C’est peut-être un tournant, bien tardif il est vrai, dans la politique saoudienne, mais Riyad a classé vendredi les Frères musulmans et plusieurs groupes jihadistes comme «organisations terroristes». Dans une «première liste»figurent, outre les Frères, l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL),
le Front Al-Nusra, le Hezbollah (saoudien) et les rebelles chiites zaïdites dits Houthis du Yémen. Parallèlement, le ministère saoudien de l’Intérieur a
lancé un ultimatum de 15 jours à ses ressortissants combattant à l’étranger
pour qu’ils rentrent au pays.
Début février, Riyad avait déjà annoncé que tout Saoudien participant à des combats à l’étranger et faisant partie de «groupes terroristes» serait passible de peines allant de trois à vingt ans de prison. Visiblement, le régime s’inquiète du fait que des centaines de Saoudiens partent combattre en Syrie dans les rangs
des groupes les plus extrémistes. Selon des chercheurs occidentaux, le plus
grand nombre de jihadistes tués au combat sont actuellement largement
des Saoudiens.
Dès lors, la crainte est forte dans les milieux sécuritaires saoudiens que
cette implication de nationaux dans des groupes jihadistes se traduise à
leur retour dans leur pays par la résurgence d’attaques meurtrières, comme
celles menées entre 2003 et 2006 par Al-Qaeda dans les grandes villes
du royaume. Les tribunaux spécialisés dans les affaires de terrorisme
ont d’ailleurs commencé dès 2011 à juger des dizaines de Saoudiens et
d’étrangers accusés d’être impliqués dans cette vague d’attentats.
Cette mise au ban des groupes jihadistes survient dans un contexte de
crise sans précédent au sein des pétromonarchies arabes du Golfe, après
la décision de l’Arabie Saoudite, de Bahreïn et des Emirats arabes unis
de mettre au pas le Qatar, qui appuie la montée islamiste dans la foulée
des printemps arabes et soutient fortement les Frères musulmans.
Mercredi, Riyad, Manama et Abou Dhabi avaient décidé de rappeler leurs ambassadeurs de Doha. Selon les Qataris, c’est essentiellement la crise
politique en Egypte qui a motivé cette rupture, Doha soutenant les Frères musulmans, à la différence des autres monarchies, qui figurent parmi les principaux soutiens au pouvoir mis en place par l’armée en Egypte après la destitution du président Mohamed Morsi, issu de la confrérie.