• ESPAGNE : Vive l'union des travailleurs précaires !

    ESPAGNE : Vive l'union des travailleurs précaires !

    S'inspirant de la lutte anti-expulsion menée en Espagne, le collectif Juventud Sin Futuro (Jeunesse Sans Avenir) et le mouvement des Indignés mettent sur pied des outils pour combattre le travail informel et dénoncer les exploiteurs.

    04.05.2012 | Pilar Alvarez | El País


     

     Manifestation d'Indignés à Valence. AFP Photo/Jose Jordan 

    Manifestation d'Indignés à Valence. AFP Photo/Jose Jordan

    Rita prend le micro et commence à raconter son parcours. Etudiante en sciences politiques, cette jeune femme de 24 ans vit chez ses parents et n'a pas cessé d'aligner les emplois précaires : hôtesse d'accueil, professeur d'italien en soutien scolaire, vendeuse, serveuse à 5 euros de l'heure... Face à elle, une centaine de personnes rassemblées sur la place du 2 Mai, dans le quartier de Malasaña [à Madrid]. Parmi la foule, des chômeurs, des travailleurs, des grands-parents, des parents, leurs enfants. Certains ont atterri ici juste après la manifestation du 1er mai, d'autres l'ont boudée parce qu'ils ne s'y sentaient pas représentés. Assise sur les escaliers, Rita présente le projet que son association mûrit depuis des mois : la oficina precaria [le bureau précaire].  "L'une des armes des puissants, c'est la peur", explique la jeune femme. Et contre la peur, rien de tel que le fait de témoigner, de dénoncer ces situations. "Nous voulons rendre visibles les lieux où s'exercent les conflits du travail", annonce-t-elle. Cette proposition s'inspire de l'idée du collectif Stop aux expulsions, une organisation associée au 15-M [mouvement des Indignés] et à d'autres mouvements sociaux. Leur démarche: soutenir les familles en instance d'expulsion juste avant l'arrivée du juge et alerter les réseaux sociaux.

    C'est un peu le même principe pour oficina precaria, sauf qu'en l'occurrence le bureau s'adresse aux travailleurs précaires, à ceux qui n'ont jamais vu un contrat de travail. "La plupart des gens que je connais n'ont jamais entendu parler de convention collective", commente Rita. Et la liste est longue : boursiers sur des postes de permanents "à 200 euros", faux indépendants, travailleurs temporaires dans l'illégalité...  Lancé par le collectif
    Juventud sin Futuro [Jeunesse sans avenir], le projet est ouvert aux assemblées de quartier du 15-M. Un site Web (www.oficinaprecaria.net), un compte Twitter (@ofiprecaria) et une adresse électronique (oficinaprecaria@gmail.com) ont été créés. "Nous voulons entendre vos propositions, lance l'étudiante. L'outil doit encore être rodé, mais il fonctionne".

    En l'espace d'une semaine, oficina precaria a déjà reçu plusieurs témoignages "qui semblent venir tout droit du XVIIIe siècle". Rita raconte, sans entrer dans les détails, le cas d'une personne qui travaillait dans un petit bar. La première semaine, "à l'essai", elle n'a rien touché. La deuxième, elle a travaillé à temps complet pour 2,5 euros de l'heure. Elle a fini par partir en lançant une bordée d'injures et de menaces, après avoir demandé qu'on lui montre son contrat. Aujourd'hui, les membres du collectif attendent le feu vert de l'intéressée pour protester devant le bar ou révéler l'affaire sur les réseaux sociaux. "Il n'est pas question de mettre qui que ce soit dans l'embarras, souligne Rita. S'ils ne veulent pas que nous intervenions, nous ne le faisons pas". Le nouveau bureau, installé dans un squat du Patio Maravillas (rue Pez), propose un conseil juridique gratuit et des outils pour dénoncer les abus. Il offre aussi la possibilité de créer des emplois en coopérative.

    Sur le même escalier, avec le même micro, Abel Martínez présente un autre versant du projet : D comme droits. "Nous voulons obtenir la reconnaissance des boursiers sur le marché du travail, ou revendiquer la hausse du salaire minimum", fait-il valoir.  Ignacio Martín, un avocat de 24 ans, est lui chargé du conseil juridique. "Nous essayons d'agir là où les syndicats majoritaires n'interviennent pas, résume-t-il. Nous ne craignons pas les licenciements, parce qu'on ne peut même pas nous licencier". Lui aussi a été un travailleur précaire payé 2 euros de l'heure dans une boutique de livraison de pizzas, ou secouriste sans brevet dans une piscine. Le dernier volet de la proposition de oficina precaria, c'est la multiplication : il faut que chacun monte son propre bureau. "Nous voulons que l'initiative fleurisse ailleurs", plaide Rita. Dans d'autres quartiers, d'autres villes, d'autres entreprises. L'avenir dira si le succès est au rendez-vous.

     


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