Mohamed Badie, le Guide suprême des Frères musulmans, a affirmé vendredi 5 juillet que "le coup d'Etat militaire" n'était "pas valide", et que les partisans du président déchu Mohamed Morsi, issu de sa confrérie, resteraient mobilisés "par millions" jusqu'au retour du chef d'Etat islamiste renversé par l'armée.
Le Guide intervenait dans un discours en fin d'après-midi devant les partisans de Mohamed Morsi réunis près d'une mosquée de Nasr City, un faubourg du Caire.
"Nous resterons dans les rues par millions jusqu'à ce que nous portions en triomphe notre président élu", a-t-il lancé devant un rassemblement d'islamistes, après que son mouvement a démenti son arrestation annoncée la veille par les services de sécurité.
Par ailleurs, un responsable des Frères musulmans a appelé un peu avant le rassemblement à ne pas s'en prendre à l'armée.
Un peu plus tôt dans la journée, le président par intérim égyptien Adli Mansour a décidé de dissoudre la chambre haute du Parlement (Choura), dominée par les islamistes, et de nom mer un nouveau chef des services de renseignement.
La chambre haute, qui assumait la totalité du pouvoir législatif après la dissolution l'an dernier de la chambre des députés, était acquise au président Mohamed Morsi.
Adli Mansour a aussi nommé un nouveau chef du renseignement, Mohammed Ahmed Farid, a indiqué l'agence officielle Mena.
L'armée dément avoir tiré sur les manifestants
Les affrontements entre pro-Morsi et les forces armées se poursuivent au Caire et ont déjà fait au moins trois morts et plusieurs blessés parmi les manifestants, rassemblés pour un "vendredi du refus". Il serait question d'échanges de tirs avec des soldats, a constaté un journaliste de l'AFP.
Ces heurts surviennent après le coup militaire qui a renversé le président islamiste et la vague d'arrestations qui a suivi au sein de son mouvement des Frères musulmans. Les tirs ont eu lieu aux abords d'un bâtiment de la Garde républicaine, une unité militaire chargée de protéger la présidence égyptienne, et où serait détenu Mohamed Morsi, selon des sources de la sécurité. Deux corps sans vie ont été recouverts d'un drap blanc, et un troisième gisait, la tête fracassée par une balle.
Partis d'une mosquée de Nasr City, un faubourg du Caire, où ils campaient depuis plusieurs jours, des milliers de manifestants islamistes ont scandé "Morsi est notre président" et "Traîtres!" devant la Garde républicaine. Ils ont ensuite essayé d'accrocher sur les barbelés entourant le bâtiment une photo de l'ex-chef d'Etat, bravant à deux reprises les avertissements des soldats, avant que les tirs n'éclatent.
Le ministère de l'Intérieur avait averti un peu plus tôt qu'il répondrait "fermement" aux troubles et des blindés avaient été déployés au Caire. L'armée a souligné que "les rassemblements pacifiques et la liberté d'expression sont des droits garantis pour tous".
Les Frères musulmans qui ont dénoncé, dans un communiqué, "la terreur de l'Etat policier qui a arrêté des figures de la confrérie et du parti" et "un coup d'Etat militaire contre la légitimité (de Mohamed Morsi)", ont appelé leurs partisans à la retenue.
Rumeurs de couvre-feu
Par ailleurs, les sons de cloche divergent sur la situation au Caire. Alors que le chef des forces armées a affirmé au roi Abdullah d'Arabie Saoudite que "la situation en Egypte" était "stable", la correspondante de France Inter relaie des rumeurs de couvre-feu pour vendredi soir.
De plus, les militaires ont démenti avoir ouvert le feu sur les manifestants. Sur le réseau social, le correspondant au Caire de "L'Independent" cite des témoins, selon lesquels la police est à l'origine des tirs.
Des hauts dirigeants de la confrérie dans la rue
Ailleurs au Caire, des milliers de personnes, dont de nombreuses femmes, ont entamé une marche à Guizeh, dans le sud de la ville, a constaté un photographe de l'AFP. Le cortège, rejoint par d'autres, a commencé de se regrouper en début d'après-midi devant l'université du Caire, autre site habituel des grands rassemblements islamistes.
De son côté, la coalition de l'opposition à Mohamed Morsi a lancé elle aussi un appel "urgent" à manifester en masse en Egypte. "Le Front du salut national (FSN) lance un appel urgent à se mobiliser sur toutes les places d'Egypte en soutien à la révolution du 30 juin", a annoncé dans un communiqué son porte-parole.
Le leader des Frères musulmans arrêté
Si aucune capitale n'a qualifié de "coup d'Etat" la suspension de la Constitution et la nomination d'un président intérimaire par l'armée, Washington a demandé aux nouvelles autorités de ne pas procéder à des "arrestations arbitraires" après un vaste coup de filet contre les plus hauts dirigeants des Frères musulmans.
Mohamed Morsi, premier président élu démocratiquement du pays, et sa garde rapprochée sont détenus par l'armée. Le Guide suprême de la confrérie Mohamed Badie a été arrêté pour "incitation au meurtre de manifestants", son numéro 2 Khairat al-Chater est sous le coup d'un mandat d'arrêt et le chef du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), vitrine politique du mouvement islamiste, Saad eL-Katatni a également été arrêté.
Un haut responsable de l'armée a confirmé la détention "de façon préventive" de Mohamed Morsi, laissant entendre qu'il pourrait être poursuivi, alors que la justice le convoque lundi à un interrogatoire pour "insulte à l'institution judiciaire".
Un mort et deux blessés au Sinaï
Des affrontements entre pro et anti-Morsi avaient fait jeudi des dizaines de blessés dans le delta du Nil, après plus d'une semaine de mobilisation émaillée de violences ayant fait une cinquantaine de morts.
Au Sinaï, un soldat égyptien a été tué dans des attaques simultanées de militants islamistes qui ont tiré vendredi matin à la roquette et à la mitrailleuse sur des postes de police et militaire, a-t-on par ailleurs indiqué de source médicale. Deux soldats ont été blessés dans l'attaque d'un point de contrôle de l'armée à al-Gura, dans le nord de la péninsule.
Un poste de police et un bâtiment des renseignements militaires dans la ville frontalière de Rafah ont en outre été attaqués à la roquette, ont ajouté des sources de sécurité. L'une d'elles a précisé que des islamistes attaquaient des points de contrôle militaires et policiers dans plusieurs villes du nord du Sinaï. Les attaques n'ont pas été revendiquées.
Les islamistes radicaux se servent de la région nord de la péninsule, peu peuplée, comme d'un tremplin pour attaquer les forces de sécurité et Israël. Plusieurs islamistes ont publiquement menacé de commettre des violences en représailles.