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INDE : 2 500 ouvriers "indisciplinés" mis à la porte pour avoir fait grève !
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<time datetime="2011-09-10" pubdate="pubdate">September 10, 2011 </time>
Chez Maruti-Suzuki en Inde, 2 500 ouvriers "indisciplinés" mis à la porte pour avoir fait grève !
Maruti Suzuki possède deux usines en Inde à Gurgaon et à Manesar. La compagnie promet au gouvernement d'investir dans une seconde installation à Manesar. Dans l'attente, les conditions de travail se dégradent, la capacité de production de l'usine étant largement excédée. Alors qu'il existe un syndicat "maison" dominé par les employés de Gurgaon, les ouvriers à Manesar souhaitent former une nouvelle organisation pour défendre leurs intérêts collectifs. Ils ont entamé une grève le 4 juin, pour soutenir cette demande. Dès son 13ème jour, le gouvernement l'a déclaré illégale. Depuis lors, les actions de harcèlement et d'intimidation des ouvriers se multiplient jusqu'à ce que la direction provoque un conflit majeur en interdisant l'accès à l'usine, autrement dit, un lock-out, le 29 août dernier.
Compte rendu d'un syndicaliste sur place…
La direction de la plus grande compagnie automobile en Inde, Maruti Suzuki India Limited a instauré un lock-out des 2 500 ouvriers de son usine de Manesar depuis le 29 août au matin. Elle a licencié 11 travailleurs et suspendu 10 autres sur des accusations infondées d'indiscipline et de participation à la grève du mois de juin. La société tente d'imposer aux ouvriers (comme condition de reprise du travail - NDLR), de façon totalement illégale, la signature "d'engagements de bonne conduite". Tout travailleur qui ne signera pas l'obligation sera considéré "en grève" et interdit d'accès à l'usine. En signant, l'ouvrier s'interdit d'engager dans toute action de grève (perlée, du zèle, etc.) et de toute action de sabotage ou d'acte qui pourrait affaiblir la production "normale" de l'usine.
La direction a commencé à préparer ce lock-out dès le dimanche soir. Un cordon de police a été déployé à sa demande à l'usine. La société a déjà embauché un certain nombre de nervis et de gros bras des villages environnants comme gardes de sécurité avec pour mission d'intimider et de menacer les travailleurs. Toutefois, les ouvriers restent unis et déterminés à lutter. Pas un seul d'entre eux n'a signé l'engagement. Aux 1 100 ouvriers réguliers se sont joints environ 2 000 travailleurs contractuels (précaires) et apprentis bien que la direction a tenté de les séparer en annonçant des congés pour les travailleurs contractuels et apprentis à compter du 1er septembre.Le gouvernement Haryana est indiscutablement dans le camp de MSIL usant de tous les moyens pour mettre fin au conflit. Le parti BS de Hudda, majoritaire au parlement (Congress) a déclaré la grève illégale dès son 13ème jour (le 17 juin) et son ministre du travail a essayé de favoriser la société par des menaces et des tromperies.
Depuis la fin de la grève en juin, la direction tente de révoquer, de menacer et de démoraliser les travailleurs par des moyens divers. Depuis juillet, des travailleurs contractuels et apprentis sont renvoyés quasiment chaque jour. Sans compter l'action du 29 août, 84 travailleurs ont été licenciés ou suspendus depuis juillet. Ce même mois, afin d'asseoir un syndicat pro-patronal, la direction a organisé des élections à l'usine de Gurgaon, boycottées par les ouvriers de Manesar. La direction s'en sert comme prétexte pour refuser de reconnaître le Syndicat des employés de Suzuki Maruti (de Manesar) et congédier ses principaux responsables.
Le Premier Ministre Hudda avait promis à une délégation de travailleurs qu'il n'y aurait aucune difficulté à obtenir la reconnaissance de leur syndicat. Cependant, le 14 août, le gouvernement a rejeté sa demande d'enregistrement. En fait, pendant la grève du mois de juin, Hudda a promis à Shinzo Nakanishi (P.-D.G. de Suzuki Maruti - NDLR) que son gouvernement ne permettrait pas la formation d'un second syndicat.
La vaste ceinture industrielle autour de Gurgaon compte des centaines d'usines employant environ 2 millions de travailleurs dont la moitié dans l'industrie automobile. Ces travailleurs produisent des pièces expédiées dans le monde entier. Dans ces usines modernes, ils travaillent dans de très mauvaises conditions. Plus de 90% d'entre eux sont des travailleurs à contrat précaire qui travaillent 10 à 12 heures par jour pour 4 000 à 5 000 roupies par mois (63 à 75 € ou 85 à $107 US ou CAD). La charge de travail et les cadences sont extrêmement élevées et ils doivent faire face à la violence verbale et parfois physique des superviseurs et des agents de sécurité. Les syndicats sont absents de la plupart des usines mais là où les travailleurs ont réussi à former un syndicat, ils doivent faire face au harcèlement constant. Parfois, il existe des syndicats "maison" qui ne font rien pour faire avancer les intérêts des travailleurs et dans certains cas, ils les lâchent au profit de ceux de la direction. Dans cette situation, le droit de former un syndicat est un problème récurrent voire universel dans la ceinture industrielle de Gurgaon.
Les travailleurs de Maruti Suzuki, Manesar, peuvent gagner un peu plus que les autres, mais eux aussi travaillent dans de très mauvaises conditions. La charge de travail est très élevé et ils doivent parfois travailler jusqu'à 16 heures d'affilée. Obtenir un congé ou journée de repos est extrêmement difficile et de lourdes amendes pécuniaires sont imposées, même pour un retard de quelques minutes. Ils obtiennent deux pauses courtes de 7-8 minutes pour le déjeuner et le thé. Les pauses toilettes ne sont pas autorisées entre celles-ci. Ils doivent faire face aux abus et aux menaces s'ils refusent d'effectuer des heures supplémentaires. Ces raisons motivent la lutte résolue des travailleurs à former leur syndicat indépendant.
Ne s'attendant sans doute pas à une telle résistance des travailleurs, la direction recourt à une escalade de la violence pour briser le mouvement…
Le 2 septembre au matin, certains entrepreneurs dirigé par quelques personnes du Département des Ressources Humaines de MSIL ont rassemblé quelques 150 travailleurs logés dans le village d'Aliyar près de l'usine Maruti à Manesar. Les travailleurs ont été menacés et certains même tabassés par des nervis locaux recrutés par la direction. Ils les ont forcés à s'asseoir dans 7 camions près de l'hôtel Royal.
Lorsque des membres du Syndicat, ayant reçu des appels à l'aide, se sont rendus sur place, ils ont été attaqués par les nervis et la police a procédé à des arrestations.
Certains ouvriers craignent une attaque sur leur dharna (rassemblement) tenu depuis le 29 août au portail extérieur no. 2.
La direction communique sur une reprise de l'activité de l'usine mais en réalité, elle n'a réussi à contraindre qu'une poignée de travailleurs à retourner à l'intérieur de l'usine. Dans l'absence de la main-d'œuvre nombreuse et qualifiée nécessaires à remettre les chaînes de production en activité, rien ne peut en sortir.
"The Hindu" de ce jour (10 septembre 2011) confirme toutes ces informations. Seulement 80 ouvriers auraient signé l'engagement. Le journal ajoute que Maruti se prépare, avec l'autorisation du Ministère du Travail, à remplacer les ouvriers actuels par de nouvelles embauches. Mettant de l'huile sur le feu, le patron du groupe, Osamu Suzuki, déclare que "l'indiscipline n'est pas tolérée… ni au Japon ni en Inde. Ce n'est jamais dans l'intérêt d'une compagnie ni de ses employés".
Tags : Inde, Précarité, Syndicats, droits, licenciements
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