Chirurgiens des cliniques et internes des hôpitaux publics, qui s'estiment stigmatisés par le gouvernement et récusent l'accord sur les dépassements d'honoraires, sont en grève à partir de lundi 12 novembre, avec le risque de voir de nombreux blocs opératoires fermés. Le mouvement de grève doit se poursuivre au moins jusqu'à mercredi, quand aura lieu une grande manifestation devant le ministère de la santé.
Interrogée sur ce mouvement inhabituel, la ministre de la santé, Marisol Touraine, a souligné dimanche que la grève concerne "principalement les chirurgiens dans les cliniques privées" et que les grévistes "ont prévenu leurs patients". Par ailleurs, "les hôpitaux seront tout à fait à même d'accueillir les malades", a-t-elle assuré.
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L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui regroupe 37 établissements, indiquait pour sa part que "certains services ont prévu de déprogrammer des activités, notamment des interventions chirurgicales", mais que les urgences seront assurées, au besoin par la réquisition de médecins.
"MA PORTE EST OUVERTE"
La grève des chirurgiens libéraux, à l'initiative du Bloc, syndicat majoritaire chez les spécialistes de bloc opératoire, concernait 70 % des cliniques privées, soit environ 700 établissements, selon la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP). A l'origine du mouvement, l'accord encadrant les dépassements d'honoraires, signé le 25 octobre sous la pression de Marisol Touraine et signé par les trois premiers syndicats de médecins libéraux, généralistes et spécialistes (CSMF, SML, MG France). Le Bloc réclame un plafond de dépassements plus élevé pour les chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens.
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La ministre de la santé, Marisol Touraine, a affirmé lundi qu'elle était prête à "regarder" la question du prix des assurances professionnelles des médecins. "On peut regarder comment peser sur les assurances que contractent les chirurgiens", qui sont de plus en plus chères, a indiqué Mme Touraine, interrogée sur i-Télé, tout en soulignant "qu'il y a d'ailleurs peu de procès, beaucoup moins que ce que l'on imagine".
A la question de savoir si l'accord sur les dépassements d'honoraires, signé au forceps fin octobre, était renégociable, Mme Touraine a répondu : "C'est un bon accord (...) qui permet d'abord d'encadrer, c'est-à-dire d'interdire les dépassements abusifs". "Tous les syndicats m'ont dit qu'ils en avaient assez des pratiques de 5 % des médecins qui jettent le discrédit sur l'ensemble de la profession", a-t-elle poursuivi, estimant que le "plafond (fixé par l'accord) n'est pas si bas que cela". Un tarif sera jugé excessif quand il dépassera 2,5 fois le tarif de la Sécurité sociale. Pour autant, a-t-elle ajouté, "ma porte est ouverte" et "je souhaite que les discussions puissent être menées".
Quant à la question du remboursement des actes par la Sécurité sociale, elle a souligné que "les actes n'ont pas (été revalorisés) depuis des années". "Je ne vais pas en quelques semaines, en quelques mois, compenser ce qui n'a pas été fait en dix ans, en quinze ans, en vingt ans", a expliqué la ministre.
"MANQUE DE RESPECT"
Mais au-delà, à en croire la colère qui s'exprime sur les réseaux sociaux, les médecins veulent prévenir le risque qui existe, selon eux, de voir disparaître la médecine libérale. Le mouvement s'est fédéré dans l'Union française de la médecine libre (UFML), présidée par un généraliste de Haute-Garonne, le Dr Jérôme Marty de Fronton. "Le mouvement est immense. (...) Cette profession [fait face à] un manque de respect mais ça a été amplifié par notre ministre", a-t-il dit.
Lundi, les hôpitaux aussi seront affectés par une grève des internes en médecine. A l'appel du syndicat des internes Isnih et de celui des chefs de clinique Inscca, ces futurs médecins ont choisi d'organiser leur propre mouvement. Attachés aux dépassements d'honoraires, les internes insistent aussi sur la détérioration de leurs conditions de travail. Ils défileront lundi de la gare Montparnasse au ministère de la santé (7e). Dimanche, Mme Touraine a voulu rassurer les internes en rappelant que, malgré les "rumeurs", le gouvernement "n'a pas la moindre intention de remettre en cause la liberté d'installation des médecins".
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