'un des réalisateurs français les plus populaires, connu pour son humour noir et son goût de l'autodérision. Fumeur de pipes et de cigares, il cachait, derrière une apparente bonhomie, un certain plaisir à montrer la cruauté. «À partir d'une certaine monstruosité, les gens préfèrent ne pas penser que c'est possible, c'est là que mon travail commence», déclarait-il, sans se départir d'un sourire malicieux. Il s'était imposé comme une sorte de moraliste capable de transformer un simple fait divers en un conte féroce où se révélaient les aspects les plus sombres des hommes. Chabrol a dépeint avec délectation les travers des notables de province, usant d'une cruauté ironique pour décrire scandales étouffés ou secrets de famille. Ces hypocrisies, destinées à préserver une respectabilité de façade, visiblement l'exaspéraient. «J'utilise le cadavre comme d'autres utilisent le gag», ajoutait celui qui a dressé un portrait particulièrement corrosif de la France des années 70. Si ses films ont connu un grand succès populaire, il a en revanche été peu récompensé par «les professionnels de la profession», à l'exception d'un Ours d'or à Berlin en 1959 pour «Les Cousins», le prix Jean Vigo et le grand prix du Festival de Locarno pour «Le Beau Serge» (1957) et le Louis Delluc en 2000 pour «Merci pour le chocolat».
Un héritage pour le lancer
Né le 24juin 1930 à Paris, Claude Chabrol est issu de la moyenne bourgeoisie. Son père est pharmacien. Elève modèle-licencié en lettres et en droit- il décourage pourtant ses parents, qui désirent le voir reprendre l'officine paternelle, en quadruplant sa première année de pharmacie. Passionné de cinéma, il devient critique dans les célèbres «Cahiers du cinéma». Et c'est grâce à l'héritage de sa première femme - «Sa grand-mère avait eu la bonne idée de mourir pendant que j'écrivais le scénario», disait-il - qu'il a l'argent nécessaire pour se lancer dans le cinéma. «Le Beau Serge» est son premier film et le premier film de quelque importance de la Nouvelle Vague, sorti en 1959, juste avant «À bout de souffle» de Godard. Des décennies plus tard, Chabrol jugera son film «insupportable». Ce boulimique de la pellicule considérait le cinéma comme un «hobby», tournant film sur film à la cadence moyenne d'un par an. Il a signé de grands films comme «Que la bête meure»(1969), «Le boucher» (1970), «Les noces rouges» (1973), «Violette Nozière» (1978), «La cérémonie» (1995) mais aussi, selon sa propre expression, des «films alimentaires» comme «Folies bourgeoises» (1976).
Huppert, Audran, Bonnaire...
Il cultivait une passion pour les actrices. Les femmes sont d'ailleurs les seules véritables héroïnes de ses films: Audran - sa compagne pendant plus de quinze ans, Huppert-dont il contribuera à révéler le talent, Bonnaire, mais aussi «Les bonnes femmes», «Violette Nozières», «La Dame aux Camélias», «Betty». Chabrol affirmait: «La différence entre le gourmet et le gourmand me fait bien rigoler, il faut savoir être les deux!». Pour lui, «Manger et travailler bien, c'était la même chose».
Tags : cinéma, claude chabrol, décès
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