• « J?aimerais vraiment que ma photo puisse aider à changer le cours des choses »

    « J’aimerais vraiment que ma photo puisse aider à changer le cours des choses »

    Le Monde.fr | <time datetime="2015-09-03T17:52:36+02:00" itemprop="datePublished">03.09.2015 à 17h52</time> • Mis à jour le <time datetime="2015-09-03T19:01:48+02:00" itemprop="dateModified">03.09.2015 à 19h01</time> | Propos recueillis par

    Nilufer Demir, 29 ans, est correspondante pour l’agence turque DHA pour la région de Bodrum. Dans cette petite ville balnéaire plutôt chic, les réfugiés qui tentent la traversée vers l’île grecque de Kos ont changé le cours des choses – et son travail de photographe. Elle ne s’attendait pas, cependant, à ce que sa photo d’un enfant syrien noyé, sur la plage, ait un tel retentissement. Nous l’avons jointe au téléphone, en Turquie.

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    Où se trouve la plage où a été trouvé le petit garçon ?

    La plage de Ali Hoca Burnu est une plage à l’écart de Bodrum. C’est un endroit d’où partent souvent les migrants, donc avec d’autres photographes, on y va chacun son tour pour voir ce qui se passe. Hier, c’était mon tour… Quand je suis arrivée le matin, vers 6 ou 7 heures, il y avait un groupe de Pakistanais. Je les ai rejoints et nous avons aperçu, un peu plus loin, quelque chose échoué sur la plage.

    En nous approchant, nous avons vu que c’était le corps d’un enfant. Il y avait d’autres corps, mais plus loin, à 100 ou 200 mètres. On a tout de suite vu qu’il était mort et qu’il n’y avait rien à faire.

    Avez-vous hésité à prendre cette photo ?

    J’ai été très choquée au départ, mais je me suis reprise très vite. Je me suis dit que je pouvais témoigner du drame que vivent ces gens. Il fallait que je prenne cette photo et je n’ai plus hésité. J’en ai même pris toute une série. J’étais triste car c’est le corps d’un enfant, mais ça aurait pu être le corps d’un adulte, et j’en ai photographié déjà.

    L’homme qui tient l’enfant sur la photo est un gendarme, qui fait les premières constatations quand ce genre de choses arrive. Dans les premières images, on voit l’enfant tout seul, car le gendarme est arrivé quelques minutes après.

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    L'une des photos du petit Syrien noyé, faites par Nilufer Demir. <figcaption class="legende" data-caption="L'une des photos du petit Syrien noyé, faites par Nilufer Demir.">L'une des photos du petit Syrien noyé, faites par Nilufer Demir. NILUFER DEMIR/DHA/REUTERS</figcaption> </figure>

    Avez-vous eu conscience que c’était une photo si forte ?

    Non, pas du tout. Et aujourd’hui, j’ai un mélange de tristesse et de satisfaction… Je suis contente d’avoir pu montrer cette image à autant de gens, d’avoir témoigné, et d’un autre côté, je préférerais que ce petit garçon soit encore en vie et que cette image ne fasse pas le tour du monde.

    Le retentissement de cette photo a été énorme, poussant François Hollande et Angela Merkel à prendre rendez-vous pour évoquer le sujet.

    Je n’aurais jamais cru qu’une photo ait de tels effets. J’aimerais vraiment qu’elle puisse aider à changer le cours des choses. Pour ma part, j’aimerais que tout le monde puisse vivre en paix chez soi, et que les gens ne soient pas forcés de fuir leur pays…

    Pourquoi cette photo, selon vous, a-t-elle pu autant émouvoir les gens, par rapport à toutes celles publiées avant sur le sujet ?

    Je ne sais pas. Peut-être que le monde, en fait, attendait une image qui puisse changer les choses, faire bouger. Peut-être que ma photo a été le déclic que le monde attendait. J’ai surtout été au bon moment au bon endroit.


     

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