La France, homme malade de l’Europe… Jusqu’ici, on employait cette expression pour caractériser – de manière polémique – la situation économique du pays. Depuis le résultat de ce dimanche, elle désigne aussi sa situation politique. La vague nationaliste qui frappe le continent trouve dans notre pays, avec le Front national, son expression la plus agressive.
C’est un parti anti-européen, anti-immigration, décidé à rétablir la peine de mort, qui veut déchirer les traités sur le droit d’asile, rejeter les accords de Schengen sur la libre circulation et fermer les frontières qui vient d’arriver en tête d’un scrutin national. Cet événement considérable macule d’une tache brune la réputation de la France dans le monde ; il jette une lumière crue sur la santé de notre société.
Parler aux peuples plus qu’aux marchés
Les causes de cette percée ont été depuis longtemps répertoriées : une Europe lointaine, désincarnée et vouée à l’austérité ; une crise sans fin qui souligne année après année l’impuissance de la classe politique ; une classe dirigeante perdue dans les délices de la finance débridée et incapable de comprendre que la mondialisation dont elle tire tant d’avantages détruit les repères et les protections sur lesquels les peuples croyaient compter ; un pouvoir de gauche qui a mis deux ans à choisir la réforme et qui paie maintenant, simultanément, le prix de son indécision et celui de ses choix tardifs et difficiles.
Le choc est terrible. Sera-t-il salutaire ? La responsabilité, comme il est normal, incombe aux responsables. L’Europe doit réagir en menant une politique qui parle aux peuples plus qu’aux marchés ; le gouvernement doit s’attacher sans relâche aux réformes qu’il a promises, tout en épargnant autant qu’il le peut la peine des classes populaires ; le président doit incarner cette voie difficile et donner, par le verbe et l’action, un sens aux efforts qu’il demande. La classe dirigeante française, finalement, doit retrouver un minimum de sens civique pour relancer une économie engluée dans la stagnation et retrouver un semblant de patriotisme. On dira que c’est beaucoup demander. Certes. Mais sans ces changements radicaux, le score du Front national ne peut qu’augmenter
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