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Goodyear : pourquoi la CGT est montrée du doigt
L'entrée de l'usine Goodyear d'Amiens, le 31 janvier 2013 (Photo Francois Nascimbeni. AFP)Direction, gouvernement et syndicats concurrents pointent la responsabilité du syndicat majoritaire dans la situation de l'usine. «Fort de café», réagit un cadre cégétiste.
A qui la faute du projet de fermeture de l'usine Goodyear d'Amiens ? Pour les uns, à une direction coupable de mauvaise gestion. Pour les autres, à un syndicat majoritaire, la CGT, qui a fait échouer les précédents plans de réorganisation de la production. Interrogé à ce sujet vendredi, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a refusé de trancher : «La direction et [la CGT] portent une responsabilité dans ce qui se passe, (...) à part égale. On voit bien que quand il y a des dogmes, et pas de volonté de sauver l’emploi, on va dans le mur».
Entre 2008 et 2011, le syndicat majoritaire a refusé le passage aux «4x8», un système jugé insoutenable pour les salariés, avant d'obtenir la suspension en justice de deux plans sociaux prévoyant la suprression de 402 puis 817 emplois. En 2012, il accepte finalement un plan de départs volontaires assorti d’une reprise de l’activité «pneus agricoles» par le groupe industriel Titan. Mais fait bientôt volte-face, exigeant plus de garanties sur l'emploi de la part du repreneur, qui finit par se retirer.
«Que la CGT mette de l'eau dans son vin»
Goodyear ne se prive donc pas d'insister, depuis l'annonce d'hier, sur ces «cinq années de négociations», et d'en attribuer l'échec à la mauvaise volonté syndicale. «Que chacun se regarde désormais dans le miroir et prenne ses responsabilités», a déclaré hier le directeur général de Goodyear France, Henry Dumortier. Une communication sans surprise de la part du groupe. Mais, outre Laurent Berger, d'autres parties prenantes sont jointes à la critique de la CGT.
Critique mesurée, mais explicite de la part d'Arnaud Montebourg, jeudi, qui souhaite remettre «tous les acteurs autour de la table» de négociation : «Nous souhaitons que la CGT mette de l’eau dans son vin, que la direction mette du vin dans son eau, et que Titan boive le vin et l’eau des deux», a expliqué le ministre du Redressement productif.
Critiques plus marquées de la part de certains délégués syndicaux locaux. Délégué de Sud-Chimie, Virgilio Motta da Silva voit dans l'échec du plan de départs volontaires une occasion manquée. «On s'était opposés au passage aux quatre-huit, car ce rythme n’est pas vivable pour les salariés. Mais j’ai le sentiment qu’on a manqué quelque chose avec le plan de départs. Il y avait des possibilités de départ à 56 ans, des primes entre 100 000 et 200 000 euros. Mais sitôt que Sud a commencé à élaborer des revendications sur cette base, la CGT nous a traités de tous les noms».
Rupture
«Je trouve fort de café de renvoyer dos à dos la direction, qui décide de la fermeture, et les représentants des salariés, qui sont là pour protéger les emplois, réagit Emmanuel Lépine, secrétaire fédéral de la CGT Caoutchouc. Nous soutenons l'action de notre section locale, qui s'est battue pendant cinq ans, avec pour résultat que ces emplois existent toujours cinq ans plus tard. Nous avons toujours soupçonné Titan de vouloir prendre le carnet de commande et l'expertise de Goodyear Amiens, pour délocaliser la production ensuite. Si demain, ils reviennent à la table des négos avec un plan à horizon cinq ans, la CGT sera prête à discuter comme par le passé».
Quant aux accusations de la CGT, Emmanuel Lépine rétorque : «Si depuis cinq ans s'appliquaient les accords sur l'emploi signé récemment par la CFDT, le site d'Amiens n'existerait plus. Recevoir des leçons de la part de gens qui acceptent de faire subir aux salariés les effets de la crise, ça me semble vraiment particulier».
La tension entre CGT et CFDT, qui incarnent deux pôles opposés du syndicalisme français, s'est déjà manifestée à l'occasion de ces accords sur l'emploi, que le CGT n'a pas signé, ainsi qu'au sujet du conflit social en cours à l'usine PSA d'Aulnay. Ce vendredi toujours, Laurent Berger a d'ailleurs condamné les «méthodes» de la CGT, accusée de violences sur le site et de pressions sur les salariés non-grévistes.
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