• "Des paroles et des actes": la leçon de démocratie de Malek Boutih à Marine Le Pen

    "Des paroles et des actes": la leçon de démocratie de Malek Boutih à Marine Le Pen

    Modifié le 22-02-2013 à 11h50

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    LE PLUS. La présidente du Front national était l'invitée de "Des paroles et des actes" sur France 2 ce jeudi. Face à Malek Boutih, elle a été surprise par les attaques précises du député qui cherchait à démontrer que le parti d'extrême-droite n'était pas une formation "démocratique". Point de vue de notre chroniqueur, Thierry de Cabarrus.

    Édité par Mélissa Bounoua

    Marine Le Pen face au député PS Malek Boutih le 21 février 2013 dans Des paroles et des actes sur France 2 (CAPTURE LE PLUS)

     Marine Le Pen face au député PS Malek Boutih le 21 février 2013 dans "Des paroles et des actes" sur France 2 (CAPTURE LE PLUS)

     

    Bousculée par le journaliste François Lenglet, Marine Le Pen a évité de peu le naufrage en économie jeudi soir dans l'émission de David Pujadas, "Des paroles et des actes" sur France 2.

     

    Mais c'est dans son face à face avec le député socialiste de l'Essonne, Malek Boutih, qu'elle a connu une véritable déroute : comme je l'espérais sans trop y croire, malgré son sens de la répartie, malgré ses ficelles de débatteuse habituée aux plateaux télé, elle a chuté face à lui à plusieurs reprises en moins d'une demi-heure, devant des millions de téléspectateurs peu habitués à de si flagrantes déconfitures. Quel symbole ! L'écueil, jeudi soir, pour la patronne du "Front national', a été le beau mot de "démocratie".

     

    La patronne du FN déstabilisée 

     

    Pourtant, elle semblait bien partie, Marine Le Pen : toujours pleine de morgue, elle avait joué comme d'habitude son rôle de victime avec les "questions insultantes"  de Nathalie Saint-Cricq en particulier, des "experts" et des "journalistes" en général, stoppant les sujets qui fâchent  d'un rire de gorge, d'un bon mot ou d'un coup de colère. Elle s'était revendiquée la "voix" des Français  "relégués", les ruraux, les retraités, les vrais "patriotes" dotés d'une carte d'identité française. 

     

    Puis, elle avait connu une première alerte face au journaliste économique de France 2. Car ce dernier n'avait pas eu de mal à opposer le réalisme de ses chiffres et de ses graphiques à son souhait répété de sortir la France de l'Europe et de l'euro. Impossible sans connaître des résultats économiques catastrophiques de la Grande-Bretagne.

     

    C'est donc un peu déstabilisée que Marine Le Pen s'est retrouvée en face de Malek Boutih, comptant sans doute sur ce premier duel pour se refaire une santé sur son dos.

     

    C'était mal connaître le député de l'Essonne, ne rien savoir de ses âpres combats de militant au sein de SOS Racisme ou contre tous les communautarismes, de sa hargne iconoclaste qui l'a conduit parfois à s'opposer à son propre parti, le PS, par exemple, lors de son parachutage raté en Charente ou de sa bagarre avec son ancien ami Julien Dray pour l'investiture aux dernières législatives.

     

     Le bal indigne de Vienne

     

    On appellera ça l'effet de surprise: Marine Le Pen a sous-estimé son premier contradicteur, préférant sans doute se concentrer sur le deuxième, Bruno Le Maire. Dès lors, elle s'est mal préparée, et elle a payé cash cette négligence face à un député bouillant qui, jamais, n'a rien lâché.

     

    Pourquoi le FN n'a-t-il pas changé de nom s'il est un parti soluble dans la démocratie? Pourquoi, elle qui se revendique moderne, débarrassée des oripeaux du parti de son père, le racisme, l'antisémitisme, n'a-t-elle pas fait cette rupture avec l'histoire en abandonnant le nom de "Front national" ? Pourquoi n'a-t-elle pas fait comme Gianfranco Fini, le président du parti néofasciste italien "MSI" qui l'a rendu plus respectable en l'appelant "L'Alliance nationale"?

     

    Ça commence fort. Marine Le Pen, bousculée d'entrée, répond à côté, lâche son mépris pour Fini qui a laissé ses convictions en même temps que son nom de "MSI".

     

    Ça continue sur le même ton implacable, avec ce qui restera sur elle comme une tâche indélébile : Malek Boutih la questionne sur sa présence à Vienne au "bal avec les nazis". Impossible de s'échapper, la patronne du FN doit répondre, se justifier.

     

    Elle explique alors que la "Burschenschaft Olympia" (le parti autrichien ouvertement néo-nazi de Strache, le successeur de Haider décédé dans un accident de voiture) est "respectable" puisqu'il a obtenu 30% des voix aux élections. Elle évoque ensuite "le fantasme de l'extrême gauche", ajoute qu'ils étaient 8000 à ce bal et qu'elle n'a pas demandé les CV de chacun. Elle tente la dérision face à cette question qui la gêne, dit finalement, en colère, qu'elle est là pour parler politique.

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    La modernité du FN ?

     

    Alors Boutih la reprend de volée, lui rétorque qu'elle ne peut pas vouloir être respectée et "évacuer tous les sujets en sortant une vanne à chaque fois".  Il lui rappelle que le bal de Vienne auquel elle participait était "interdit aux femmes et aux juifs"et qu'il se déroulait le 27 janvier 2012, le jour anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz.

     

    Car le député socialiste a un but : montrer comme il l'a écrit dans une tribune à "Libération", que la modernité du FN n'est qu'un camouflage pour un parti toujours anti-démocratique. Un parti encore plus dangereux puisqu'il avance masqué et surfe sur la crise. Et en quelques poignées de minutes, il va réussir sa démonstration.

     

    Marine Le Pen se lance alors dans une explication bien préparée, destinée à prouver que le FN est "démocrate" puisque depuis 40 ans, il a participé à toutes les élections, il est pour "la proportionnelle intégrale" et "les référendums d'initiative populaire". Elle dit parler au nom des Français, ce que lui conteste son adversaire : "Mais non madame, vous n'êtes pas encore présidente de la République pour parler au nom des Français"

     

    Une leçon "sur le vif" de ce qu'est la démocratie

     

    Malek Boutih reprend la main, démontre d'abord qu'elle refuse de le laisser parler, qu'elle s'embarque dans de longs monologues qu'il interrompt en l'exhortant à "accepter le débat": "le b-a-ba de la démocratie, c'est le dialogue", lui lance-t-il.

     

    Sans s'énerver, il lui dit qu'elle le fait penser "aux islamistes" en faisant semblant comme eux d' accepter les règles de  la démocratie: mais comme eux, elle n'a pas le choix des moyens, si elle veut le pouvoir, elle doit passer par les urnes et c'est après les élections que les islamistes montrent leur vrai visage.

     

    Autre moment fort: Marine Le Pen, harcelée par son contradicteur, en arrive à dire que si elle est au pouvoir, elle interdira les manifestations à caractère "délictuel". Boutih lui demande alors lesquelles? Elle répond "les manifestations de soutien aux clandestins".

     

    Le député socialiste s'engouffre dans la brèche, dit que la démocratie c'est aussi accepter les manifestations en faveur des sans-papier ou en faveur du Front national. Et que, dans cette logique, on pourrait instaurer "un délit de parole", "un délit de désobéissance".

     

    Il conclut que la démocratie, ce n'est pas "la démocratie du Front national", c'est "accepter les idées des autres, même si vous ne les supportez pas". Une leçon  belle, pédagogique, "sur le vif" pourrait-on dire, sur ce qu'est justement la démocratie.

     

    La fin du débat porte sur l'immigration et le racisme. Marine Le Pen monopolise la parole. Malek Boutih la lui laisse avec élégance alors que David Pujadas tente de la lui rendre. Puis il conclut à son tour qu'il va combattre le FN avec le Parti socialiste car c'est "un parti dangereux" qui "joue à fond la désespérance de ce pays pour prendre le pouvoir". Un parti qui n'a pas de réponses structurées ou structurelles au malheur des gens. Un parti qui prétend défendre les gens en souffrance mais qui ne le fait pas. "La vérité, dit-il, c'est leur malheur qui vous intéresse, pas ces gens".

     

    Durant tout ce face à face, le député socialiste a poursuivi et réussi cette mise à nu implacable, irréfutable des vrais objectifs du Front national. À mon avis, c'était bien un grand moment de démocratie.


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