• Droit du sol, attractivité de la France : quatre questions sur l'immigration

    Droit du sol, attractivité de la France :

    quatre questions sur l'immigration

    Le Monde.fr | <time datetime="2013-10-23T19:39:12+02:00" itemprop="datePublished">23.10.2013 à 19h39</time> • Mis à jour le <time datetime="2013-10-23T20:34:17+02:00" itemprop="dateModified">23.10.2013 à 20h34</time> | Par

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    Jean-François Copé, pendant la convention organisée par l'UMP à Paris, jeudi 17 octobre.

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    L'immigration et les problèmes qui y sont liés seraient l'une des préoccupations principales des Français. C'est en tout cas ce que semble croire l'UMP, qui a fait de cette thématique l'axe majeur de sa stratégie ces dernières semaines. Le principal parti d'opposition a durci sa ligne, n'hésitant plus à remettre en cause le droit du sol ou à réitérer des propos plus ou moins vrais sur ce dont bénéficient les étrangers en situation irrégulière.

    • 1/ Droit du sol, droit du sang, quelles différences ?

    Ce qu'on entend : "Il ne s'agit pas de remettre en cause le droit du sol. Mais quand on est né en France de parents étrangers en situation irrégulière, on n'a pas vocation à y rester et il n'est pas possible d'obtenir la nationalité française" (Jean-François Copé, 22 octobre, conférence de presse).

    Ce qu'il en est : "Droit du sol", le terme revient sans cesse dans tous les débats sur l'immigration. Que signifie-t-il ? Il existe deux manières d'envisager l'acquisition de la nationalité. L'une est de considérer que l'on a la citoyenneté d'un pays lorsqu'on descend de citoyens de ce pays. C'est le droit du sang : je suis Français car mes parents sont Français. Le droit du sang s'exerçait en France jusqu'au milieu du XIXe siècle. La France a depuis opté pour le droit du sol : est Français celui qui est né sur le territoire français, quelle que soit la nationalité de ses parents.

    Voilà pour la théorie. En pratique, les choses sont plus complexes. Comme le rappelait au Monde en 2005 le chercheur Patrick Weil, depuis 1803, une personne née sur le sol français de parents étrangers n'est pas automatiquement française à la naissance, sauf si l'un de ses parents est français. Elle peut en faire la demande à partir de 13 ans avec l'accord de ses parents si elle réside en France depuis cinq ans. Cette même demande peut être faite sans leur accord à partir de 16 ans, là encore, si la personne peut justifier de cinq années de résidence depuis l'age de 11 ans.

    Il faut attendre la majorité de la personne, à 18 ans, pour que la nationalité devienne "de plein droit" et automatique, si la personne réside en France depuis suffisamment longtemps. Une règle en vigueur depuis la fin du XIXe siècle, mais obtenir des papiers d'identité reste une démarche que doit accomplir le requérant, qui doit notamment demander un certificat de nationalité.

    Jean-François Copé évoque en partie le retour à la loi Pasqua qui fut en vigueur entre 1993 et 1998. Elle prévoyait qu'il fallait que le jeune né en France de parents étrangers fasse une démarche volontaire, dite de "manifestation de volonté" de requérir la nationalité pour l'obtenir. Mais la loi Pasqua concernait les jeunes nés de parents étrangers et en possession d'une carte de séjour, ce qui excluait de fait les immigrés en situation irrégulière.

    Or, explique M. Copé, "quand on est né en France de parents étrangers en situation irrégulière (...) il n'est pas possible d'obtenir la nationalité française". Une phrase qu'on retrouve mot pour mot dans le programme du Front national, qui propose la "suppression, dans le droit français, de la possibilité de régulariser des clandestins".

    Seulement ce n'est pas si simple. Un enfant né en France de parents étrangers pourrait ainsi, suivant le droit du pays d'origine de sa famille, se retrouver sans nationalité, si la France la lui refuse. Or, plusieurs conventions internationales, dont la France est signataire, interdisent de créer des apatrides.

    • 2/ La France, paradis des migrants ?

    Ce qu'on entend : La France est le pays "le plus attractif socialement en Europe pour les immigrés" (Jean-François Copé, AFP, 22 octobre).

    Ce qu'il en est : Selon l'organisme européen Eurostat, en 2010, la France est loin d'être le pays qui accueille le plus de migrants : 149 500 étrangers, contre 497 000 au Royaume-Uni, 430 400 en Espagne, ou 317 200 en Allemagne. La population non nationale vivant sur le sol français représentait, toujours en 2010, 5,9 % de la population totale, contre 8,8 % en Allemagne, 12,3 % en Espagne, ou 7,2 % au Royaume-Uni.

     

     

    La France est-elle plus "attractive socialement" ? Il y a ici une grande confusion. Si M. Copé parle "d'immigrés" bénéficiant d'une carte de séjour et d'un permis de travail , ils ont en effet droit aux mêmes aides que les Français, selon les mêmes critères, et c'est le cas partout en Europe. On peut supposer que M. Copé évoque en réalité les étrangers en situation irrégulière. Il est difficile de faire un comparatif détaillé des aides exceptionnelles qu'accorde chacun des 28 états européens aux migrants clandestins et d'établir un classement. On peut cependant s'interroger : si la France est le pays le plus "attractif socialement", pourquoi reçoit-il moins de migrants clandestins que d'autres ?

    On estime que 200 000 à 400 000 immigrés clandestins sont présents sur le sol Français. Au Royaume-Uni, destination très prisée des migrants du fait d'une législation et d'un système d'aide perçus comme plus favorables, l'estimation est de 600 000 à un millon de personnes. 

     

     
    •  3/ L'immigration préoccupe-t-elle vraiment les Français ?

    Ce qu'on entend : "L'immigration fait partie des cinq ou six sujets majeurs dans notre pays." (Luc Chatel, France Info, 23 octobre).

    Ce qu'il en est : L'immigration focalise de nombreux débats politiques et occupe une grande place dans les médias. L'opinion est sévère sur la question. En janvier 2013, Le Monde, le Cevipof et la Fondation Jean-Jaurès commandaient une étude à l'institut Ipsos sur les "nouvelles fractures" françaises. Près de 70 % des répondants se disaient d'accord avec l'assertion "il y a trop d'immigrés en France" et 67 % avec "on ne se sent plus chez soi comme avant". Autre étude commandée cette fois à TNS Sofres par Le Monde, Canal + et France Info, en janvier 2013 : 28 % des répondants se disaient "tout à fait d'accord" avec l'affirmation "il y a trop d'immigrés en France", et 26 % plutôt d'accord, soit un total de 54 %. 

    Mais cette thématique est-elle pour autant leur priorité ? Non, et les sondages sont unanimes à le montrer. En 2007, 17 % des personnes sondées par TNS Sofres estimaient que le thème de la "lutte contre l'immigration clandestine" était prioritaire dans leur vote à la présidentielle. En 2012, ils n'étaient plus que 12 %. Et dans l'étude Ipsos sur les "nouvelles fractures", l'immigration n'était citée comme l'un des trois sujets les plus préoccupants que par 16 % des sondés, et arrivait donc à la 10e place sur treize sujets proposés.

    En revanche, les sympathisants UMP étaient 23 % à la classer comme sujet prioritaire, et les sympathisants FN, 55 %. En réalité, trois thématiques sont invariablement classées en tête des préoccupations de l'opinion depuis dix ans : l'emploi, le pouvoir d'achat, la santé. Cela se vérifie sur le baromètre que publie régulièrement La Croix avec TNS Sofres.

    • 4/ Seuls les clandestins bénéficient de soins gratuits ?

    Ce qu'on entend : "L'aide médicale d'Etat, c'est totalement gratuit [pour les étrangers en situation irrégulière] alors que, pour les Français, il peut y avoir jusqu'à 50 euros de franchise." (Brice Hortefeux, RTL, le 15 octobre). 

    Ce qu'il en est : La suppression de l'aide médicale d'Etat (AME) est demandée par une partie de la droite depuis qu'elle a été portée sur les fonds baptismaux par le gouvernement de Lionel Jospin, en 1999. Ce dispositif assure une couverture maladie aux étrangers en situation irrégulière, sous certaines conditions de ressource et de temps passé sur le territoire français. En 2011, l'AME a bénéficié à 220 000 personnes, pour un coût estimé à 588 millions d'euros.

    Selon les contempteurs de l'AME, seuls ses bénéficiaires – donc des étrangers en situation irrégulière – ont droit à une couverture maladie entièrement gratuite. Ils avaient d'ailleurs gagné une bataille lors de la précédente législature quand a été instauré un droit d'entrée annuel de 30 euros... lequel droit d'entrée a été supprimé dès l'alternance à gauche. Sont-ils réellement les seuls à ne rien payer pour se soigner ? Non. Les personnes qui bénéficient de la CMU-C ne payent rien pour une consultation chez un généraliste –  ni la part obligatoire, ni la part complémentaire, ni la participation forfaitaire. Par ailleurs, la couverture offerte par l'AME est moins complète que celle offerte par la CMU ; elle ne couvre par exemple que très partiellement les dépenses d'optique ou de prothèse.

    Par ailleurs, martèlent-ils, l'AME ferait l'objet de fraudes massives, elle créerait un "appel d'air" pour les étrangers des pays les plus pauvres, voire drainerait un "tourisme médical" vers la France. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, en 2011, avait conclu à l'absence de preuve de fraude massive. Quant à l'appel d'air, le président de Médecins du monde rappelait, en 2010, que l'immense majorité des migrations avaient des causes économiques et non sanitaires.

    Il reste que le dispositif tel qu'imaginé en 1999 était avant tout un objectif de santé publique. L'idée était d'inclure des populations fragiles au système de santé publique afin d'éviter, d'une part, les prises en charges tardives et coûteuses de certaines pathologies et, d'autre part, d'éviter que des maladies se propagent faute de prise en charge appropriée des malades.

    Dans un rapport parlementaire (PDF), les députés Claude Goasguen (UMP) et Christophe Sirugue (PS) avaient conclu que "des considérations humanitaires comme des impératifs de politique de santé publique imposent le maintien de l'accès aux soins à ces personnes et que les coûts correspondants, bien qu'en hausse, ne suffisent pas à motiver une suppression dont les conséquences sanitaires et financières pourraient être contre-productives".


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