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    Podemos, "oui, nous pouvons !"

    Et si la bonne réponse aux populismes d'extrême droite était à chercher du côté de ces revitalisations de la démocratie représentative ? Et s'il était temps de dire, en France aussi : « Oui, nous pouvons » ?
     
    Fernando Alvarado/SIPA

    Les idées changent le monde. Ou, au moins, le rendent meilleur. C'est ce que démontre la success story des jeunes universitaires espagnols qui ont fondé le parti Podemos. Leur fraternité militante a une histoire qui se déploie depuis quinze ans sur deux continents, de Madrid à La Paz en passant par Buenos Aires. La voici restituée par plusieurs livres d'enquête ; celui de l'historien Christophe Barret se distingue par son approche : raconter Podemos au travers de ses choix idéologiques et doctrinaux.

    Derrière le débraillé créatif et l'anarchisme de Pablo Iglesias et de ses amis, on ne trouve pas une ribambelle de spin doctors, de hauts fonctionnaires ou de spécialistes de gestion de l'image, mais... des philosophes. Comme le rappelle l'auteur, le programme de rupture de Podemos « est la traduction d'un immense espoir qui s'étend bien au-delà des frontières de la gauche ». Et pour cause : « Héritiers de la tradition marxiste, les dirigeants fondateurs de Podemos entendent assumer leurs responsabilités, en suivant le modèle des expériences proposées par l'Amérique latine d'un "patriotisme" au service des "gens". » Patriotisme au service des gens ? Le mentor principal de Podemos n'est pas par hasard un philosophe argentin du nom d'Ernesto Laclau. Disparu l'année dernière, Laclau, lecteur assidu de Gramsci, a coécrit il y a trente ans un livre avec sa femme, la philosophe belge Chantal Mouffe, Hégémonie et stratégie socialiste. Leur thèse : les échecs de l'expérience soviétique et l'émergence de nouveaux mouvements sociaux ont aggravé, depuis les années 70, la crise de la gauche. Pour la surmonter, il faut poser la seule question qui vaille : les « catégories du marxisme » correspondent-elles aux enjeux contemporains ?

    Face au tournant néoféodal du capitalisme et au verrouillage de la cage d'acier austéritaire, Podemos a préempté le débat. En invitant les Espagnols à revisiter une intuition centrale de Laclau et de sa femme : l'urgence de redonner au peuple, « pensé dans un cadre national, une nouvelle unité, afin de contrer les profondes inégalités générées par un pouvoir économique, politique, culturel et médiatique écrasant ». L'un des leaders de Podemos, le politologue Inigo Errejon, s'est d'ailleurs fait le champion d'un « projet politique d'irruption plébéienne ». Inspiré par Laclau, il a théorisé le remplacement de l'alternance gauche-droite par la confrontation bas-haut, d'une grande capacité inclusive.

    Irruption plébéienne, défi lancé aux poderosos, aux puissants... Et si la bonne réponse aux populismes d'extrême droite était à chercher du côté de ces revitalisations de la démocratie représentative ? Et s'il était temps de dire, en France aussi : « Oui, nous pouvons » ?

    >> Podemos. Pour une autre Europe, de Christophe Barret (Cerf, 19€)


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