• L'incroyable morgue de classe des élites françaises

    Affaire DSK

    Publié le 22 mai 2011

    L'incroyable morgue de classe des élites françaises

    Depuis l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn pour tentative de viol dimanche dernier à New York, plusieurs personnalités médiatiques dont Jean-François Kahn, ont pris la défense du Directeur général démissionnaire du FMI. Comparant la tentative de viol à un "troussage de domestique", l'ancien patron de Marianne est depuis revenu sur ses propos.

    • J'ai été parmi les premiers à réagir dans les colonnes d'Atlantico au DSKgate en prenant, je pense, la distance impérative pour ne pas envoyer des anathèmes à charge ou à décharge. Cela m'a été reproché dans certains commentaires mais, étant simple contributeur et ni avocat, ni juge, ni procureur, je me cantonnerai à ce rôle.

    Du mépris de la classe politico-médiatique

    Dans cette affaire, une chose m'a insupporté plus que tout : le réflexe d'autodéfense de la classe dirigeante politico-médiatique dont la partie située à gauche de l'échiquier politique a donné dans la surenchère en termes de mépris de ceux n'appartenant pas à leur classe (nous serions en Inde nous parlerions de castes, ils seraient les Brahmanes et nous serions les intouchables appelés également parias).

    Bernard Henri-Lévy n'a pas hésité à crier au scandale en voyant le spectacle de DSK menotté (que je trouve moi même choquant) en déclarant : « on sait bien que tout le monde n'est pas pareil (...) que ce n'est pas un quidam », ce qui n'empêchera pas le même BHL de dire la main sur le coeur que tous les hommes sont égaux mais, comme disait Coluche : « tous les hommes sont égaux cependant certains sont un peu plus égaux que d'autres ».

    Jean Daniel est allé encore plus loin en déclarant dans le Nouvel Observateur « qu'avec les Américains nous n'appartenons pas à la même civilisation », (moi qui croyait que le conflit de civilisation se jouait entre l'occident et l'islam radical en suis pour mes frais) tandis que Jack Lang disait, lui, « qu'il n'y a pas mort d'homme » (rappelons simplement à Jack Lang que si les faits étaient avérés, il y aurait viol de femme ce qui n'est pas, à mon avis, une simple broutille).

    Cependant, le summum de l'abjection a été atteint par Jean-François Kahn qui a parlé sur France Culture d' « imprudence » et de « troussage de domestique » (vous avez bien lu).

    « Troussage de domestique », l'expression est si énorme qu'il m'a fallu réécouter plusieurs fois l'extrait de l'émission pour le croire !

    A Monsieur Jean-François Kahn...

    Ainsi Jean-François Kahn, personnalité éminente du magazine Marianne qui est à l'antisarkozysme primaire ce que l'EPO est au Tour de France, se permet de parler en des termes qui n'ont plus été utilisés en France par une personnalité publique depuis la Restauration de « troussage de domestique » pour qualifier un acte qui, s'il était avéré, est un viol de femme de ménage.

    Devant le tollé provoqué par ses propos Jean-François Kahn a publié un article d’excuses sur son blog en modifiant d'ailleurs au passage les propos qu’il avait tenus. Ainsi le « troussage de domestique » est devenu un « détroussage de femme de chambre » ce qui ne signifie pas du tout la même chose, le verbe « trousser » signifiant d’après le Larousse « posséder une femme, une fille » tandis que le verbe « détrousser » signifie, lui, « enlever par violence ce que quelqu’un porte sur lui ». Vu les moyens financiers de Dominique Strauss-Kahn, on se demande bien l’intérêt qu’il aurait à « détrousser » une femme de ménage vivant dans le Bronx et rappelons à Jean-François Kahn que la justice américaine ne poursuit pas DSK pour vol à l’arraché mais pour agression sexuelle ce qui n’a rien à voir avec un « détroussage ». Enfin, le mot « femme de ménage » a été substitué au mot « domestique », manière pour Jean-François Kahn de suggérer par l'imprécision que ses propos n’étaient pas si monstrueux que ça.

    Je tiens à informer Jean-François Kahn que ma grand-mère, qui dût comme des milliers de paysannes veuves monter à Paris après la Première Guerre mondiale, était une « domestique » dans une famille noble qui était aussi méprisante que Jean-François Kahn l'est aujourd'hui. Ils appelaient en effet ma grand-mère « la domestique » et ma mère « la fille de la domestique ». Ils étaient nobles, royalistes et nous étions dans les années 30. Aujourd'hui ces mêmes termes sont utilisés par les roturiers de la gauche caviar pour parler des personnes de même condition sociale. Enfin, il m'aura fallu attendre d'avoir 44 ans pour apprendre d'un des principaux journalistes français que le patron de ma grand-mère avait légitimement le droit de la violer, pardon de la trousser (et pourquoi pas ma mère tant qu'on y est), car il était « de la haute » tandis qu'elles n'étaient que des « domestiques » (pour citer Jean-François Kahn), on en apprend donc tous les jours.

    J'aimerais savoir ce que pense le magazine Marianne de ces propos tenus par son fondateur puisque Marianne ne passe pas une semaine sans vilipender en une les riches, la France d'en haut, l'argent, la bourgeoisie, les lobbies, les machos et tutti quanti. Pour le moment aucune réaction indignée, ni dans les élites médiatiques, ni dans la classe politique, on se demande pourquoi. Si ces propos ignobles avaient été tenus par un homme de droite, la Une de cette semaine aurait été changée en dernière minute mais, soyons beau joueur, la Une de la semaine prochaine ne devrait pas manquer d'y faire référence à moins que les « domestiques » ne fassent pas partie des personnes défendues par Marianne.

    Philippe David

    Philippe DAVID est cadre dirigeant, travaillant à l'international.

    Il a écrit deux livres politiques : "Il va falloir tout reconstruire", ouvrage qui expliquait le pourquoi du 21 avril et "Journal intime d'une année de rupture", qui retrace les deux premières années de présidence Sarkozy.


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