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Glucksmann et le vrai "crime" de Soljenitsyne, par Jean Daniel
Glucksmann et le vrai "crime" de Soljenitsyne, par Jean Daniel
<article><header>En 1975, Jean Daniel salue dans les colonnes du Nouvel Observateur la sortie de "La Cuisinière et le Mangeur d'Hommes", un "fiévreux pamphlet philosophique" écrit par "un jeune philosophe maoïste".
</header>André Glucksmann (1937-2015). (©Baltel/Sipa)<aside></aside><aside id="js-article-inside-art"><section></section></aside></article><aside id="js-article-inside-art"><section>
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< >Le testament philosophique d'André GlucksmannAndré Glucksmann par Michel Foucault PHOTOS. André Glucksmann, un pourfendeur du totalitarismeUn livre suscite en ce moment, des passions jusque-là encore souterraines comme si on redoutait leur explosion : c'est celui d'un jeune philosophe maoïste, André Glucksmann. Le livre s'intitule "la Cuisinière et le Mangeur, d'hommes". C'est un fiévreux pamphlet philosophique et politique à partir de l'expérience de Soljenitsyne. C'est le fruit de la solitaire décision d'un homme déterminé à poursuivre jusqu'au bout sa pensée, à en assumer les conséquences et qui agit en provocateur innocent.
Je ne suis pas d'accord avec Glucksmann. Je ne crois pas, c'est la thèse essentielle, du livre, qu'il faille chercher dans Marx et le marxisme, l'origine unique des camps de concentration. Je crois en outre à la pluralité des virtualités marxiennes : certaines contenaient autre chose que ce qu'en ont fait les héritiers.
En tout cas, rien ne devrait nous faire oublier notre dette à l'égard de l'un des plus grands penseurs des temps modernes. Il reste que le livre de Glucksmann est l'un de ceux qui m'ont le plus poursuivi après l'avoir lu, qui m'ont incité à réfléchir, inventorier, retourner aux sources, relire Soljenitsyne, Lénine et Marx, réinterpréter la réalité. De cela je lui suis infiniment reconnaissant.
Je souhaite qu'il ne se trouve pas des chiens de garde de l'Université et de la bourgeoisie stalinienne pour estimer que, chaque fois qu'on prétend "dépasser Marx", on sombre dans le fascisme. Je souhaite qu'on ne voie pas dans Glucksmann l'un de ces initiateurs des modes parisiennes qui fatiguent vite les premiers initiés parce qu'ils craignent d'en devenir prisonniers. Il y a des pages dans Glucksmann que j'aurai voulu avoir écrites et des citations que j'aurais voulu avoir l'idée de faire.
Quant à ceux qui croient pouvoir relativiser son témoignage en le remettant dans une tradition française qui serait incapable d'intégrer le marxisme, je leur conseille un autre livre, "le Marxisme introuvable", de Daniel Lindenberg, qui vient de paraître chez Calmann-Lévy. Ils verront qu'aucun des penseurs cités dans ce livre n'a eu à affronter un choc comme celui que procure Soljenitsyne. C'est en quoi le livre de Glucksmann est original. On peut- il faut- le discuter, même violemment, mais non l'ignorer. Selon nous, ici, Bernard-Henri Lévy ne le discute, pas assez. Mais c'est peut-être parce qu'ailleurs, et surtout à gauche, on l'ignore trop.
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