Le tollé général suscité par les dernières « révélations » de l’informaticien Edward Snowden est assez étonnant. L’espionnage d’Etat à Etat est somme toute assez classique, on ne découvre pas les micros en 2013. Cela indique simplement que les Etats-Unis n’arrivent plus à protéger leurs sources, or nous le savions déjà depuis l’affaire Wikileaks. Et pourtant, les Verts et Jean-Luc Mélenchon demandent l’asile politique pour Snowden quand le président du Parlement européen, Martin Schulz et le président de la République, François Hollande, s’offusquent de cet espionnage.
L’argument qui consiste à être choqué par un espionnage émanant pays « allié » est également étrange. En 2003, la France a pris la tête des pays hostiles à une intervention en Irak. On imagine bien que les Etats-Unis aient alors tenté d’espionner la représentation française à l’ONU et inversement.
Qui pour protéger les citoyens ?
Que les politiques s’offusquent de l’espionnage de représentations diplomatiques ou d’institutions, très bien, mais pourquoi le faire en pleine négociations sur le traité de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis ? Par ailleurs, personne ne s’est offusqué le 9 juin, au moment des premières révélations, bien plus graves, concernant la mise au jour d’un système d’espionnage de millions de citoyens. Au-delà du sort d’Edward Snowden, que personne ne proposait d’accueillir à ce moment-là, se pose la question de la protection des citoyens. Les dirigeants sont aujourd’hui dans une espèce de deux poids, deux mesures, s’indignent quand il s’agit d’institutions ou d’ambassades mais ne réagissent pas quand il s’agit des citoyens qui élisent les gouvernements qu’ils dirigent.
Aujourd’hui, n’importe quel citoyen qui possède un compte Facebook, effectue une recherche Google ou téléphone à ses amis peut être espionné par la NSA ou d’autres agences à travers le monde. Au lieu de demander un asile pour Snowden, les politiques devraient plutôt formuler des propositions sur ces sujets.
Edward Snowden est loin d’être perçu comme un défenseur de la liberté d’expression aux Etats-Unis
Edward Snowden n’est pas du tout perçu comme un défenseur de la liberté d’expression aux Etats-Unis. Choisir Hong-Kong et la Russie pour se réfugier ne l’a pas aidé et est quelque peu étrange. S’il avait souhaité se poser en opposant politique il aurait dû le faire en toute transparence, en expliquant aux Américains pourquoi avoir fait ces révélations. S’il avait eu le courage de le faire depuis les Etats-Unis, beaucoup de citoyens américains auraient rallié son combat et le pourcentage de gens qui disent aujourd’hui « on préfère la sécurité plutôt que la vie privée » ne serait peut-être pas le même.
Faire ces révélations et partir de l’étranger s’assurer le soutien de dirigeants qui font office d’adversaire des Etats-Unis sur le plan mondial, pour certainement finir en Equateur, chez Rafael Correa qui se rêve en Chavez d’Amérique latine, n’est pas de nature à faire de Snowden un héros aux Etats-Unis.
Et pourtant, il pourrait être à la pointe des nouveaux combats à mener pour les droits de l’homme au XXIe siècle, contre les immixtions arbitraires dans les correspondances privées. Lorsque l’on sait qu’il y a eu plus de données créées et recueillies au cours des deux dernières années que dans toute l’histoire de l’humanité, il s’agit évidemment d’un sujet primordial.