• Des journalistes tunisiens sous le choc craignent un retour à l'ancien régime

    Des journalistes tunisiens sous le choc craignent
    un retour à l'ancien régime

    TUNIS — Encore sous le choc, des journalistes tunisiens brutalisés pendant une manifestation à Tunis estiment que ces dérives laissent planer le doute sur un réel changement de régime.

    "Nous sommes très en colère. Nous avons fait cette révolution pour avoir la liberté d'expression, c'est comme si l'ancien régime était encore là", a déclaré samedi à l'AFP le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) Neji Bghouri.

    Quinze journalistes -hommes et femmes- travaillant pour des médias tunisiens et internationaux, dont un photographe de l'AFP, ont été brutalisés par des policiers lors de la couverture de manifestations anti-gouvernementales jeudi et vendredi à Tunis, selon le SNJT. Ils ont été victimes de coups violents, d'insultes et se sont vu confisquer leurs appareils photo et caméras.

    La révolution tunisienne, à l'origine de la chute du président Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier, avait suscité des espoirs parmi des journalistes qui n'avaient connu pendant 23 ans que filatures, interrogatoires, pressions et menaces et qui s'interrogent désormais sur "les dérives policières" et "la censure qui semble pointer".

    La presse tunisienne a unanimement condamné ces violences samedi, jugeant que "rien ne justifie un tel acharnement". Les forces de l'ordre ont aussi procédé à des interpellations, frappant à coups de pied et de matraque des manifestants dont certains étaient à terre.

    Le ministère de l'Intérieur a présenté vendredi soir ses excuses "aux journalistes et aux citoyens agressés involontairement", affirmant dans un communiqué son "respect pour le travail journalistique".

    Ces "excuses ne sont pas suffisantes, nous exigeons des sanctions car les journalistes étaient clairement ciblés et la création d'une commission d'enquête avec des journalistes", a réagi M. Bghouri.

    Le moral au plus bas, la journaliste Marwa Rkik, 25 ans, qui travaille à la radio tunisienne Kalima, peine à se remettre de ces violences.

    "J'étais en direct sur les ondes de Radio Kalima quand les affrontements ont commencé devant l'hôtel International. Dès que j'ai prononcé la phrase +on frappe les journalistes+, deux policiers en civil ont couru vers moi avant de faire appel à une dizaine de policiers en uniforme", dit-elle.

    "Ils m'ont frappée brutalement sur tout le corps à coup de matraque et avec leurs casques. J'ai été blessée à la tête et j'ai reçu 5 points de suture", ajoute cette journaliste qui va déposer plainte.

    Ces violences, accuse-t-elle, sont "une initiative de la police car le gouvernement n'est pas dingue pour faire ça. Les policiers sont furieux contre les journalistes suite à la divulgation depuis le 14 janvier de leurs actes odieux" sous Ben Ali.

    Pour le photographe de l'agence britannique Reuters Zoubeir Souissi, "ce qui s'est passé hier est comme un feu vert aux policiers pour pratiquer les mêmes méthodes que sous Ben Ali".

    Il raconte comment des policiers lui ont "ordonné de ne pas prendre des photos" avant de commencé "à le gifler et lui donner des coups de pied et des coups de matraque" en continu, tout en l'insultant.

    Ensuite, dit-il, "un policier en civil a arraché mon appareil photo, je l'ai suivi pour lui demander de me rendre mon appareil et je lui ai proposé de l'argent. Là, il m'a demandé de le suivre et loin des regards, il a pris mes 100 dinars. J'étais heureux de récupérer mon appareil".

    Les manifestants réclamaient la "démission" du gouvernement transitoire et "une nouvelle révolution".


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