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Harcèlement sexuel : le Gouvernement tape fort !
Harcèlement sexuel : le Gouvernement tape fort !
Par Juritravail | 18-06-2012 | 2 commentaire(s) | 2267 vues
Le 4 mai dernier, le Conseil constitutionnel a rendu une décision aux lourdes conséquences : l’article 222-33 du Code pénal réprimant le harcèlement sexuel a été abrogé (1). Le Conseil estimait en effet que le délit de harcèlement sexuel n’était pas clairement et suffisamment défini, ce qui le rendait contraire au principe de légalité des délits et des peines, qui exige que « nul ne peut être puni pour […] un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi » (2).
S’appliquant à toutes les affaires en cours, les victimes et les associations féministes ont exigé un autre texte punissant le harcèlement sexuel le plus rapidement possible. C’est presque chose faite puisqu’un projet de loi a été présenté le mercredi 13 juin dernier en Conseil des ministres et déposé au Sénat. La procédure accélérée a été choisie : le nouveau texte devrait donc voir le jour à la fin de l’été. Ce projet a été élaboré par Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, et Christiane Taubira, ministre de la Justice.
Comment sera défini le harcèlement sexuel par ce nouveau texte ? Quelles seront les peines encourues ? C’est ce que nous allons voir par cette actualité.
1. La nouvelle définition du harcèlement sexuel selon le projet de loi
Dans sa version à présent abrogée, l’article 222-33 du Code pénal prévoyait que « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ». Ce texte a été jugé trop flou par le Conseil constitutionnel. L’enjeu pour le nouveau texte est donc de donner une définition précise mais suffisamment large pour englober toutes les situations de harcèlement sexuel, même hors du temps et lieu de travail, comme le précise Najat Vallaud-Belkacem. Le texte propose un délit avec des peines graduées.
1°. D’abord, il propose de définir le harcèlement sexuel comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des gestes, propos, ou tous autres actes à connotation sexuelle soit portant atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant soit créant pour elle un environnement intimidant, hostile ou offensant ». Cette infraction est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.
2°. La loi prévoit un autre cas, une forme de chantage sexuel, « assimilé à un harcèlement sexuel » sans répétition, par un acte unique qui « s’accompagne d’ordres, de menaces, de contraintes, ou de toute autre forme de pression grave accomplis dans le but réel ou apparent d’obtenir une relation de nature sexuelle, à son profit ou au profit d’un tiers ». Ce cas est alors puni de deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende.
3°. Certaines circonstances aggravantes ont pour effet d’alourdir les peines prévues. Il s’agit de fait commis :
- par une personne qui abuse de l’autorité qui lui est conférée par ses fonctions ;
- sur un mineur de 15 ans ou moins ;
- sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;
- par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice.
Les peines sont alors de :
- deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende lorsqu’il s’agit de la première infraction de harcèlement sexuel caractérisée par des gestes, propos ou actes répétés ;
- trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende lorsqu’il s’agit d’un acte unique assimilé à du harcèlement selon la deuxième infraction.
2. Ce que cela va changer
Il faut d’abord préciser que ce texte sera probablement amendé par le Parlement et ne sera pas adopté dans sa rédaction actuelle. Dès la fin de son examen par le Conseil des ministres, le projet de loi a été déposé au Sénat, devant lequel il sera examiné en premier. La procédure accélérée a été mise en place. Cela permet au gouvernement de demander la mise en place d’une commission mixte paritaire après une seule lecture dans chaque assemblée (le Sénat et l’Assemblée Nationale).
La future loi ne sera pas rétroactive, c’est-à-dire qu’elle ne sera pas applicable aux affaires en cours avant sa publication. Les affaires ayant déjà été jugées et ayant bénéficié d’une décision de relaxe en raison de l’absence de texte réprimant le harcèlement sexuel ne pourront pas être rejugées en raison du principe selon lequel « nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits ».
Ce projet de loi s’est inspiré des directives européennes, et plus particulièrement de la directive du 5 juillet 2006 selon laquelle le harcèlement sexuelle est « la situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » (3).
D’autres projets ou propositions de lois ont été déposés devant le Parlement afin de rétablir au plus vite le délit de harcèlement sexuel dans le Code pénal. Tous ces textes prévoient également une sanction de 1 an d’emprisonnement et 15.000 d’amende, avec une sanction plus forte en cas d’abus d’autorité.
Les définitions du harcèlement sexuel sont différentes selon les projets. Par exemple, la proposition de loi de Philippe Kaltenbach, sénateur des Hauts-de-Seine, définit le harcèlement sexuel comme « tout propos, acte ou comportement non désiré, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant » (4).
La proposition de Roland Courteau, sénateur de l’Aude, propose quant à lui de définir ce délit comme « le fait d'user de menaces, d'intimidation ou de contrainte, ou d'exercer des pressions de toute nature dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle » (5).
Pour conclure, il convient de rappeler que le harcèlement sexuel dans les relations de travail reste réprimé par le Code du travail Le salarié pourra demander à l’auteur du harcèlement sexuel des dommages et intérêts en application de ce texte.
Source : Projet de loi n° 592 relatif au harcèlement sexuel
Références :
(1) Décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC
(2) Article 111-3 du Code pénal
(3) Directive 2006/54/CE relative à la mise en œuvre de l’égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail
(4) Proposition de loi n° 536 tendant à qualifier le délit de harcèlement sexuel
(5) Proposition de loi n° 539 relative à la définition du délit de harcèlement sexuel
(6) Articles L. 1153-1 et suivants du Code du travail
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