Le score de l’UDC, le parti de la droite populiste, dimanche aux élections suisses constitue un nouveau succès pour son chef charismatique Christoph Blocher, personnalité atypique de la classe politique dont la stratégie a toujours visé un retour aux fondements de la Confédération.
Eternel électron libre, ce multimilliardaire (3,6 milliards de dollars selon Forbes), grand amateur de peinture, suisse de préférence , s’est transformé au fil des années en parrain de l’UDC, prenant ses distances avec les affaires quotidiennes mais restant celui qui en définit la ligne et les objectifs.
A 75 ans, il n’y occupe plus aucune fonction, mais il a été très engagé dans cette campagne électorale, sillonnant le pays de réunions en réunions. Alors que son parti triomphait dimanche soir , en s’emparant du tiers des sièges du Conseil national , la chambre basse du Parlement, il est resté absent, évitant de se joindre au défilé des politiques devant les caméras de télévision.
«Notre pays est dans une meilleure situation que ses voisins , en termes d’ économie , de liberté et de qualité de vie , mais notre prospérité est toujours menacée par le désir des autres partis de nous faire entrer dans l’ Union européenne . La libre circulation des personnes et le chaos de l’asile sont également au cœur de mes préoccupations», confiait-il pendant la campagne.
Hostile aux accords de Schengen , auxquels la Suisse est partie, il expliquait récemment à Lausanne dans un meeting qu’il «faut aller installer des contrôles aux frontières ; ce n’est pas fermer la frontière mais contrôler la frontière».
Lui qui dans les années 80 soutenait l’apartheid sud- africain ou militait contre l’égalité dans le couple, se veut aujourd’hui plus généreux. «Pour les personnes menacées dans leur intégrité physique et leur vie, il y a toujours la place en Suisse», a-t-il dit, en référence à la vague de réfugiés qui arrive en Europe , tout en excluant les « faux» réfugiés, poussés par des motifs économiques.
«L’UDC est perçu comme le parti qui s’occupe le plus de ça, et ils n’ avaient même pas besoin de mener campagne, parce que la campagne s’imposait d’elle- même avec cette crise migratoire», a expliqué à l’AFP Pascal Sciarini, professeur à l’Université de Genève.
«L’UDC a été assez intelligent pour modérer un tout petit peu son discours, pour ne pas être trop agressive, parce qu’il y avait quand même de la solidarité envers les migrants (...) mais un peu par anticipation du changement , on vote pour ce parti pour se protéger contre le risque d’une invasion d’immigrés», estime ce politologue. Même si la Suisse n’est pas touchée par la vague intarissable de migrants qui affluent en Europe.
- L’après Blocher -
Autre sujet de satisfaction pour M. Blocher, une de ses trois filles , Magdalena Martullo-Blocher, a été pour la première fois élue au Parlement dans une circonscription où on la donnait perdante pour avoir refusé d’y habiter et d’abandonner l’ entreprise chimique familiale d’Ems, dans le canton des Grisons , où elle a succédé à son père .
«Elle apporte l’ expérience de l’entreprise que beaucoup d’élus n’ont pas», a commenté dimanche soir le président de l’UDC, Toni Brunner.
Le parti cherche désespérément des cadres de qualité qu’il pourrait proposer pour occuper le second portefeuille de ministre auquel son score lui permet de prétendre. «Je pourrais m’imaginer assez bien Magdalena Martullo-Blocher au Conseil Fédéral (gouvernement). Mais pour elle c’est sûrement encore tôt, elle vient juste d’ arriver au Conseil National», a déclaré M. Brunner.
Il semble donc que M. Blocher devra encore attendre pour ce qui serait vu comme une revanche de l’ Histoire , lui qui avait été éliminé du gouvernement en 2004, en rupture avec les règles habituelles de la politique suisse. Il les avait tellement bousculées que le Parlement avait décidé qu’il fallait s’ arrêter là.
Un journaliste de 50 ans, Roger Köppel, rédacteur en chef de l’ hebdomadaire Weltwoche, fait maintenant un peu figure de dauphin et de maître à penser pour l’UDC.
Il a été élu pour la première fois dimanche avec 178.000 voix à Zurich , le plus grand nombre de voix de tous les élus. «C’ est la fin de la génération Blocher à Zurich», souligne lundi le Tages Anzeiger.
Dans la Weltwoche il se veut tout à la fois ferme et rassurant.
«Dans le cas peu probable de dénonciation des six accords des bilatérales (entre l’UE et la Suisse), cela ne ferait pas sauter les ponts ni rompre les amarres entre la Suisse et l’UE. Au contraire», indique-t-il.
«Coopérer, volontiers, mais pas d’alliance. En fin de compte, c’est au corps électoral démocratique, peuple et cantons suisses, de décider. Nous décidons nous-mêmes des questions essentielles pour notre existence», affirme-t-il lundi dans un éditorial.