Plus de 200 civils ont été tués dans la nuit par des bombardements à Homs selon des militants anti-régime, alors que la Russie prévoyait un «scandale» à l’ONU, le projet de résolution sur la Syrie devant être voté samedi ne lui convenant «absolument pas».

Il était difficile de confirmer l’information de source indépendante en raison des restrictions imposées à la presse étrangère, mais si le bilan des morts s’avérait exact, il s’agirait de la journée la plus meurtrière depuis le début de la révolte contre le régime du président Bachar al-Assad en mars 2011.

Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a estimé que les autorités syriennes avaient «franchi un pas supplémentaire dans la sauvagerie».

«Ce déchaînement de violence souligne l’urgence que le Conseil de Sécurité des Nations unies sorte de son silence pour dénoncer les auteurs de ce crime et ouvre la voie à la mise en oeuvre du plan politique de la Ligue arabe», qui prévoit à terme le départ de Bachar al-Assad, a-t-il ajouté.

Damas dément

Les autorités syriennes ont cependant démenti tout bombardement de leur part sur Homs, imputant ces violences à des «groupes armés», comme elles le font depuis le début de la contestation.

Entretemps, les habitants de Homs se préparaient à enterrer leurs morts. «Près de 200 martyrs seront enterrés d’ici peu dans le jardin de La liberté», a déclaré à l’AFP par téléphone Hadi Abdallah, un militant du quartier al-Khaldiyé.

«Le pilonnage a cessé ce matin, et les habitants sont sortis à la recherche des morts et des blessés enfouis sous les décombres», a-t-il ajouté, parlant de bombardements «très violents» qui «ont détruit complètement certains édifices».

Au moins 217 civils ont été tués par des tirs de mortier dans la nuit, a affirmé l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Quelque 138 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées à Khaldiyé et 79 dans d’autres quartiers, précise-t-il dans un communiqué.

Les chaînes d’information arabes Al-Arabiya et Al-Jazira ont montré des dizaines de corps sans vie jonchant les rues de Homs, un bastion de la contestation dans le centre de la Syrie.

Le Conseil national syrien (CNS), qui regroupe la plupart des courants de l’opposition, a fait état lui de 260 morts, parlant de l’un des «massacres les plus terrifiants» depuis le début de la révolte.

«Les forces d’Assad ont bombardé (…) des zones résidentielles à Homs, dont Khaldiyé et Qoussour, faisant au moins 260 morts, des civils, ainsi que des centaines de blessés, dont des femmes et des enfants», indique-t-il dans un communiqué.

Les Frères musulmans, qui font partie du CNS, ont appelé à l’ouverture d’une enquête internationale et demandé «au Croissant-Rouge et au Comité international de la Croix-Rouge, absents sur le terrain en Syrie, d’agir immédiatement pour sauver les blessés».

La Russie rejette le projet de résolution

Le CNS a exhorté par ailleurs la Russie à «clairement condamner le régime et à le tenir responsable pour les massacres».

Mais le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a déclaré que le projet de résolution sur la Syrie soutenu par les Occidentaux ne convenait «absolument pas» à la Russie.

M. Lavrov, qui s’exprimait dans un entretien à la télévision russe Rossia, a souligné avoir envoyé vendredi à la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton les changements à ce projet souhaités par Moscou. «J’espère que (le projet) ne sera pas soumis au vote», a-t-il ajouté.

Mais, intervenant ensuite à la Conférence sur la Sécurité de Munich, il a déclaré: «je ne dis pas que cette résolution est vouée à l’échec (…) Je vais en parler de nouveau avec Mme Clinton».

L’Allemagne a appelé le Conseil de sécurité de l’ONU à «condamner» les violences du régime syrien et la Turquie a estimé que l’ONU devait prendre «une position claire» à ce sujet.

Malgré plus de dix mois de violences et au moins 6.000 morts, selon les militants de l’opposition, le Conseil a été incapable jusqu’ici d’adopter une résolution sur la Syrie. Un précédent texte avait été bloqué en octobre dernier par un veto russe et chinois.

Selon des diplomates, les 15 pays se prononceront sur un texte mis au point jeudi et qui «soutient pleinement» les décisions prises par la Ligue arabe en janvier pour assurer une transition vers la démocratie en Syrie. Mais les détails de la transition ont été laissés de côté pour ne pas heurter Moscou.

A l’étranger, les violences à Homs ont suscité la colère de nombreux Syriens qui s’en sont pris à leurs ambassades, notamment au Caire où ils ont envahi les locaux à l’aube, saccagé le bâtiment et mis le feu au rez-de-chaussée.

Vendredi, des milliers de personnes à Damas et dans plusieurs villes du pays ont manifesté pour rendre hommage aux dizaines de milliers de personnes mortes il y a 30 ans à Hama (centre) lors de la répression d’un soulèvement des Frères musulmans par Hafez al-Assad, le père de l’actuel président. Plus de 30 de personnes ont été tuées dans la journée de vendredi, dont au moins seize civils.