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L’Europe soulage l’Espagne pour se sauver
10/6/12 - 18 H 06 mis à jour le 10/6/12 - 18 H 20 lienL’Europe soulage l’Espagne pour se sauverMadrid s’est résolu, samedi 9 juin, à faire appel à ses partenaires pour secourir son secteur bancaire sinistré.
Les Européens ont prévu une enveloppe maximale de 100 milliards d’euros.
L’avenir de la zone euro reste soumis au résultat des élections législatives grecques du 17 juin.
À une semaine des élections législatives grecques, qui pourraient aboutir à la sortie du pays de la zone euro, les Européens ont profité de la fermeture des marchés financiers ce week-end pour apaiser les très grandes inquiétudes autour des banques espagnoles.
En quoi consiste le plan d’aide ?
Après avoir longtemps prétendu qu’elle pourrait s’en sortir seule, l’Espagne est devenue, samedi, le quatrième État de la zone euro à demander l’aide financière de ses partenaires européens. Les modalités de ce plan d’aide sont néanmoins assez différentes de celles accordées à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal.
D’abord, il ne s’agit pas d’un programme de soutien global à l’économie du pays : les sommes prêtées ne seront destinées qu’à recapitaliser le secteur bancaire, plombé par 184 milliards d’euros de crédits immobiliers à risque. En échange, les bailleurs de fonds n’exigent donc aucune réforme économique – en dehors de celles touchant spécifiquement la réorganisation du secteur financier, qui devra être menée avec la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). « Les conditions seront imposées aux banques, pas à la société espagnole », a martelé Luis de Guindos, le ministre de l’économie.
L’ampleur définitive de l’aide, réalisée sous forme de prêts à des conditions très favorables, n’est pas encore connue. Madrid attend les résultats de deux audits, au plus tard le 21 juin, pour formuler une demande précise. Un rapport du FMI, publié samedi 9 juin, a chiffré les besoins des banques espagnoles à 40 milliards d’euros. Soucieux de montrer leur volonté d’éteindre définitivement l’incendie et de rassurer les marchés, les Européens se sont déclarés prêts à injecter, au maximum, la somme colossale de 100 milliards d’euros. « Très clairement, il y a une marge de sécurité », a souligné Luis de Guindos.
Pourquoi l’Espagne s’est-elle résignée ?
Pour au moins trois raisons. Alors que le taux de chômage atteint près de 25 % et que de nombreuses réformes ont déjà été engagées, Madrid a d’abord obtenu que cette aide ne soit pas conditionnée à un nouveau tour de vis budgétaire. Dimanche 10 juin, le premier ministre Mariano Rajoy s’est ainsi déclaré « très satisfait » de ce plan, refusant de parler de « sauvetage » pour se démarquer des expériences grecque, irlandaise et portugaise.
La brutale aggravation de la crise, après la mobilisation de 23,5 milliards d’euros pour sauver Bankia, troisième banque du pays, constitue la deuxième raison. Depuis, la pression des marchés se faisait de plus en plus forte. Jeudi 7 juin, le Trésor a émis des obligations à dix ans à un taux d’intérêt moyen de 6 %, niveau jugé intenable sur le long terme.
Enfin – et c’est sans doute l’explication principale – Madrid a sans doute plié sous la pression de ses partenaires européens. Pour eux, la principale inquiétude demeure l’issue des élections législatives grecques du 17 juin : une victoire des partis opposés au plan de rigueur européen pourrait aboutir à la sortie du pays de la zone euro. Une échéance cruciale qu’il vaudra mieux gérer avec un risque espagnol contenu. Cette explication est toutefois réfutée par Mariano Rajoy, qui assure que personne n’a fait pression sur lui.
Comment les Espagnols ont-ils réagi ?
Le changement d’attitude du gouvernement a semé le trouble en Espagne. Dimanche 10 juin, le mot « sauvetage » barrait la « une » de presque toute la presse du pays. Un « sauvetage sous pression » pour le quotidien catalan El Periodico, un « sauvetage sans humiliation » pour El Mundo.
« Au final, il est clair que c’est une étape de plus dans la perte continuelle de souveraineté », reconnaissait néanmoins ce journal de centre droit. La décision de Mariano Rajoy de se rendre en Ukraine pour assister au match de football entre l’Espagne et l’Italie faisait aussi l’objet de nombreuses critiques.
La crise en zone euro est-elle contenue ?
L’aide accordée au secteur bancaire espagnol devrait être accueillie favorablement ce matin sur les places financières. L’urgence des dirigeants européens était donc d’empêcher que le sauvetage des banques espagnoles n’aggrave davantage la crise des dettes publiques, qui aurait changé de dimension et menacé l’Italie, dont le secteur bancaire continue d’inquiéter.
Outre les conséquences d’une sortie éventuelle de la Grèce de la zone euro, qui pourrait enclencher un processus incontrôlé d’éclatement de l’Union monétaire européenne – et, partant, de l’Union européenne –, les Européens vont devoir parvenir à concilier la rigueur nécessaire au désendettement public et à la compétitivité, avec des mesures de soutien à la croissance, à un moment où celle-ci s’essouffle ailleurs dans le monde.
C’est l’objet des prochains rendez-vous européens. À cette fin, l’équipe Hollande cherche en particulier à s’entendre avec l’opposition social-démocrate allemande (SPD), avec laquelle le gouvernement Merkel est obligé de composer pour ratifier le pacte de discipline budgétaire européen.
Autre chantier européen, évoqué par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel , la préparation, sous l’égide du président de la Commission européenne José Manuel Barroso, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy, celui de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker, et celui de la Banque centrale européenne Mari Draghi, d’une « union budgétaire », prévoyant l’émission commune d’euro-obligations pour financer les dettes futures.
SÉVERIN HUSSON ET SÉBASTIEN MAILLARD
Tags : dette, Espagne, euro, Europe
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