• Jérôme Cahuzac : «Ma faute est impardonnable»

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    Jérôme Cahuzac : «Ma faute est impardonnable»

    <time datetime="2013-04-16T18:00:14+02:00" itemprop="datePublished">16 avril 2013 à 18:00</time> (Mis à jour: <time datetime="2013-04-16T19:07:48+02:00" itemprop="dateModified">19:07</time>)
    Les mots de l'intervention télévisée de Jérôme Cahuzac, le 16 avril 2013.
    Les mots de l'intervention télévisée de Jérôme Cahuzac, le 16 avril 2013. (Image Libération)

    VERBATIM L'ancien ministre du Budget a donné sa première interview télévisée depuis ses aveux et annoncé sa démission de son poste de député.

    Pour la première fois depuis ses aveux, il y a quinze jours, Jérôme Cahuzac s'est exprimé ce soir à la télévision, sur BFMTV. Il a notamment confirmé qu'il démissionnerait de son poste de député. Il avait jusqu’à vendredi minuit pour préciser ses intentions concernant son siège à l’Assemblée nationale.

    «Une décision doit être prise, dois-je démissionner? a commencé Jérôme Cahuzac. Quel que soit mon choix, il y aura des conséquences. Il a fallu du temps pour prendre la décision.»

    Revenant sur une déclaration du Premier ministre [«Le ministre contre la fraude était justement un fraudeur»], Jérôme Cahuzac a répondu : «Oui ça me fait mal, bien sûr. La déclaration de Jean-Marc Ayrault est très dure, elle émane de quelqu’un pour qui j’ai toujours eu du respect et de l’affection. Comment reprocher de dire ce qui fut une réalité; cette douleur est moins provoquée par la déclaration que par la situation qui correspond à la réalité. Une réalité douloureuse pour mes proches, ceux qui m’aiment, une réalité que je dois affronter.» Avant d'enchaîner: «Les réactions ont été violentes, il y a eu un acharnement dont je doute qu’il y ait un précédent aussi intense, ce n’est pas à moi de dire que cette violence est excessive...»

     «J’ai pris ma décision, après avoir entendu ceux qui m’ont rappelé que j’avais été élu le plus régulièrement du monde et que la justice n’avait pas décidé que j’étais incapable d’exercer ce mandat», a-t-il souligné. Avant de répondre: «J’estime que la gravité de cette faute ne me permet pas de rester parlementaire. J’ai donc décidé de démissionner de ce mandat.» Et de préciser : «Ce que je vous dis c’est que j’estime que la faute morale ne me permet pas de rester député.»

    Sur la question du renoncement à ses indemnités, l'ancien ministre du Budget a déclaré que son avocat allait régler «ces questions juridiques».

    «Caillou dans la chaussure»

    Sur son éventuel retour en politique, Jérôme Cahuzac a répondu que c'était «infiniment improbable»: «Le combat politique a été très important dans ma vie, mais j’ai le sentiment assez puissant qu’une page se tourne.»

    Revenant sur le dossier lui-même, il répète: «Ma faute est impardonnable. J’ai demandé pardon. C’est à ceux à qui j’ai demandé pardon de décider s’ils me l’accordent. C’est à eux de décider quelle sera leur décision.»

    Alors que Jean-François Achilli l'interroge sur la mécanique du mensonge, l'ancien ministre répond : «J’ai commis une bêtise, j’avais une part d’ombre, qui est aujourd’hui en pleine lumière. Cette part d’ombre j’ai tout fait pour la repousser, et j’ai cru qu’en travaillant dans ma ville, ma circonscription, que ce travail ardent me permettrait de réduire cette part d’ombre, et non... La meilleure façon de combattre cette part d’ombre c’est d’affronter la vérité, c’est ce que j’ai fait.»

    «Le compte en banque était une part d’ombre, et c’est parfois douloureux, un caillou dans une chaussure, poursuit-il. Après avoir cherché comment faire, je n’ai jamais trouvé une solution. La solution était la levée de l’anonymat. Cela, je ne pouvais m’y résoudre pour des raisons que chacun peut comprendre.»

    «Pour comprendre il faut accepter que les choses ne sont pas si rationnelles que ça, ajoute-t-il. Je me suis menti à moi-même pendant des années, je repoussais cette vérité. Vous me donnez l’exemple de ce coup de fil de François Hollande [pour lui proposer le poste au gouvernement], j’aurais dû avoir la force d’âme de refuser cette proposition, c’est une faute de l’avoir acceptée. J’en paie le prix fort aujourd’hui.»

    «La part d’ombre, c’est l’ambition. J’avais de l'ambition. La difficulté, c’est que l’ambition, je n’aurais pas dû l’avoir sans supprimer la part d’ombre. La faute très lourde que j’ai commise, elle est là», a-t-il poursuivi.

    Revenant sur le choix du moment pour ses aveux, Cahuzac précise: «Si le rendez-vous a eu lieu avec les magistrats il y a quinze jours, c’est pour des raisons pratiques. Après ma démission du gouvernement, je comprends qu’il faut cesser avec cette situation malsaine. Je me consume de l’intérieur. Ceux qui m’ont vu en décembre, janvier, février, voient bien que je me consume de l’intérieur. Je décide de dire la vérité et d’aller voir les magistrats. Je renonce à tout recours, à toute procédure.»

    Mais sur la procédure elle-même, Jérôme Cahuzac préfère ne pas s'étendre : «On aborde un sujet dont je ne parlerai pas, car j’ai une épreuve judiciaire qui m’attend. Je veux l’affronter le plus sincèrement possible. Je réserve tout ce qui peut nourrir l’enquête pour les juges.»

    Quant aux chiffres qui ont été avancés sur les sommes des comptes en Suisse et à Singapour (600 000 euros ou 15 millions ?), il répond : «600 000 euros oui, le reste non. La justice aura tous les documents nécessaires. Le reste, c’est la rumeur...»

    «L’argent vient de mon travail, précise-t-il. J’ai eu effectivement à œuvrer avec des laboratoires pharmaceutiques et des entreprises de santé, après avoir quitté le ministère. Il n’y avait pas de relations troubles avec les laboratoires. Il n’y avait pas de confusion des genres ni de conflits d’intérêt. Quand j’étais au cabinet de Claude Evin, j’ai fait mon travail honnêtement. Après, j’ai eu une activité légale auprès d’entreprises de santé et de laboratoires pharmaceutiques.» Et d'affirmer : «Mon compte en Suisse n’a jamais servi à financer des campagnes du PS.»

    Qu'est-ce que le Président ou les membres du gouvernement savaient de son affaire ? «J’ignore si le Président savait ; à lui aussi, je n’ai pas dit la vérité. A eux aussi [Hollande, Moscovici],  j’ai menti. Je leur ai demandé pardon, c’est à eux de voir.»

    Sur l'enquête de Mediapart, Jérôme Cahuzac a estimé que «les méthodes sont contestables. La fin ne peut justifier les moyens. Vos confrères ont contribué à dévaster ma vie. Mais le vrai responsable de cette situation, c’est moi.»

    «Les raisons se bousculent pour être triste, poursuit le député de Villeneuve-sur-Lot. Faire souffrir ceux que j’aime. Avoir créé un tel désordre dans le pays. Avoir déçu la confiance. Il y a tant de raisons d’être triste, que les citer toutes est impossible. Mais il y a une volonté : tous les amis que j’avais avant sont restés. D’autres m’ont tendu la main. Ils ont eu des jugements très durs mais m’ont conservé leur amitié. Dans cette détresse, il me reste à être digne de cette amitié, de cet amour.»


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