François Hollande l’a dit mardi 7 juillet, au terme du sommet européen de Bruxelles : « La France fera tout pour que la Grèce reste dans la zone euro, elle ne ménagera pas sa peine jusqu’au bout pour trouver un accord. » Vendredi 10 juillet, il a été l’un des premiers chefs d’Etat européens à réagir aux propositions grecques aux créanciers, les qualifiant de « sérieuses et crédibles » et appelant à reprendre les discussions « avec une volonté de conclure ». Depuis des semaines, Paris se démène pour éviter un « Grexit », faute d’avoir pu trouver un terrain d’entente avec ses créanciers. Au point de s’impliquer au plus près des négociations.
Selon plusieurs médias étrangers, dont The Guardian ou Politico, la France a participé à la préparation des propositions qu’Athènes a remises jeudi soir, avant leur examen, samedi, par les ministres des finances de l’Eurogroupe et le nouveau Conseil européen prévu à Bruxelles, dimanche 12 juillet. Ce que l’exécutif se refuse à confirmer.
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Selon nos informations, des hauts fonctionnaires de la direction du Trésor et de la délégation française à Bruxelles ont planché discrètement aux côtés des négociateurs grecs, sous haute surveillance de l’Elysée. « Des fonctionnaires se sont mis à disposition de la Grèce pour donner un coup de main, dès le début de la phase aiguë de la crise, concède un conseiller ministériel. Ce sont les Grecs qui tiennent la plume, mais ils se servent de nous comme d’un sparring-partner. »
« L’idée n’est pas de dicter aux Grecs ce qu’ils doivent écrire, mais de leur donner des conseils pour faire des propositions de réformes qui soient acceptables par le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne, confirme un autre responsable proche du dossier. Cela revient à leur dire par exemple : attention, telle proposition sur la TVA ou les retraites ne pourra pas passer, telle autre oui. » Avec un objectif : que le plan présenté par M. Tsipras ne soit pas rejeté comme précédemment.
Si elle n’est pas endossée par l’Elysée, cette coopération est d’autant moins tenue secrète qu’elle constitue une pièce de plus dans le tableau que François Hollande entend brosser de lui depuis le début de cette crise grecque : celui d’un facilitateur prêt à tout pour rapprocher des protagonistes irréconciliables. « Le président a fait un choix stratégique : tout faire pour obtenir un accord, rappelle un de ses proches. Au-delà du travail de facilitation qui a permis à l’hypothèse d’un accord de redevenir envisageable, on a fait le choix d’agir en coulisse pour aboutir à des propositions crédibles et susceptibles d’être acceptées. On aide beaucoup à ne pas commettre d’impair symbolique. »
Progresser en terrain hostile
En clair : apporter une assistance technique aux négociateurs grecs pour les aider à progresser en terrain hostile face à Berlin et au FMI. Le rôle joué par la France est d’ailleurs un secret de Polichinelle à Bruxelles. Depuis le début des négociations en juin, des observateurs de la Commission ont constaté à plusieurs reprises que des documents présentés par Athènes lors de réunions de travail étaient en plusieurs points similaires à ceux présentés par Paris.
La Commission elle-même a aidé pendant des semaines le gouvernement grec, peu rompu aux subtilités technocratiques et juridiques de l’univers bruxellois. Mais depuis le référendum organisé par M. Tsipras et la victoire massive du non, elle s’est mise en retrait. Résultat, comme de nombreux pays européens de la zone euro sont désormais décidés à sanctionner la Grèce, la France reste seule à vouloir encore l’aider. Au point d’agacer ses partenaires européens qui se plaisent à exagérer le rôle de la France pour illustrer le fait que les Grecs seraient incapables de travailler seuls.
« Paris est totalement juge et partie, s’énerve une source européenne qui voit dans l’attitude française une forme d’ingérence. « Ce n’est pas de l’ingérence, c’est normal que la France aide la Grèce puisque la France ne veut pas que la Grèce sorte de la zone euro, explique une source française proche des négociations. C’est bien pour les Grecs parce que ça leur apporte une expertise qu’ils n’ont pas forcément, et c’est bien pour la France parce que cela montre qu’elle est au centre du jeu. »
L’obstination présidentielle en la matière semble d’ailleurs n’avoir plus de limites. M. Hollande ne s’occupe plus que de cela, il a encore eu M. Tsipras et Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, jeudi 9 juillet, au téléphone. « Il passe des heures avec les uns et les autres pour tisser des fils. Je n’ai jamais vu la France aussi impliquée dans un deal qu’à l’heure actuelle », glisse-t-on à l’Elysée, certain que « ce qui était devenu impossible, aujourd’hui redevient possible ».
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