• HARCELEMENT MORAL : ZONE DE NON-DROIT

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    HARCELEMENT MORAL : ZONE DE NON-DROIT
    17 avril 2013 7 h 02     lien
    Par Zora El Hajji
    © nathalie logié-manche

    © nathalie logié-manche

    Calomnie, menaces et tortures mentales sont l’ordinaire des victimes du harcèlement moral au travail. Beaucoup de pays ont légiféré sévèrement sur ce terrorisme psychologique. Le Maroc pas encore.

     

    « Insultes, dénigrement et coups bas. C’est ce que je reçois en guise de primes », se plaint Nasma, assistante de direction. « Quand ce n’est pas en public, c’est par mail. Toutes les raisons sont bonnes pour m’humilier. Ghadi njef bik lard ! Mon boss me réduit à l’état de serpillière. » La panoplie du harceleur est large. Subtile mise au placard, délicate atteinte à la dignité, perfidies ou rapports de force gratuits, le harcèlement moral est protéiforme et d’autant plus complexe à définir. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ce phénomène violent est encore aujourd’hui une réalité trouble dans le droit marocain. Malgré les progrès économiques et sociaux plus ou moins significatifs, l’immobilisme juridique est affligeant. « Le Code pénal, datant du protectorat, reste très silencieux sur le sujet », explique Me Zahia Ammamou, avocate. Ainsi, les articles 40 et 532 du Code du travail énoncent le harcèlement moral sans le définir avec précision.

     

    Face à cette définition gruyère, le harcèlement moral au travail ou mobbing, n’en prospère que mieux, avec l’appui de l’omerta, cette diabolique loi du silence. Les autres voient et se taisent. Le harcelé est seul. « On entend souvent parler du harcèlement moral, mais on ne le comprend que lorsqu’on en est soi-même la victime. On est seul face à un détraqué qui veut vous pourrir la vie », explique Nadia, chef de publicité.

     

    Casser la résistance 

     

    Le harceleur a sans doute les prédispositions du maton ou du bourreau. Mais quels motifs le poussent au harcèlement moral ? Il est exercé pour exclure, casser la résistance, assouvir un plaisir pervers, par jalousie ou bien parce que l’on se sent soi-même menacé. Le harcèlement moral prend plus facilement racine dans un contexte économique propice aux rivalités et à la compétition : pression, management par le changement, course à la performance…

     

    Le harceleur n’est pas nécessairement un homme : le vice est unisexe. Il n’est pas nécessairement non plus le chef hiérarchique. Amina, responsable
    commerciale, parle de sa situation avec « un aliéné de collègue, qui se croit encore au Moyen-âge. Réprimandes quotidiennes, blagues sexistes avec les collègues masculins et mises à l’écart sur des dossiers jugés trop gros pour une femme. Voilà ce à quoi j’ai à faire ». La femme reste néanmoins la plus
    touchée par le fléau, dans une société encore très patriarcale. « Outre le côté machiste du phénomène, la femme est également victime de son éducation de silence et d’encaissement », explique Me Ammamou. Elle se voit comme poussée à subir pour le bien-être de son entourage. Skout, sber, machi mouchkil… Il n’y a pas de problème. Après tout, rien n’est grave. Pas même l’humiliation d’une vie professionnelle ordinaire.

     

    Ne féminisons pas pour autant la maladie. Les hommes n’échappent pas complètement à cette nécrose. « Mon supérieur souffrait d’une flopée de complexes dont je faisais les frais », explique Tarik, attaché commercial. « Plus je prenais d’initiatives, plus il m’opprimait. Il n’acceptait pas qu’un jeune ait une vision différente et une méthode plus progressiste ». Lorsque la hogra se mêle à la hchouma, il est difficile de stopper la gangrène.

     

    La démission comme seul recours

     

    Dépressions, crise de nerfs et foyer familial en ruine sont autant de conséquences du harcèlement moral. « Il m’est arrivé de recevoir des réclamations d’employés qui se plaignaient de l’acharnement de leurs supérieurs. Ces plaintes se soldent souvent par des certificats médicaux et des démissions. Je tente d’intervenir par le biais de dialogues ou d’avertissements lorsque le cas est grave. Mais il faut avouer que le harcèlement moral est aussi difficile à définir qu’à déjouer », explique Aziz B., DRH d’une grande structure dans le secteur privé. Si la loi est floue en regard du mobbing, elle comporte aussi un autre hic : la victime doit apporter la preuve d’un délit.

     

    En clair, le recours est difficile, quand il n’en devient pas impossible. Au Maroc, un recours à la tentative de conciliation préliminaire est possible, mais uniquement en cas de harcèlement sexuel (article 532 du code de travail), reconnu et sanctionné par la loi. De là à provoquer un harcèlement sexuel pour pouvoir faire condamner le harceleur…

     

    « Comment protéger juridiquement les victimes lorsque le problème n’est pas clairement défini dans le Code pénal ou dans le Code du travail ? », s’interroge Me Ammamou. Demeure la conciliation, cas de figure très rare où la victime et le harceleur trouvent un terrain d’entente. La démission reste, hélas, la chute la plus courante des histoires de harcèlement moral. « Il n’y a pas de victoire à tenir bon, à se détruire. Aucun travail ne mérite d’y laisser sa peau », peste Karim, ingénieur réseaux informatique. « Malgré ma situation financière très difficile, j’ai décidé de quitter mon travail. Mon chef me rendait la vie impossible : retrait de voiture de service, de téléphone professionnel, heures supplémentaires diaboliques et bien d’autres méchancetés gratuites. Je suis parti pour m’éviter une dépression nerveuse. »

     

    La démission est souvent conseillée en cas de santé fragile. Certaines choisissent malgré tout de défier frontalement leur harceleur : sortir du silence, parler à un thérapeute, aux proches, se mobiliser dans l’action, trouver des alliés, dénoncer. Enfin se solidariser, sortir de l’isolement, avoir recours aux associations. Zina, cadre de banque, une battante, a refusé d’être victime. Elle offre la force de son témoignage. « Moi j’ai dit stop ! Stop aux insultes, aux dénigrements, aux remarques déplacées d’un supérieur mal dans sa peau. J’ai ouvert grand ma bouche et je lui ai craché au visage tout ce que je pensais de lui. J’ai refusé l’abnégation. Ma réaction a calmé son appétit de prédateur. Si la justice rase les murs, il ne faut pas en faire de même face à son bourreau ».


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  • Commentaires

    1
    dango-shimura
    Mercredi 17 Avril 2013 à 23:39
    le harcèlement prouve bien la mentalité des gens: ils se croient fort alors qu'ils seront toujours tout seuls pour le faire, et ils le font pour avoir du pouvoir sur les autres... what else world?
    2
    Loetiga
    Jeudi 18 Avril 2013 à 00:23
    Le Maroc ne doit pas être le seul, de nombreux d autres pays sont en retard sur ce terrible sujet. Il faut montrer l exemple et les encourager a évoluer dans le bon sens.
    3
    marialis2.2 Profil de marialis2.2
    Jeudi 18 Avril 2013 à 14:57
    Le Maroc n'est pas le seul pays effectivement, en France déjà... mais j'ai publié cette bouteille à la mer d'une marocaine qui a eu le courage de prendre la plume pour dénoncer dans son blog! J'ai voulu lui rendre hommage pour son courage!
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