• Hollande-Merkel : ce que cache leur vraie-fausse dispute

    Hollande-Merkel : ce que cache leur vraie-fausse dispute

    Créé le 15-06-2012 à 17h17 - Mis à jour à 18h50  lien

    DECRYPTAGE Malgré les déclarations tapageuses des deux côtés du Rhin, en coulisses, les diplomates français et allemands sont sur le point de trouver un accord. Mais il faut bien rassurer les électeurs...

    Entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande le ton est monté d'un cran ce vendredi. Le G20 de Los Cabos risque d'être tendu (SIPA)

    Entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande le ton est monté d'un cran ce vendredi. Le G20 de Los Cabos risque d'être tendu (SIPA)

     

    De part et d’autre du Rhin, les gesticulations évoquent un refroidissement de la relation franco-allemande. Dernier épisode en date la déclaration d’Angela Merkel, rappelant fermement, sur ses terres, son attachement à la stabilité, et interprétée par certains comme un tour de vis.

    En fait, il y a deux chancelières, la leader toute puissante sur laquelle le monde a les yeux rivés pour sauver l’Europe. Et la patronne d’une coalition remuante, dont le partenaire minoritaire, le parti libéral, fait de la surenchère permanente. Et dont l’opinion publique réclame sans cesse des gages.

    Celle qui a tapé du poing sur la table, hier, est la seconde, celle qui tente de rassurer une population traumatisée par le spectre de la grande inflation des années 1920 et qui, soumise au cours de la dernière décennie à une cure d’austérité, s’inquiète de jeter de l’argent par les fenêtres, en versant de l’aide dans un puits sans fond, entendez la Grèce.

    La visite à Paris de trois leaders du SPD a fait tiquer Merkel

    Depuis bientôt trois ans, la chancelière a accepté des avancées sur le front européen, parfois au-delà de ce que les spécialistes attendaient, mais à chaque fois, en prenant son temps, en s’assurant pas à pas que les Allemands comprenaient et que le Parlement allait l’épauler. Notre voisin n’est pas en régime présidentiel. Jeudi, elle a fait de même en rappelant son attachement à la stabilité, gage d’une confiance indispensable à la zone euro.

    Dans ces semaines politiquement intenses, il n’est cependant pas exclu que les grincements de dents en Allemagne aient un lien, la mauvaise humeur de quelques grognards de l’union chrétien démocrate en témoigne, avec la visite avant-hier des trois ténors sociaux-démocrates allemands, à Matignon, puis à l’Elysée. Lors d’un point de presse à l’ambassade d’Allemagne à Paris, la Troïka, comme on les appelle outre-Rhin, soulignait avec une satisfaction évidente combien le dialogue avec le chef d’Etat et Premier ministre français "avait été riche", combien l’équipe au pouvoir était "sérieuse et professionnelle". Combien il était important en Europe de se voir "entre membres de la même famille".

    Berlin a tiqué, évidemment. De même qu’elle a tiqué sur la rencontre de François Hollande avec Mario Monti, Premier ministre italien, qui depuis son arrivée au pouvoir cet automne, n’a qu’une idée : se remettre au cœur du jeu européen. Le 2è et la 3è puissance économique de la zone euro ont parlé croissance, donnant l’impression à la locomotive de l’eurozone qu’elles l’isolaient. D’où le agacement sans doute surjoué de la chancelière

    Chacun dans son pays, ils ont leur épouvantail

    Mais tout cela tient beaucoup au jeu politique à la veille d’échéances importantes. Les législatives en France, d’abord. Ce qui explique qu’un conservateur germanophile comme Bruno Lemaire (cliquez ici pour voir son interview) ait soufflé sur les braises ce vendredi dans un entretien sur Public Sénat. Il y a aussi des échéances cruciales pour le Continent européen : les élections législatives en Grèce et le sommet des 28 et 29 juin. Il s’agit à la fois d’envoyer des signaux à Athènes (attention aux conséquences désastreuses si l’extrême gauche gagne) et de faire valoir les positions de chacun.

    Car, chacun dans son pays a son épouvantail. Pour François Hollande le nouveau traité n’est pas acceptable, s’il n’est pas accompagné d’une dose de stimulation de la croissance. Pour Angela Merkel le mot "eurobonds" est devenu un objet de tractation politique. Elle sait que, tant qu’elle les refusera, elle aura les libéraux plus ou moins en ordre de marche derrière elle. Mais, elle sait aussi qu’elle peut compter sur l’opposition ferme des sociaux-démocrates à l’introduction des eurobonds à court terme. La Troika l’a réaffirmé avant-hier.

    Paris et Berlin devraient finir par s’entendre. Ils n’ont pas le choix. Tous les vieux routards de l’Europe le disent, à l’instar d’un Daniel Cohn Bendit, pour qui le Merkhollande va se former, "par la force des institutions". François Hollande l’a suffisamment martelé lors des présidentielles : la relation franco-allemande est essentielle, même si elle n’est pas exclusive. D’ailleurs pendant la campagne, alors qu’officiellement il n’y avait aucun lien entre ses équipes et la chancellerie, des relations se tissaient dans l’ombre.

    Beaucoup de couples ont connu des ratés au départ

    Le Président français n’est-il pas parti à Berlin rencontrer Angela Merkel, le soir même de son investiture, suivi quelques jours plus tard par son ministre des finances, Pierre Moscovici, qui a fait connaissance de son homologue Wolfgang Schäuble ? On a bien vu le sourire légèrement ironique du grand argentier, qui en était à son troisième collègue français en deux ans, et qui garde une tendresse pour Christine Lagarde. Mais le plus européen des ministres allemands le martèle depuis des décennies : le moteur franco-allemand est indispensable à faire avancer l’Europe.

    Et puis, beaucoup de couples ont eu des ratées au départ. Avant de devenir un zélateur du modèle allemand, Nicolas Sarkozy ne disait-il pas le plus grand mal de l’Allemagne, en référence à son passé ? Enfant de l’après-guerre, Gerhard Schröder, lui aussi, a commencé très indifférent à l’Europe et à la France, avant de changer d’avis. "J’ai appris avec le temps », confessait-il à Challenges cet hiver. Alors ce n’est pas parce que Merkel et Hollande ne se sont pas fait la bise, le 15 mai, comme la presse des deux côtés du Rhin l’a relevé, que cela augure d’une relation forcément tiède.

    Un projet d'accord est en cours de finalisation

    Aujourd’hui, malgré les déclarations tapageuses et la dramaturgie, en coulisses, les diplomates français et allemands s’activent. "On n’est pas très loin les uns des autres", assure même un haut fonctionnaire berlinois. Dans la capitale allemande, un projet d’accord circule, qui inclut les propositions que le candidat Hollande avait faites sur l’Europe (notamment avec le recours à la BEI, la réallocation des fonds structurels, les project bonds). Ça coincerait encore sur le rôle futur de la Banque centrale européenne.

    En attendant François Hollande et Angela Merkel ne vont cesser de se voir. A Los Cabos, au G20 mexicain, lundi et mardi prochains, le 22 juin à Rome, à l’invitation de Mario Monti, puis au sommet de Bruxelles à la fin du mois. Il y aura aussi le 8 juillet. La chancelière assistera avec François Hollande à une messe à la cathédrale de Reims. Cette communion lancera les festivités du 50è anniversaire du traité de l’Elysée. Celui que de Gaulle et Adenauer ont signé le 22 janvier 1963 pour sceller la réconciliation franco-allemande.

     


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