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Entrez donc dans le « musée des erreurs » !
Entrez donc dans le « musée des erreurs » !
On dira que c'est un livre du dimanche, il était là sur l'étal du bouquiniste d'un marché de Paris. Couverture sans doute jaune pâle à l'origine, encore un peu plus pâle par les années. Albin Michel, éditeur ; année d'édition : 1928. Deux auteurs : l'un qui fut surnommé "le prince des gastronomes", l'autre fut traducteur de russe, notamment de Tolstoï. La langue étant donc une gastronomie, voilà les compères (aidés de nombreux lecteurs) partis à la très goûteuse chasse aux "barbarismes et solécismes", "fausses citations et fausses attributions", "pataphars" (joli mot que nous ne connaissions pas, un synonyme de salmigondis), "jargon journalistique", perles judiciaires, envolées des textes commerciaux, joyeusetés de style des romans-feuilletons... Nous sommes en 1928, donc. Le passé aurait-il trompé les lecteurs, ô vous lecteurs, si critiques notamment sur l'actuelle qualité des articles et de leur correction ?
Au sujet de ces perles début de (XXe) siècle, deux suppositions : soit les correcteurs étaient provisoirement aux champs (quoique... vous verrez bientôt sur ce blog que même aux champs, ils causent métier), soit on avait carrément fait l'économie de leurs services (ah bon ? est-ce possible ?). Bref, n'importe nawak.
Respectant la typo' de l'ouvrage, nous vous offrons donc un florilège de ce Musée des erreurs, vous livrant au plaisir de découvrir des pataphars ou rectifier les bourdes... et ne vous laissez pas avoir par le lyrisme de certains passages ! :
"Son acte homicide accompli, le meurtrier fuya droit devant lui..." (Gazette de Liège, 27 juin 1927)
"Certes, notre confrère Louis Forest a parfaitement raison de s'élever, dans l'Animateur des temps nouveaux, contre notre manie d'anglicaniser la langue française" (Le Rappel, 22 janvier 1927)
"Voici venir l'hiver, hostile aux pauvres gens !" (Le Journal, 17 octobre 1926)
"Hier matin, H. R., partit pour Paris, laissant sa jeune femme couchée, car depuis huit jours, elle était atteinte de fièvre aphteuse" (Le Journal, 22 juillet 1928)
"Cinq ou six messieurs ont oublié cette Société (des nations) et ont essayé de créer un triumvirat" (Le Temps, 22 mars 1926)
"Une jeune revue vient précisément de se fonder dans la patrie de Heredia, à l'île Maurice" (Les Nouvelles Littéraires, 27 février 1927)
"Lauzun, le beau Lauzun, se présente à l'histoire surtout comme un compagnon de La Fayette dans la lutte pour l'Indépendance américaine (...)" (L'Illustration, 9 octobre 1926)
"Avait-elle le droit de tuer au vol les mots d'amour, comme on détruit les papillons multicolores parce que demain, ils se transformeront en chenilles voraces ?" (Le Mendiant dans la Cour, conte publié par la Mode du Jour, du 20 janvier 1927)
"Rue de Rivoli, Mlle Antoinette Dondardi, 27 ans, de nationalité corse, demeurant rue Berzélius, est renversée par une auto" (dans L'Intransigeant, 15 juin 1927)
"Si Léon Cladel était né dans les Pyrénées-Orientales, sa prose aurait eu les replis argentés de l'eau grondante et écumeuse du gave de Pau. C'est simple, mais encore fallait-il y penser" (Le Canard Enchaîné, du 1er juin 1927)
"La belle fille devint pourpre comme un beau Château Yquem" (Francis Jammes, Revue Universelle, 15 février 1928)
"Je fus assise au dîner à la droite du prince de Galles, à ma gauche était l'ambassadeur d'Autriche" (Yvette Guilbert, la Chanson de ma vie, P. 222)
"Clermont-en-Argonne. – La jolie église Saint-Didier, du XVIe siècle (mon. hist.) quoique incendiée, subsiste en entier, malgré l'effondrement des voûtes" (Guides bleus, édition 1923, p. 213)
"Le talent de Madame Judic est comparable à de la mousse de champagne : n'y portez pas le scalpel, vous ne trouveriez plus que de la cendre" (Paul de SAINT-VICTOR)
"Sur le port, la foule plus nombreuse est accourue et les fenêtres sont pleines de curieux maintenus à distance par la troupe" (Excelsior, 31 mars 1927)
"Elle venait de se suicider dans son domicile en se sectionnant les poignets avec un rasoir, et en se tirant ensuite un coup de fusil de chasse" (Le Petit Parisien, 10 avril 1926)
"Aussi nos divisions sont-elles réduites à l'état d'un squelette dont les os percent la peau" (compte-rendu d'un débat à la Chambre des députés, 19 déc. 1925)
Un restaurant de Monaco affiche : "Bouillabesse vivante"
"Il y a là contradiction flagrante avec les déclarations du sourd-muet, qui prétend avoir assommé sa belle-mère avec une barre de fer ; on a des doutes aussi sur l'existence du deuxième sourd-muet dont le meurtrier a parlé" (Le Journal, 16 mars 1926)
Un avocat : "Hélas ! Messieurs, dans cette affaire mon client été plumé comme un lapin"
"Le misérable se précipita sur l'enfant. Il lui saisit la tête, lui en vida le contenu dans la bouche, et le pauvre petit retomba suffoqué" (Alexis BURNIER)
"Mais le choc même d'une réalité horripilante n'est-il pas moins mauvais que l'agacement des efforts soutenus pour en retarder l'effet ?" (C. de BUSSY, les Ecueils du bonheur)
"Triomphante, elle rompait de son pied cette épée de Damoclès suspendue sur sa tête" (Gabriel MARTIN : Margarett, p. 171)
"La place que la Bretagne occupe au centre de l'Europe la rend beaucoup plus curieuse à observer que le Canada" (H. de Balzac, les Chouans)
"Le seul moyen efficace de combattre le chômage, c'est de donner du travail aux chômeurs" (D'un discours de M. FALLIÈRES, ministre du Travail)
"Lorsque sur un sol vierge et nu, l'on ne voit aucun ennemi, c'est qu'il n'y en a pas" (De la Revue Militaire Française, 1er mai 1927)
Quoique... si nous pouvons nous permettre.
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