L’Eurogroupe de la «dernière chance» a tourné au vinaigre. Après neuf heures de discussions, les ministres des Finances de la zone euro ne sont pas parvenus samedi à un accord concernant un nouveau plan d’aide à la Grèce. Ils remettent le couvert aujourd’hui, avant que les chefs d’Etat et de gouvernement des pays de la zone euro ne prennent le relais lors d’un sommet extraordinaire. Dans la nuit, alors que les discussions s’enlisaient, un officiel européen, exténué, commençait à perdre patience : «En demandant toujours plus, on va droit au Grexit. Et pendant ce temps, les banques grecques sont au bord de la faillite.»

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Plus de garanties

Personne ne s’attendait à ce que cet Eurogroupe soit un long fleuve tranquille. Wolfgang Schäuble, l’intraitable ministre allemand des Finances, avait prévenu à son arrivée rue de la Loi, à Bruxelles : «Les discussions s’annoncent extrêmement difficiles.»  Au cœur du problème, la «confiance» entre Etats. Celle-ci a été sérieusement érodée par des mois de négociations usantes. Certains ministres n’ont toujours pas digéré la tenue du référendum en Grèce. Ils veulent donc plus de garanties de la volonté réformatrice du gouvernement d’Aléxis Tsípras (certains sont peut-être même tentés de laisser pourrir la situation jusqu’à une démission du gouvernement grec). Concrètement, les députés grecs seront peut-être appelés ces prochains jours pour voter à toute vitesse certains textes emblématiques, comme la réforme des retraites par exemple, afin de rassurer ces Etats inquiets et d’entamer de réelles négociations avec les créanciers.

Un plan d’action insuffisant

Le plan d’actions et de réformes proposé jeudi 9 juillet par la Grèce aux Etats de la zone euro n’a donc pas suscité de vague d’adhésion. Ce texte ressemblait pourtant à s’y méprendre aux propositions qui étaient sur la table le 26 juin entre la Grèce et ses créanciers. Les «institutions» (Commission européenne, FMI, Banque centrale européenne) ont d’ailleurs considéré vendredi, dans leur évaluation, que ces propositions constituaient une bonne base de discussion. Toutefois, ces dernières ont fait leurs comptes. Les 53,5 milliards que demande la Grèce au mécanisme européen de stabilité pour la période 2015 – 2018 ne combleraient pas les besoins de financement du pays. Les institutions plaident plutôt pour un prêt de 74 à 78 milliards. Une source européenne estime que «l’attitude grecque est positive, car ils sont prêts à faire des réformes sur les points les plus sensibles comme la TVA, la retraite et la mise en place d’une autorité fiscale indépendante».

Mais cela ne semble pas suffire. Il faut dire que la somme à prêter est plus importante que prévu. La France a beau insister sur le fait qu’un tel prêt coûterait moins cher qu’un Grexit, certains Etats ne sont pas convaincus par l’argument. Avant de prêter cet argent, ils veulent plus de garanties, voire plus de propositions de réformes. «Le débat porte sur le degré de précision des engagements grecs», explique une source européenne.

Deux événements majeurs

Les discussions de la nuit ont été bousculées par deux événements majeurs. Alexander Stubb, le ministre finlandais des Finances, a fait savoir qu’a priori son pays ne souhaitait pas participer à un nouveau plan d’aide à la Grèce. Cela pourrait mettre en péril sa coalition avec le parti europhobe des Vrais Finlandais. Cette position a clairement embourbé les discussions, même si les statuts du mécanisme européen de stabilité rendent possible une aide sans vote à l’unanimité (une majorité de 85% pourrait suffire). Aujourd’hui, le ministre finlandais tempère cette position. Il affirme que «personne ne bloque un accord» et pense que ce que les Grecs ont proposé «n’est pas assez».

L’autre événement concernait le document issu du ministère allemand des Finances révélé par le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung. Dans ce document, l’option d’un Grexit temporaire de 5 ans , accompagné d’une aide humanitaire et d’une restructuration de la dette, est évoquée. Certes, cette option n’a pas été formellement présentée durant l’Eurogroupe. Elle a dû se répandre à toute vitesse sur les smartphones des négociateurs, plombant un peu plus l’ambiance entre la France, qui s’oppose au Grexit, et l’Allemagne qui tergiverse, même si la position de Wolfgang Schäuble sur la question est plutôt claire. Le bras de fer d’hier n’a donc rien donné. Le temps qui passe joue contre la Grèce, dont le système bancaire est en passe de s’écrouler. Dès demain, la Banque centrale européenne pourrait décider de couper les liquidités d’urgence qui permettent au système bancaire grec de vivoter…

Aujourd’hui, les chefs d’Etat et de gouvernement continueront de discuter lors d’un sommet au finish , comme pourrait le dire Alexander Stubb, dont l’issue sera cruciale pour la Grèce. Un énième sommet «de la dernière chance» ? Cette fois, c’est peut-être vrai.