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La percée des souverainistes britanniques
La percée des souverainistes britanniques
Nigel Farage, vendredi à Londres, alors qu'il se rend au Studio Millbank pour une interview. Crédits photo : SUZANNE PLUNKETT/REUTERSL'UK Independence Party inquiète les tories en s'imposant comme troisième force politique du pays.
Correspondant à Londres
Avec ses blazers bien mis, sa mèche de côté, son sourire à pleines dents, Nigel Farage, 48 ans, savoure son heure. Le leader de l'United Kingdom Independence Party (Ukip) se voit déjà troisième homme de la vie politique anglaise. Ce parti très à droite, antieuropéen, souverainiste et populiste déloge les centristes libéraux-démocrates (lib-dems), alliés avec les tories au gouvernement, de leur position d'alternative aux conservateurs et aux travaillistes.
Aux élections générales de 2010, il s'était contenté de 3 % des voix. Désormais, l'Ukip culmine à 13 % dans un sondage Observer-Opinium publié dimanche. Et les électeurs passent aux actes: dans une série de législatives partielles, il est arrivé deuxième ou troisième. À Rothertham, circonscription industrielle du Nord, il a recueilli jeudi 21,8 % des voix. D'autres partis d'extrême droite comme le British National Party ou Respect bénéficient aussi du vote protestataire mais sans la même capacité à capitaliser sur une tendance de fond.
Surfant sur l'hostilité croissante à l'Union européenne et le rejet du gouvernement tory-lib-dem, Nigel Farage veut devenir incontournable. «L'establishment politique va devoir se faire à l'idée que l'Ukip est durablement une force qui compte dans la vie politique britannique, se vante-t-il. Notre message perce dans l'opinion, pas seulement auprès des électeurs tories. Nous avons plein de voix, en particulier dans le nord de l'Angleterre, venant du Labour et des lib-dems.» La menace est prise très au sérieux à droite. Selon les projections des sondeurs, l'Ukip pourrait arriver en tête aux élections européennes de 2014. Et sérieusement perturber les chances de réélection des conservateurs à Westminster l'année suivante. Au point que des stratèges tories appellent ouvertement à une alliance électorale. «La prochaine coalition?», titrait la semaine dernière le Guardian avec une photo de Cameron et Farage victorieux devant le 10 Downing Street.
Selon Fielding, professeur de sciences politiques à l'université de Nottingham: «L'Ukip, malgré sa progression dans les sondages, n'est en position de gagner aucun siège au Parlement. Mais la menace, réelle pour les conservateurs car ils risquent de faire basculer des sièges en faveur des travaillistes, est agitée par leur frange le plus à droite pour pousser David Cameron à se radicaliser et à organiser un référendum sur l'Europe.»
Le parti trouble-fête bénéficie du charisme de son leader et de l'euroscepticisme ambiant. Ancien banquier, Nigel Farage fut membre du Parti conservateur, qu'il quitta au moment de la signature du traité de Maastricht, acte de naissance de l'Ukip. Député européen depuis 1999, il mène sa croisade contre l'Union depuis Bruxelles et Strasbourg quand il ne hante pas les médias britanniques qui relaient volontiers ses positions. Il mène la vie dure aux dirigeants européens, Herman Van Rompuy ou José Manuel Barroso à qui il a reproché d'avoir passé ses vacances sur le yacht d'un milliardaire grec après avoir accepté le versement de 10 milliards d'euros d'aides européennes à la Grèce.
Désormais, le parti œuvre à étoffer sa doctrine au-delà de l'obsession souverainiste. Il défend un corpus économiquement libéral, antiétatiste, antiécologiste. Socialement conservateur, l'Ukip prône la sélection à l'école, davantage de dépenses militaires, dénonce l'immigration et se revendique de Margaret Thatcher. Mais le parti ne dispose pas d'une base militante assez large pour mener campagne et reste divisé par des luttes intestines.
Tags : Royaume-Uni, Europe, Nigel Farage
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