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Harcèlement sexuel: Une intention louable gâchée par un texte décevant
Harcèlement sexuel: Une intention louable gâchée par un texte décevant
Créé le 12/06/2012 à 19h27 -- Mis à jour le 12/06/2012 à 19h31<aside>Manifestation à Paris contre l'abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel, le 5 mai 2012. ALFRED / SIPA
</aside>LOI - Le nouveau projet de loi sur le harcèlement sexuel, révélé ce mardi, reçoit des réactions très mitigées...
A la veille de sa présentation en Conseil des ministres, le contenu du projet de loi sur le harcèlement sexuel a filtré ce mardi. Il remplace le texte abrogé début mai par le Conseil constitutionnel et se veut plus précis et plus sévère.
>> Lisez notre analyse du nouveau texte par ici
Du côté des victimes de harcèlement et au sein de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), les réactions sont mitigées à la lecture du nouveau texte. «Nous avons une réaction partagée», avoue Gwendoline Fizaine, juriste chargée de mission à l’AVFT. «Dans un certain sens, on salue la démarche de consultation du gouvernement auprès des associations féministes. Dans le projet de loi, on sent une intention de prendre en compte la réalité des victimes», admet-elle.
Bonne démarche, mauvais texte
Mais si la démarche est bonne et l’intention louable, le texte, lui, n’est pas satisfaisant. «Le projet de loi est bien trop compliqué pour être facilement compréhensible et applicable», regrette Gwendoline Fizaine. «Il y a beaucoup de conditions qui sont présentes, qui se surajoutent, qui disparaissent dans certains alinéas...» Voilà pour la forme. Mais sur le fond, il n’y a pas de quoi se réjouir non plus: «La forme de harcèlement la plus sévèrement punie l’est toujours moins qu’un simple vol. On a une hiérarchie inacceptable entre ces deux atteintes, celle au bien et celle au droit des femmes et du travail.»
Il y a une semaine, Bérénice* avait raconté à 20 Minutes son quotidien de femme abusée pendant des mois par son patron et comment la justice n’avait, six ans après, rien fait pour elle. A propos du projet de loi, elle s’estime «à première vue plutôt satisfaite, mais au fond très inquiète». «Deux nouveautés paraissent satisfaisantes: le fait qu’il puisse y avoir une graduation dans les faits, pour que l’on puisse distinguer harcèlement verbal et attouchements, et le fait qu’on puisse punir ces différentes formes de harcèlement avec des peines plus ou moins lourdes selon la gravité», commence-t-elle, avant de déchanter. «D’un autre côté, ça n’est pas satisfaisant, car encore une fois la victime de harcèlement a besoin d’apporter des preuves matérielles de son harcèlement. Autre problème: on ne veut toujours pas faire la distinction entre agression sexuelle, harcèlement et grosse drague. Tant que la mentalité ne changera pas, on n’avancera pas», regrette-t-elle.
Amendements à prévoir
Alors que faire? Pour Bérénice*, la réponse est claire: «Ce qu’il faut, c’est faire appliquer ce texte sans pitié, pour faire des exemples. Tant qu’on ne passera pas à la répression, on restera dans l’impunité.» Gwendoline Fizaine, de l’AVFT, espère que le texte pourra être amendé. «Nous avons été invités à faire des retours, on en a déjà fait. Et on espère que le texte va évoluer.»
Une volonté d’amendement également manifestée, côté politique, par la sénatrice Chantal Jouanno. Tout en soulignant l’urgence d’une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel, l’élue UMP prévient: le texte présenté mercredi en Conseil des ministres n’est pas satisfaisant et devra être modifié.
*Le prénom a été modifié.
Nicolas Bégasse
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